FMJ MtlDÉDICACE DE LA BASILIQUE SAINT-JEAN-DE-LATRAN – A
Frère Thomas
Éz 47, 1-2.8.8-9.12 ; Ps 45 ; 1 Co 3, 9-11.16-17 ; Jn 2, 13-22
9 novembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l’Esprit.

C’était vers 324 après Jésus-Christ.
L’empereur Constantin de Rome,
venait de déclarer la religion chrétienne licite.
Le culte chrétien pouvait désormais
se faire en public, et ainsi une basilique,
Saint-Jean-de-Latran fut érigée à Rome et consacrée,
comme siège, comme cathédrale de l’Évêque de Rome,
c’est-à-dire du pape, qui à l’époque était Sylvestre 1er.
Elle devint ainsi la mère de toutes les églises du monde.
Et c’est la raison pour laquelle l’anniversaire de sa dédicace,
le 9 novembre, est devenu une fête pour l’Église universelle.

Cependant, les textes que nous venons d’entendre
ne sont pas tellement à la gloire des églises-bâtiments.
Sauf peut-être la lecture du prophète Ézéchiel,
où de l’eau jaillit du seuil du Temple de Jérusalem.

Mais Paul insiste pour dire que c’est nous
qui sommes le temple de Dieu.
Et Jésus, Lui, chasse les marchands du temple –
marchands qui pourtant vendaient des bêtes pour les sacrifices,
activité essentielle du temple de Jérusalem.

Alors comment pouvons-nous recevoir
cette fête de l’anniversaire de la dédicace
de la cathédrale de Rome ?

Replaçons-nous d’abord pour cela
dans le contexte historique de cette dédicace.
Les chrétiens venaient de traverser
près de trois siècles de persécutions,
au sein de l’empire romain païen.
Leurs lieux de rassemblement,
c’étaient les maisons particulières des uns et des autres,
ou bien les catacombes
(qui étaient des cimetières souterrains
dans les grandes villes à l’époque).
Pensons à tous les chrétiens persécutés
de par le monde aujourd’hui, si nombreux,
qui doivent se cacher pour se rassembler, pour prier.

Quelle joie devait être celle des chrétiens
du début du 4e siècle,
lorsqu’enfin ils pouvaient construire des édifices
pour abriter leur prière,
lorsqu’enfin l’évêque de Rome,
et tous les autres évêques, successeurs des apôtres,
disposaient de cathédrales
pour permettre à leur troupeau
de se rassembler dignement
pour célébrer régulièrement l’Eucharistie
et la Liturgie des Heures !
La prière chrétienne a ceci de particulier
que sa source et son sommet est l’Eucharistie, la Messe.

Certes la Messe n’est pas tout de la prière chrétienne,
mais sans la Messe – du moins sans désir de la Messe –
il n’y a pas de vie chrétienne.

Nous autres, des pays de vieille chrétienté
où nous voyons des églises se vider, ou fermer,
nous avons un peu de mal à comprendre cela.
Nous aurions tendance à reléguer la religion,
la vie spirituelle dans la sphère privée
Alors qu’il y a des endroits sur notre planète
où aujourd’hui, les fidèles se pressent dans les églises
pour y vivre la Messe.
Certains sont capables de faire des kilomètres
pour vivre une Eucharistie significative.
Et vous, qui venez prier au Sanctuaire du Saint Sacrement,
vous passez bien du temps dans les transports,
pour vivre l’Eucharistie dominicale.

En fait, les chrétiens constituent une famille.
Même s’ils proviennent de nations parfois très diverses,
s’ils peuvent être de cultures très diverses,
ils ont comme un patrimoine génétique commun.
Ils forment le Corps du Christ,
le Temple de l’Esprit.
Ils sont le Peuple de Dieu.
Ce sont tous ces liens organiques
des chrétiens entre eux
que le Concile Vatican II a remis en valeur.
Et précisément, tout comme une famille humaine a besoin,
pour vivre, pour grandir et se développer,
d’une maison appropriée et digne,
la famille que sont les chrétiens
a besoin de maisons, d’églises
pour vivre, grandir et se développer.

Que se passe-t-il dans une église lorsque des chrétiens
s’y rassemblent pour y célébrer l’Eucharistie ?
Ils se retrouvent d’abord dans un édifice
dont le rôle exclusif est – en principe – d’abriter le culte.
Mgr Lépine, notre archevêque,
lorsqu’il était venu consacrer le nouvel autel de notre église,
nous avait rappelé cela.
Ce n’est pas comme une pièce d’une maison d’habitation
qui peut avoir plusieurs usages.
L’assemblée des chrétiens, l’Église,
le corps du Christ, le temple de l’Esprit,
se trouve circonscrite dans un espace et dans un temps régulier.
Cela aide grandement l’Église à se constituer comme telle.

Certes l’absence d’églises n’empêche pas les chrétiens
d’être constitués en Église :
L’histoire des chrétiens persécutés nous le montre à l’envi !
Et inversement, une église de pierre
qui n’est pas habitée par une assemblée
qui vient régulièrement y prier,
qui vient y célébrer l’Eucharistie,
perd petit à petit sa raison d’être,
et fini par être détruite
ou par passer à un autre usage que la prière.
Nos églises sur cette terre sont ainsi tout à la fois
des abris pour la prière des chrétiens
et des signes de cette prière au yeux du monde.

Si donc dans les églises se constitue l’Église, Corps du Christ,
elles sont aussi des lieux significatifs
où chaque chrétien peut apprendre à prier son Seigneur.
Certes, il l’apprend d’abord au cours de l’Eucharistie,
mais il l’approfondit dans ce qui précède
et ce qui suit l’Eucharistie et la Liturgie des Heures.
Ainsi, notre église – le Sanctuaire du Saint-Sacrement –
est ouverte toute la journée (certaines nuits même),
afin de permettre aux personnes qui y passent,
d’y prier à toute heure.

Le Saint Sacrement exposé sur l’autel
est un prolongement bien significatif de l’Eucharistie,
permettant à toute personne
(quelque soit sa culture ou sa religion)
de vivre un temps de prière fort devant le Christ,
et se reconnaître ainsi d’une façon toute spéciale,
membre du corps du Christ – actuel ou en devenir.

Les statues des saints, qui se trouvent dans les églises
pour la dévotion des personnes qui passent,
nous aident aussi à nous découvrir davantage enfants de Dieu.
Jésus nous appelle à prier notre Père
dans le secret de notre chambre de notre cœur,
mais c’est d’abord dans les églises
– où nous sommes constitués Corps du Christ –
que nous apprenons à prier ainsi.

Ainsi donc nos églises
lorsqu’elles sont des écrins abritant l’Église,
peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l’Esprit,
sont autant de mini-temples de Jérusalem,
d’où l’eau vive jaillit dans le monde.

Et qu’est-ce donc que cette eau vive
qui jaillit de nos églises ?
C’est tout ce qui se passe sur les parvis de nos églises.
Le parvis, ce n’est plus aujourd’hui
seulement le lieu où les paroissiens se retrouvent
après la sortie de la messe.
C’est un lieu significatif d’interaction
entre le peuple de Dieu, le corps du Christ
et tous ceux et celles qui ne savent même pas
qu’il y a un corps du Christ.

Alors, que nos églises soient belles, habitées
et rayonnante de la présence du Christ.

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