FMJ MtlLundi, 18e Semaine du Temps ordinaire – B
Saints Joseph d’Arimathie et Nicodème, disciples du Seigneur
Frère Benoît
(première homélie après l’ordination)
1 Th 4, 13-17 ; Ps 95 ; Lc 4, 16-30
31 août 2009
Magdala, France

L’espérance conduit la charité

Purifie mon cœur et mes lèvres Dieu Très Saint
pour que je fasse entendre
à mes frères la Bonne Nouvelle.

Avec cette prière, chers frères et sœurs,
un prêtre se tourne,
au moment où il se prépare
à proclamer l’Évangile du jour,
vers Celui qui l’a envoyé.
Et c’est aussi mon désir profond :
que de mon cœur et par mes lèvres
vienne pour vous une parole audible,
une Bonne Nouvelle,
l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ.

C’est le début d’un ministère pour Jésus à Nazareth
et pour moi ici devant vous,
où je demande tout à Dieu Très Saint.
C’est à Lui qu’appartient l’Évangile,
son cœur, le mien et les vôtres.

*

Aujourd’hui les deux lectures parlent de l’espérance :
de la vie dans la lumière,
la liberté, la grâce et l’éternité.
Vous avez vu que j’ai choisi
au dos de l’image de mon ordination,
les mots de saint Paul sur la charité.
Mais cela ne me fait pas de peine
de parler d’abord de l’espérance.

L’espérance conduit la charité.
L’espérance est le regard
que l’amour pose sur les choses et les personnes.
Sur tout ce qui était perdu, notamment :
pauvre, malade, enfermé, mort.
Quand l’amour espère,
il déchiffre et voit en tout
la vraie et profonde vocation :
celle d’être vivant.
Celui qui aime se tourne vers les autres en espérant,
en mettant sa confiance en Dieu,
capable de déployer la vie
là où l’homme ne perçoit plus l’avenir.
Alors que la charité, l’amour, pénètre tout
et maintient tout en existence,
lui qui seul demeure,
son regard, cette pénétration,
l’œil de l’amour, c’est l’espérance.

Nous connaissons tous
« la petite sœur espérance » de Péguy,
qui conduit ses plus grandes sœurs, foi et charité :
ses sœurs aveugles.
Le propre de la charité, c’est d’espérer.
L’amour dit : tu vivras !
Tu ne mourras pas !
Ce sont les paroles de l’amour
qui espère tout,
fait confiance en tout,
pardonne tout,
n’entretient pas de rancune.

Regarder avec espérance, c’est donc créer,
vivifier et transformer
l’ordinaire en extraordinaire,
l’aujourd’hui en éternité.

Un chapitre extraordinaire, sans espérance,
ne serait même pas ordinaire…

*

Quand Jésus vient parler à Nazareth,
Il risque une chose très redoutable.
Il risque de s’exposer aux regards qui n’espèrent pas.
Nazareth, c’est la ville de l’habitude,
là où rien ne se passe d’extraordinaire.
Que peut-il sortir de bon de Nazareth (Jn 1,46) ?
Qu’a-t-il d’extraordinaire ce charpentier, le fils de Joseph,
pour que ses paroles sonnent ainsi ?
En disant cela, les cœurs se ferment.
Oui, les gens de Nazareth posent sur Jésus
un regard admiratif ou enthousiaste même,
et on peut dire, aimable, d’amour presque !
Mais c’est l’espérance qui est absente.
Nazareth n’espère pas.
Personne d’ailleurs n’espérait rien de lui.
Cherchez dans l’Écriture…

Alors son village a endossé ce regard aveugle
et il n’espère plus rien de bon en lui-même,
ni de la famille de ce pauvre Joseph.
Un fils du roi David pourtant…

Et puisqu’il n’espère pas en lui-même,
en sa propre vie,
en ce que Dieu a caché de bien en lui,
Nazareth ne supportera pas
qu’une espérance soit annoncée aux autres.
C’est le scandale de Nazareth :
que la Bonne Nouvelle soit annoncée aux pauvres,
qu’une grâce soit accordée par le Seigneur,
qu’une chance soit donnée à un étranger de Syrie
et à une veuve de Sidon.
Comment est-il possible que de ces riens
surgisse du bon ? !

*

Le voilà, je crois, le mystère d’une charité
qui espère ou qui n’espère pas.

Quand on dit de l’amour qu’il espère tout,
c’est que l’amour envisage
l’avenir ouvert à l’œuvre de Dieu.
Il s’ouvre à Dieu et à sa promesse, sans limites.

La charité qui n’espère plus, en effet,
qui n’excuse plus,
qui commence à compter les fautes,
qui entretient des rancunes,
qui n’envisage plus rien,
est aveugle.

La charité sans espérance perd toute sa pureté,
sa fraîcheur, toute sa douceur.
Un amour pour la patrie, par exemple, qui n’espère pas,
sombre dans la xénophobie et l’enfermement.
Un amour maternel qui n’espère pas
étouffe ou brise l’enfant.
Mais un amour vivant d’un couple
espère, pardonne, se réconcilie, redémarre, vit !
Et un amour vivant dans l’Église
rend possible la conversion, la patience.
Il espère et soutient la personne,
la privilégie même
au prix des sacrifices communautaires.

Et cela à la différence des idéologies
qui aiment aveuglément,
en sacrifiant les personnes humaines pour une idée,
et sacrifie justement ces personnes
dont on n’espère plus rien.

Quelle grâce que de se livrer alors
à cette œuvre grandiose et patiente en même temps
de l’annonce de l’Évangile à toute la Création.
De pouvoir par la grâce de Dieu dire au monde :
Dieu ne t’a pas oublié petit troupeau,
ton âme vivra pour Lui.
Prends cœur et prends courage,
espère en Dieu (Ps 26(27),14).

Frères et sœurs, accueillons de tout notre être
cette fraîcheur de la charité, sa jeunesse
cachée dans l’espérance infaillible,
indéfectible en Dieu
capable de redresser toute notre vie et la combler.

Curieusement, n’est-ce pas justement à Nazareth
qu’une jeune fille
avait entendu ces paroles extraordinaires
qui ont définitivement ouvert
l’univers entier à la Bonne Nouvelle :
« Ne crains pas Marie, (Lc 1,30)
rien n’est impossible à Dieu (v. 37) ».

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