FMJ Mtl12e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
Za 12, 10-11 ; 13, 1 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24
19 juin 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Un Messie crucifié

Quel Messie étrange nous avons !
Voilà que Pierre découvre l’identité de Jésus :
« Tu es le Messie de Dieu ! » (Mt 16,16).
Et aussitôt Jésus Se met à annoncer à ses disciples
qu’Il sera tué.
Nous savons comment, dans l’Évangile de Matthieu,
Pierre protestera auprès de Jésus :
« Non, cela ne T’arrivera pas » (Mt 16, 22-23),
et comment Jésus lui répliquera :
« Passe derrière moi Satan,
car tes pensées ne sont pas celles de Dieu ! » (v. 23)

Quelles sont donc les pensées de Dieu,
pour nous donner un Messie crucifié ?
Crucifié puis ressuscité, pourrions-nous préciser,
mais crucifié quand même.
Si cela se termine bien,
pourquoi faut-il donc
que cela passe par l’ignominie de la croix ?
Et nous pouvons aller plus loin dans notre réflexion :
comment se fait-il que la croix,
qui à son origine était un instrument de torture,
devienne le signe des chrétiens ?

Sous la Rome antique, la crucifixion était pratiquée
pour châtier les esclaves ou les prisonniers.
Notamment lors de la révolte de Spartacus,
en 73 avant Jésus-Christ,
les gladiateurs insurgés avaient été crucifiés
le long de la voie Appienne.

À la cruauté d’une mort par asphyxie,
s’ajoutait l’humiliation d’être suspendu nu
sous les yeux des passants.
Ainsi les premiers chrétiens étaient-ils l’objet de dérision
parce qu’ils adoraient un Dieu crucifié.
Un graffiti a ainsi été retrouvé représentant
un âne suspendu sur une croix,
avec un homme qui le salue et une inscription :
« Alexamenos adore son Dieu ».

Lorsque Jésus était en croix, les dirigeants du Temple
ainsi qu’un des malfaiteurs suspendus avec Lui,
se moquaient de Lui :
« Descends de ta croix, si Tu es le Messie ! » (Mt 27,40)

L’Islam, qui reconnaît Jésus comme prophète,
affirme cependant qu’un autre a été crucifié à sa place.
Et de nos jours, dans les tentatives
pour faire disparaître les signes religieux de l’espace public,
ce sont souvent les crucifix qui sont visés.

Que le Messie, que le Sauveur,
soit passé par la croix, cela dérange.
Certes, nous pouvons dire que c’est indigne de Dieu
ou d’un homme de Dieu, mais la véritable raison
c’est que si le Messie passe par la croix,
alors moi aussi je devrai passer par la croix,
et cela m’embarrasse.

Moi, je voudrais un salut le moins coûteux possible.
N’est-ce pas cette recherche-là
qui est encouragée par nos sociétés occidentales
qui poursuivent le bien-être sur cette terre ?

Avec cette limite inéluctable
que la recherche du bien-être sur cette terre
bute sur les lois naturelles et spécialement sur la mort.
Nos sociétés occidentales défient alors les lois naturelles
avec les lois sur l’avortement,
sur le mariage entre deux personnes de même sexe,
et maintenant sur l’euthanasie.
Mais cela ne fait que reculer la souffrance sans la supprimer
et surtout cela ne résout pas le problème de la mort.

Face à cela, Jésus nous dit aujourd’hui :
« Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ;
mais celui qui perdra sa vie pour Moi, la sauvera » (Lc 9,24).
Les chrétiens ne sont pas les bienvenus
dans ce monde qui prétend, à force de progrès,
instaurer la souffrance zéro.

Mourir dans la dignité c’est, pense-t-on,
se donner la mort quand survient une souffrance
dont on ne voit pas le bout.
Pour un chrétien, mourir dans la dignité,
c’est mourir uni au Christ :
C’est faire de sa mort non une plongée dans le néant,
mais un passage de la mort à la vie.
Cela prend de consentir à passer
par un minimum de souffrances,
mais nous n’y sommes pas seuls.
Jésus est avec nous, Il nous prend par la main.

Et voilà que s’éclaire le mystère de la messianité de Jésus !
Cela n’est pas indigne pour un messie de mourir sur la croix,
s’il le fait par amour pour nous,
afin de venir nous rejoindre dans toutes nos souffrances.

« Il lèveront les yeux vers Celui qu’ils ont transpercé » (Za 12,10),
prophétisait Zacharie, car si nous refusons la croix de Jésus,
nous contribuons par là même à la mise en croix de Jésus.
Nous pensons L’éliminer, mais finalement nous Le glorifions !

Nous nous imaginons
que s’Il est condamné à une mort infamante,
plus personne ne va parler de Lui.
Mais nous oublions qu’élevé de terre,
Il attirera tout à Lui (cf. Jn 12,32).

C’est pourquoi, ne nous inquiétons pas aussi
si les chrétiens que nous sommes sont persécutés,
mis de côté, ou que simplement on dit du mal de nous.
Si notre foi reste vive, nous ressusciterons avec Jésus.
La croix fait partie du programme du chrétien,
comme elle a fait partie du programme de Jésus.
Elle n’est pas un accident de parcours.
Elle donne sens à notre vie ;
elle donne sens à l’Histoire de l’humanité ;
elle rassemble l’humanité.
Plus nous la rejetons, plus nous la trouvons.
Et plus nous l’embrassons, moins elle nous pèse.

« Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ;
mais celui qui perdra sa vie pour Moi, la sauvera ».
Tel est notre Messie, notre Sauveur.

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