FMJ MtlSTS JEAN DE BRÉBEUF, ISAAC JOGUES
ET LEURS COMPAGNONS MARTYRS en 1642-1649
Mgr André Gazaille, évêque titulaire de Nicolet
Sg 3, 1-9 ; Ps 123 ; Jn 12, 24-26
Samedi, 26 septembre 2015
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Être disciples-missionnaires

Alors que le pape François nous invite à devenir
une Église plus missionnaire, une Église en sortie,
une Église des périphéries,
une Église de disciples-missionnaires,
la liturgie nous met en présence aujourd’hui
des saints Martyrs canadiens (six jésuites et deux laïcs),
des donnés aux missions, qui furent des missionnaires
extraordinaires au tout début de l’Église d’ici
et qui y donnèrent leur vie entre 1642 et 1649.
Ils ont encore bien des choses à nous apprendre
sur ce qu’est que d’être missionnaires.

C’était des jésuites français, fortement influencés
par le courant mystique issu du Concile de Trente.
Ils étaient tous des hommes de prières,
certains, des mystiques même, tel le père Jean de Brébeuf.

Ils avaient une conscience très forte
de l’amour fou du Christ pour eux,
mais aussi pour tous les humains.
La connaissance de Celui
qui a donné sa vie sur la Croix
pour le salut de tous les humains,
va faire monter dans leur cœur
un grand désir de partager cet amour
avec ceux qui ne le savent pas encore,
avec ceux qui sont les plus loin,
les Amérindiens de la Nouvelle-France.

C’est la même spontanéité missionnaire
qui va amener ici au Québec ceux qu’on appelle
les fondateurs de l’Église canadienne :
Marguerite Bourgeois, Mgr François de Laval,
Marie de l’Incarnation et Marguerite d’Youville.

« Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive :
et là où Je suis, là aussi sera mon serviteur » (cf. Jn 12,26).
Et le Seigneur aime bien être avec celui qui est le plus loin,
le plus petit, celui qui a le plus de besoins.

C’est cet unique désir d’être là où le Maître les attend
qui va amener ces hommes bien différents à quitter leur pays.
Certains comme Jean de Brébeuf et Isaac Jogues
étaient des hommes courageux, intrépides
tandis que d’autres, comme par exemple Noël Chabanel,
n’avaient pas ce qu’il fallait à première vue.
Beaucoup avaient été des enseignants, d’autres chirurgiens
comme par exemple René Goupil.
Ce profond désir les conduira jusqu’au pays des Hurons
(10,000 personnes), sur les bords de la Baie Georgienne,
200 km au nord de Toronto,
à un mois de voyage en canot du Québec.

Et là, ils vont être des missionnaires pour la communauté :
ils vont partager leur mode de vie, vivre dans leur village
(les Hurons étaient sédentaires sauf en période de chasse).
Les débuts furent très très difficiles.
Ils connurent une forte opposition
et leurs vies étaient sans cesse en danger.

Ces terribles difficultés faisaient dire au Père Le Jeune :
« Je demande les meilleurs ouvriers que je peux,
parce qu’il faut ici, en vérité, des esprits
qui viennent à la croix et non aux conversions
et qui soient extrêmement souples et dociles,
autrement il n’y a plus de paix et par conséquent point de fruit. »
Une profonde vie mystique est donc nécessaire
pour endurer des conditions de vie tout à fait héroïques.

Est aussi nécessaire, une spiritualité
axée sur une grande dévotion à l’Eucharistie
et à la prière devant le Saint-Sacrement car :
« Il est la source de toute douceur
et tout le soutien de notre cœur », disait St Charles Garnier.
Ils y puisent la joie de porter un peu de la Croix de Jésus :
« Si le Canada est pour moi un temple saint,
le pays des Hurons en est le Saint des saints :
on y doit jouir des chastes embrassements de l’Époux sacré,
et tout ensemble on y est attaché à la croix
car Jésus et la croix sont inséparablement unis. »
(St Charles Garnier, in Jésuites de la Nouvelle-France, p. 290)

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ;
mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruits » (Jn 12,24).

Le désir d’y donner leur vie les habite,
ce qui fait dire à Jean de Brébeuf :
« Oui, mon Seigneur Jésus, je fais vœu
de ne jamais manquer la grâce du martyre si,
dans votre miséricorde, Vous l’offrez à votre indigne serviteur (…).
Je vous offre donc dès aujourd’hui et de grand cœur,
ô mon Seigneur Jésus, et mon sang et ma vie,
afin que si vous m’en accordez la grâce,
je meure pour Vous qui avez daigné mourir pour moi.
Faites que je vive de manière à accepter ce genre de mort. »
(Relation des jésuites pour 1645, p. 51)

Ce qui fait dire par ailleurs au faible saint Noël Chabanel :
« Hélas, il faut une vertu d’une autre trempe que la mienne
pour mériter l’honneur du martyre.
Ce sera quand il plaira à la divine bonté
pourvu que de mon côté
je tâche de me faire martyr dans l’ombre,
d’un martyre sans effusion de sang. »

Et les fruits vont venir.
Il va y avoir beaucoup de conversions
dans les dernières années de leurs vies.
Le martyr va venir à cause de leur proximité avec les Hurons
dont beaucoup étaient devenus des frères et des sœurs
dans la foi en Jésus-Christ et parce qu’ils sont devenus
des victimes de la haine des Iroquois.

En scrutant un peu leur vie, les saints Martyrs
viennent nous rappeler des essentiels pour la mission
auxquels on est tous appelé aujourd’hui :

– La mission, c’est celle du Christ qui a donné sa Vie
pour que tous puissent découvrir son Cœur miséricordieux
auquel nous avons à collaborer chacun, chacune avec nos talents,
ministères qui sont reçus de l’Esprit Saint.

– Elle prend sa source dans la découverte de l’amour de Dieu
dans notre vie, en présence de son amour qu’on ne peut goûter
par soi-même, mais qu’il nous faut partager avec ceux
que le Seigneur met sur notre route.
C’est un trop plein d’amour à partager.

– Elle est « sortie » de soi-même.
L’Amour du Christ nous pousse, nous pousse.
Elle nous pousse là où le Christ nous attend,
Lui qui nous précède toujours
et qui en même temps, nous accompagne toujours.
« La vie augmente quand elle est donnée
et elle faiblit dans l’isolement et dans l’aisance. »
De fait, ceux qui tirent le plus de profit de la vie
sont ceux qui mettent leur sécurité de côté
et qui se passionnent pour la mission
de communiquer la vie aux autres.
La vie s’obtient et se maintient dans la mesure
où elle est livrée pour donner la vie aux autres (EG, no. 10).

– Elle demande qu’on se fasse proche,
que notre vie soit témoignage, qu’on donne accueil, dialogue,
écoute, qu’on prenne le temps de l’accompagnement.

– Elle demande beaucoup d’amour, de la patience, de l’espérance,
de l’authenticité, un peu d’audace et cette capacité
à voir la présence et l’action de Dieu chez les personnes.

– Il y a paix et joie dans le don de sa vie.
Il ne faut pas avoir peur des croix.
Il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres,
dans leurs voix, dans leurs demandes.
C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié
quand nous subissons des agressions, des injustices
ou des ingratitudes sans jamais nous lasser de choisir la fraternité.

C’est ce que le pape François appelle être disciples-missionnaires.

N’est-ce pas que les saints Martyrs canadiens sont inspirants
pour notre Église appelée à devenir de plus en plus missionnaire ?
N’est-ce pas qu’ils sont inspirants pour vous
qui fêtez aujourd’hui vos onze ans de présence ici à Montréal,
sur le plateau Mont-Royal, en terre de mission ?

Durant cette Eucharistie, confions-nous à Celui
qui est l’unique missionnaire pour qu’Il fasse de chacun,
de chacune de nous des missionnaires selon son Cœur.

Note : Avec extraits en italique pris sur le site internet
http://crc-canada.net/histoire-sainte-du-canada/regime-francais/creation-divine/saints-martyrs-canadiens/

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