FMJ MtlJeudi, 34e Semaine du temps ordinaire – B
Frère Thomas
Ap 18, 1 … 19, 9 ; Ps 99 ; Lc 21, 20-28
29 novembre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

De Babylone à Jérusalem

Dans les lectures de la messe aujourd’hui,
il y a deux villes, deux cités qui apparaissent :
Babylone et Jérusalem.
Deux cités emblématiques :
dans la symbolique biblique,
Babylone la grande prostituée
qui corrompait la terre par sa prostitution,
qui est appelée un jour à disparaître définitivement.
Puis Jérusalem, pas toujours fidèle à Dieu,
qui parfois ressemble à Babylone…
mais qui est l’épouse bien-aimée de l’Agneau,
appelée sans cesse à se convertir pour demeurer
auprès de Dieu à jamais.

Dans la Bible, Babylone c’est d’abord Babel,
ville que les humains ont voulu construire
pour se faire un nom… sans Dieu.
Saint Augustin parlait de la cité construite
par l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu.
Cet orgueil humain qui a conduit à la construction de Babel
a finalement produit la division des humains
par la confusion des langues.
Babylone, c’est aussi l’empire qui a assiégé,
détruit Jérusalem et son Temple,
au 6e siècle avant Jésus-Christ,
et qui a déporté les enfants d’Israël loin de leur terre :
elle a voulu les couper de leur Dieu (elle n’y a pas réussi).

Dans le livre de l’Apocalypse que la liturgie de l’Église
nous donne à lire en cette fin de l’année liturgique,
Babylone est présentée comme la grande prostituée
qui sera jugée et précipitée au fond de la mer à la fin des temps.
Dans la symbolique biblique la prostitution,
plutôt que le monnaiement de relations intimes,
évoque de façon plus large l’idolâtrie.
Lorsque les prophètes dénoncent l’idolâtrie,
ils parlent très souvent de prostitution :
« Comment est-elle devenue une prostituée, la cité fidèle ?
Sion, pleine de droiture, où la justice habitait… » (1,21)
dit le prophète Isaïe.
Dans la prostitution, les relations intimes,
réservées aux époux pour un don mutuel réciproque dans l’amour,
sont dénaturées.
Elles sont dépourvues d’amour :
la personne qui se prostitue ne recherche
que des avantages en argent ou en nature.
Et le client de la prostitution cherche
à pouvoir traiter la personne à sa guise,
comme un objet… pour son plaisir à lui.
Dans notre société de nos jours
la prostitution est devenue une véritable industrie,
dans laquelle le plus souvent
des tierces personnes avides de gains faciles
trouvent leur compte et réduisent des millions d’êtres humains
(surtout des femmes et des enfants) en esclavage.

De la même manière, dans l’idolâtrie,
l’amour entre l’être humain et Dieu est dénaturée.
La foi, la remise de soi humble et confiante à l’amour de Dieu,
est remplacée par la recherche d’avantages matériels immédiats,
dussions-nous perdre notre âme pour cela.
Ce n’est pas un hasard si dans la Bible l’idolâtrie
est le plus souvent associée à la fraude, l’injustice et la méchanceté.
Notre culture ambiante, qui se veut a-religieuse
est cependant plus productrice d’idoles que jamais.
Le jeu, les drogues, la pornographie par exemple…
sont de véritables idoles qui font perdre leur âme
et vident les portefeuilles de ceux et celles qui s’y adonnent.
Il y a de fait une part de Babylone
partout où il y a des humains rassemblés…
et il y a aussi une part de Babylone
en chacune, chacun d’entre nous.
À nous de savoir nous en désolidariser à temps
pour ne pas être précipités à la mer avec elle :
comme Lot et les siens ont quitté Sodome et Gomorrhe
juste avant que ces villes soient détruites.

Parfois il est difficile de discerner Babylone.
Dans celle de l’Apocalypse, avec les prostitutions, les idolâtries
coexistent les musiciens, les artisans, les époux
(rien de mauvais en soi).
Que nous soyions donc vigilants à ce que nous regardons,
à ce que nous écoutons, à ce que nous consommons,
à la vie de notre corps qui est le Temple de l’Esprit Saint.
Il s’agit pour nous de préserver notre amour de Dieu,
notre vie de foi… notre vie tout court.
L’enjeu est très important.

Jérusalem, elle, est la ville donnée par Dieu aux humains
et bâtie par les humains pour Dieu.
C’est aux environs de 1000 avant Jésus Christ
que la ville de Jérusalem entre dans l’Histoire de l’humanité,
au moment de sa prise par le roi David.
David y place l’Arche d’Alliance ;
et son fils Salomon y bâtit le Temple.
Mais les habitants de Jérusalem, eux aussi,
ont été séduits par toutes sortes d’idolâtries.
Jérusalem a été prise, et détruite, par les Babyloniens,
en 587 avant Jésus Christ.
Puis elle a été reconstruite, grâce à l’empereur perse Cyrus.
Jésus – dans l’Évangile de ce jour –
prophétise la destruction de Jérusalem par les Romains en l’an 70.
La semaine dernière nous avons vu Jésus pleurer sur Jérusalem
parce qu’elle n’a pas accueilli sa Parole de Paix.
De fait les grands prêtres feront un acte d’idolâtrie
lorsqu’ils affirmeront à Pilate
qu’ils n’ont pas d’autre roi que César.

Jérusalem, en provoquant la mort du Fils de Dieu,
deviendra ce jour-là semblable à Babylone.
Jérusalem sera détruite à nouveau par les païens
mais elle sera encore à nouveau rebâtie.

Mais Jérusalem porte en elle en germe la Jérusalem céleste
qui est l’épouse du Christ, sanctifiée par Lui dans son sang.
Notre ville de Montréal porte en elle la Jérusalem céleste.
Chacune de nos vies porte en elle la Jérusalem céleste.
Notre vocation est celle de la nuptialité,
pour vivre en Jérusalem le mystère des noces de l’Agneau.
Il appartient à nous de faire de notre ville de Montréal,
de chacune de nos vies une Jérusalem céleste
en vivant l’amour gratuit, le don réciproque,
dans la foi en notre Dieu qui le premier
nous a fait le don de sa vie par amour pour nous.

Que Babylone tombe…
que l’idolâtrie, la prostitution
qui ne conduisent qu’à la désolation et à la mort disparaissent.
Que notre cœur ne soit pas en Babylone, mais en Jérusalem
pour que nous ne mourions pas mais que nous vivions à jamais.

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