FMJ MtlVIGILES PASCALES – A
Frère Thomas
Gn 1, 1-2, 2; Gn 22, 1-18; Ex 14, 15-15, 1; Is 54, 5-14;
Is 55, 1-11; Ez 36, 16…28; Rm 6, 3b-11; Mt 28, 1-10
19 avril 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La Résurrection, une pâque à faire en nous-même.

« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir »
dit le dicton populaire.
Mais quand il n’y a plus de vie ?

Marie Madeleine et l’autre Marie
viennent visiter un mort au tombeau.
C’est un fait que la mort fait partie de nos vies :
Nous nous accommodons alors avec la mort
avec fatalisme et résignation.
Pourtant, la mort reste inhumaine.
Que ce soit une mort violente
– comme celle par laquelle ont failli passer le jeune Isaac
ou les Israélites poursuivis par Pharaon,
comme celle de Jésus sur la croix ;
ou que ce soit une mort naturelle…
La mort nous indigne et parfois nous révolte.
La résurrection de Jésus, que nous fêtons en ce jour,
nous confirme avec force ce que nous pressentions déjà :
il y a de la vie, même dans la mort !

Marie-Madeleine et l’autre Marie vont au tombeau
pour rendre les derniers soins funéraires au corps de Jésus.
En effet, Jésus avait été déposé en hâte par Joseph d’Arimathie
dans un tombeau juste après sa mort sur la croix.
Comme le sabbat commençait dès le vendredi soir,
l’ensevelissement n’a pu être achevé.
C’est un fait qu’en tout temps et en tout lieux
les humains ont toujours tenu à rendre un hommage
aux corps de leurs défunts.
C’est là une des caractéristiques essentielles du genre humain,
qui les distingue des animaux.
Cela dénote que l’être humain
ne veut pas se laisser dominer par la mort.
En honorant les corps de ses semblables défunts,
l’être humain signifie que la mort n’a pas le dernier mot.
Pourtant que de résignation,
que de fatalisme bien souvent devant la mort !
Lorsque nous perdons un être cher,
après le choc viennent la tristesse, le vide soudain,
la colère aussi peut venir, ou le ressentiment.
Et en bout de ligne viennent la résignation, le fatalisme.
C’est ainsi ‒ dit-on ‒ on n’y peut rien !

Les disciples et les femmes ont dû passer par de tels sentiments
au moment de la mort de Jésus.
Abraham aussi était résigné,
quand il pensait que Dieu lui demandait véritablement
de lui offrir son fils Isaac en sacrifice.
Les Israélites, eux, se voyaient déjà massacrés
par l’armée de Pharaon à leur poursuite.

Lorsque les crimes sont commis,
et spécialement lorsque ce sont des crimes de guerre
qui volent la vie à des milliers de personnes,
la résignation et le fatalisme s’emparent aussi d’un grand nombre !
Devant l’escalade de la violence,
qui engendre des morts innombrables
– comme de nos jours en Syrie, ou en Centre Afrique –
grande est la tentation de baisser les bras.
Et la tentation des habitants des pays aisés
est même de provoquer la mort
dès que survient un mal de vivre !
Mais voilà en cette nuit que retentit une autre voix,
celle de l’ange qui dit aux femmes :
« Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié.
Il n’est pas ici, car il est ressuscité ! » (Mt 28,5-6).

Si donc l’être humain peut être résigné devant la mort,
il importe qu’il n’oublie pas de reconnaître
que la mort est inhumaine.
Lorsque Dieu créa l’homme et la femme
à son image et à sa ressemblance,
Il vit que cela était très bon.
La mort n’était pas encore là.
La mort est inhumaine parce qu’elle engendre
tristesse, colère, culpabilité, inquiétude.
On essaie de se raisonner,
en se disant que les personnes font leur temps sur cette terre,
ou bien que les générations doivent se renouveler,
la mort d’un être humain – quel qu’il soit –
a toujours un caractère violent.
Qui d’entre nous, en voyant un corps défunt,
ne s’est dit une fois :
« Mais la personne dort, elle va se réveiller. »
La mort donne à l’être humain
un pouvoir extraordinaire sur ses semblables :
celui de les supprimer – pense-t-il –
lorsque leur présence les dérange au plus haut point.
Et aussi l’être humain a la capacité
de trouver toutes sortes de raisons
pour tuer ses semblables.
C’est bien pour cela que les chefs des prêtres
ont voulu faire mettre Jésus à mort.
Et s’il arrive à la mort d’être apparemment la bienvenue
pour soulager la souffrance de bien des personnes,
il n’en demeure pas moins que sa venue effective
ne peut jamais constituer un bien.

« Vous, soyez sans crainte !
– dit l’ange du Seigneur aux femmes. –
Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié.
Il n’est pas ici, car il est ressuscité,
comme il l’avait dit ». (Id.)
Il l’avait dit, mais les femmes l’avaient oublié.
Les grands prêtres, eux, ne l’avaient pas oublié.
Aussi avaient-ils fait mettre des gardes autour du tombeau
pour empêcher les disciples de dérober le corps
et de prétendre que Jésus serait ressuscité.
Autant dire que personne n’attendait la résurrection de Jésus !

Voilà donc la question :
comment se fait-il que le retour définitif à la vie
d’un homme mort nous étonne !
Cela vient bouleverser un ordre établi
– un désordre établi plutôt –
auquel nous nous sommes par trop accommodés.
Cela vient réveiller en nous l’enfant scandalisé
de voir ses frères et sœurs en humanité mourir
les uns après les autres ;
scandalisé à la perspective qu’un jour lui aussi
verrait sa vie basculer dans le néant !
Il y a une part en moi-même qui se révolte devant la résurrection :
Comment ! Ceux et celles dont la présence m’importune
devraient vivre à jamais !
Et moi, je devrais à jamais me supporter avec toutes mes misères !
Devant la résurrection du Christ,
nous avons un passage à faire, à l’intérieur de nous-mêmes.

Avec Abraham qui s’est abandonné à Dieu
lorsqu’Il lui demandait d’offrir son fils Isaac.
Avec le peuple d’Israël poursuivi par l’armée de Pharaon,
qui s’est lancé dans les eaux de la Mer Rouge.
Avec le prophète Ézéchiel,
en recevant de Dieu un cœur nouveau, un esprit nouveau.
Regardons le visage de Jésus, regardons son corps,
tel que nous le révèle le linceul de Turin.
Ce n’est pas le visage d’un mort, mais d’un vivant endormi,
prêt à se réveiller.
Dans le corps de Jésus se trouve imprimé le témoignage
que nulle humiliation, nulle violence, nulle torture,
nulle souffrance, nul péché, nulle mort humaine…
ne sauraient effacer, ne sauraient anéantir la force de Vie
que Dieu a déposée en chacun et chacune de nous, les humains.
Ainsi désormais toutes nos morts humaines, petites ou grandes,
ne sont plus des impasses, mais des passages.
Ainsi nous pouvons marcher sur cette terre
sans avoir peur de la mort,
sans colère ni angoisse ni résignation.

Car par sa résurrection,
Jésus a une fois pour toute humanisé nos vies,
même dans a mort qui les déshumanisait.
Jésus, en vivant pleinement sa mort,
nous a révélé qu’il y a de la vie même dans nos morts !

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