FMJ Mtl22e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Jakub
Jr 20, 7-9 ; Ps 62 (63) ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27
3 septembre 2017
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Penser selon le monde, c’est mettre Dieu de côté

Chers frères et sœurs,
Entre Jésus et Jérusalem, il y a une histoire tumultueuse où amour et déception se mêlent.
Le Fils de Dieu pouvait-il mourir et ressusciter en dehors d’elle?
Elle est l’aboutissement de sa vie
et le point de départ de ceux qui proclameront le Royaume de Dieu
jusqu’aux extrémités de la terre.
Sa « montée » vers Jérusalem est une période importante,
surtout chez Luc : « Comme arrivaient les temps où il allait être enlever du monde,
Jésus pris résolument la route de Jérusalem. »

Nous sommes au grand tournant de la vie e Jésus :
le ministère en Galilée s’achève et malgré le signe de la multiplication des pains,
l’hostilité des Pharisiens et des Sadducéens ne désarme pas.
Pierre vient de faire sa belle profession de foi :
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »
et désormais Jésus va se consacrer en priorité
à la formation du petit groupe de ses disciples.

C’est dans cet axe de la pédagogie de Jésus
qu’il faut replacer les trois annonces de la Passion
qui jalonnent le récit de saint Matthieu :
d’emblée Jésus veut couper court à tous les rêves de messianisme politique
et préparer les siens à reconnaitre en lui le Messie souffrant.
Tout semble se renverser dans le cœur de Pierre!
Comment se peut-il que « le Christ, le Fils du Dieu vivant »
puisse souffrir jusqu’à la mort?
L’apôtre Pierre se rebelle, il n’accepte pas ce chemin,
il prend la parole et dit au Maitre :
« Dieu t’en garde, Seigneur! Cela ne t’arrivera pas. »

La divergence entre le dessein d’amour du Père,
qui va jusqu’au don de son Fils unique sur la croix pour sauver l’humanité et les attentes,
les désirs, les projets des disciples, apparait évidente.
Il dit cela par attachement pour le Maitre,
c’est sûr, mais peut-être aussi parce que la peur est entrée en lui,
cette peur de l’inconnu, de l’insécurité et de l’inconfort, qui nous fait dire, à nous :
« Dieu m’en préserve, Seigneur, cela ne m’arrivera pas! »
C’est pourquoi Jésus s’adresse à Pierre à travers des paroles particulièrement dures :
« Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route. »
Penser selon le monde, c’est mettre Dieu de côté,
ne pas accepter son projet pour nous.
Presque l’empêcher d’accomplir sa sage volonté.
Et Jésus nous adresse cette invitation, comme à ses disciples :
« Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il se renie lui-même,
qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »
Jésus ne dit pas :
« Prends ma croix, ma croix de bois »,
car il n’y aura jamais qu’un seul Golgotha, mais bien « prends ta croix. »

Par le baptême,
tout chrétien est plongé dans la mort du Christ pour participer à sa vie.
Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, la croix est présente.
Toute la vie du Chrétien se déroule sous le signe de la croix.
Sans cesse nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus,
afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps.
Toujours, en effet, nous les vivants, nous sommes livrés à la mort à cause de Jésus,
afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre existence mortelle.

Prends ta croix : dit Jésus.
Non pas une croix imaginaire et angoissante,
mais le réel de ta vie, les contraintes de ta santé,
le poids de tes responsabilités, le souci de tous ceux que tu aimes.
Prends ta croix et surtout ne cesse pas de me suivre!
Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, ajoute Jésus,
mais celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.
Être chrétien, ce n’est pas prendre la voie de la facilité.
C’est aller à contre-courant du monde qui parle de plaisir et de jouissance :
« Je veux vivre ma vie. »

C’est, comme Jérémie, être parfois en butte aux railleries et aux incompréhensions,
c’est avoir le courage de se dire « pour Jésus. »
De fait, celui qui prend sa croix commence à vivre
en suivant le maitre; étrange folie qui est la plus douce des sagesses.
Le chrétien suit le Seigneur lorsqu’il accepte sa croix avec amour –
ce qui peut apparaitre comme une défaite aux yeux du monde et une « perte de sa vie »
– tout en sachant qu’il ne la porte pas seul,
mais avec Jésus en suivant le même chemin de don de soi que lui.
En acceptant volontairement la mort,
Jésus porte la croix de tous les hommes
et devient source de salut pour toute l’humanité.
Saint Cyrille de Jérusalem commente :
« La croix victorieuse a illuminé qui était aveuglé par l’ignorance,
a libéré qui était prisonnier du péché,
a apporté la rédemption à toute l’humanité. »

Chers frères et sœurs,
Demandons au Seigneur que chacun de nous sache suivre le Seigneur
sur le chemin de la croix et se laisser transformer par la grâce divine,
en renouvelant – comme le dit saint Paul dans la liturgie de ce jour –
sa façon de penser « pour pouvoir discerner la volonté de Dieu,
ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. »

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