sanct - smLe Saint Nom de Marie
M. Jean-Yves Garneau, s.s.s.
1 Co 9, 16-19.22-27 ; Ps 83 ; Lc 6, 39-42
12 septembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Se laisser captiver et attirer par le Seigneur

Nous venons d’entendre des paroles
qui peuvent nous guider dans notre vie de chaque jour.
Paul vient de dire :
« Si j’annonce l’Évangile…
c’est une nécessité qui s’impose à moi;
malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !» (1 Co 9,16)
Il vient de dire :
« Libre à l’égard de tous,
je me suis fait le serviteur de tous… » (1 Co 9,19)
Il s’est fait serviteur
comme Jésus, son maître.

Paul a dit aussi :
« Si je cours, ce n’est pas sans fixer le but » (1 Co 9,26).
J’ai un but dans la vie et, sans jamais dévier de ma route,
je tends vers lui.

Nous avons ensuite entendu Jésus s’exprimer.
Il nous a rappelé une vérité
qui devrait nous interpeller profondément :
« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère,
alors que la poutre qui est dans ton œil à toi,
tu ne la remarques pas ? » (Lc 6,41)

*

Le recteur du Sanctuaire m’a demandé,
de vous dire quelques mots de l’adoration eucharistique
à la lumière de ces textes.
Je ne sais pas ce que vous pensez d’une telle commande.
À première vue, il ne m’apparaît pas évident
de discerner le lien qui existe
entre les affirmations de Paul et de Jésus,
et l’adoration devant le Pain consacré.

Pourtant, il y en a un.
Je vais le mettre en relief en disant quelques mots
de ce qui caractérise la dévotion au Pain consacré.

Pensons d’abord à d’autres dévotions
qui nous sont familières.

Pensons à la dévotion à la Croix.
Elle nous renvoie à la mort de Jésus
mais aussi à sa résurrection.
Elle donne à penser à sa souffrance,
une souffrance acceptée par amour
et devenue source de joie.

Pensons à la prière, à la dévotion devant les icônes.
Elle invite à contempler et à méditer le Christ et ses mystères :
sa naissance, sa transfiguration, sa mort en croix, sa résurrection…

Pensons à une dévotion à laquelle
les premiers chrétiens étaient très attachés,
mais qui ne nous est plus familière : la dévotion à l’autel.
En s’agenouillant devant l’autel,
les premiers chrétiens s’unissaient au Christ
et à l’offrande qu’il a fait de lui-même jusque dans la mort.

Eh bien ! de ces dévotions – et de plusieurs autres –
nous pouvons dire que, d’une manière ou d’une autre,
elles font mémoire du Christ Jésus
et de ce qu’il a accompli pour nous.

Nous pouvons le dire aussi
de la dévotion au Pain consacré :
elle nous fait en effet penser au Christ,
elle nous rappelle ce qu’il a accompli le soir de la Cène…
Mais en plus, devant le Pain consacré,
nous pouvons et devons dire
ce que nous ne pouvons pas dire
devant la croix, devant une icône, devant l’autel…
Nous pouvons dire :
non seulement ce pain-là me rappelle l’existence du Christ
mais c’est le Christ !

Le Pain consacré réalise d’une manière singulière,
la promesse que Jésus a faite
de demeurer au milieu des siens,
chaque jour… jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 20).

Le pain exposé à notre regard
est issu de la Cène.
Il vient tout droit du dernier repas
que Jésus a pris avec ses disciples.
À la fin de ce repas, il leur a dit :
« Faites cela en mémoire de moi » (Jn 22, 19).

Le pain exposé à notre regard,
c’est le pain qu’un ministre de Dieu
a pris dans ses mains,
et sur lequel il a prononcé
les Paroles mêmes de Jésus :
Ce Pain, c’est « mon Corps,
donné pour vous » (Lc 22, 19).
Ce Pain, c’est ma Vie.
Ce Pain, c’est Moi… pour vous.
Moi qui ai traversé la mort
et qui suis toujours vivant.

L’affirmation est étonnante… et merveilleuse.
On peut évidemment se demander :
« Mais comment cela est-il possible ? »
Comment un morceau de pain
peut-il devenir le corps du Christ ?
Nous n’avons pas de réponse convaincante à cette question.

La présence de Jésus ressuscité, dans le Pain consacré,
n’est pas à expliquer.
Elle est à croire à la lumière des Paroles de Jésus.

Non seulement le Pain consacré exposé devant nous
nous rappelle l’existence du Christ,
mais il le rend présent.
Devant lui, je peux dire : Le Christ est là !

C’est la première caractéristique
de la dévotion au Saint-Sacrement.
Il y en a une seconde, tout aussi importante.

*

C’est que si Jésus se rend présent sous le signe du pain,
ce n’est pas uniquement pour être regardé,
uniquement pour être contemplé,
uniquement pour être admiré.
C’est aussi et toujours pour être mangé.

La dévotion à l’Eucharistie conduit nécessairement
à la manducation du Pain de l’Eucharistie.
Et pourquoi mange-t-on le Pain de l’Eucharistie ?
Simplement pour que le Christ soit présent en nous ?
Simplement pour être heureux de vivre avec lui ?
Non !
Jésus nous donne son Pain, nous donne sa Vie
pour être actif en nous,
pour travailler à nous rendre peu à peu et de plus en plus
semblables à lui.

Plus nous nous tenons en présence du Pain consacré,
plus nous le contemplons et nous nous en nourrissons,
plus nous devrions ressembler au Christ :
être en mesure de penser comme lui,
d’agir comme lui,
de juger comme lui…
et donc de mettre en pratique tout son enseignement,
et celui de Paul,
et celui de toutes les Saintes Écritures.

Contempler l’Eucharistie pour aiguiser en nous
le désir d’annoncer l’Évangile.
Contempler l’Eucharistie pour devenir serviteur.
Contempler l’Eucharistie pour mieux discerner
la poutre qui est dans notre œil.

*

Je termine par la lecture de quelques lignes
rédigées par un confrère de saint Pierre-Julien Eymard.
Il s’agit du père Albert Tesnière,
qui a vécu avec lui durant plusieurs années
et l’a souvent vu en adoration devant le saint sacrement.
Il a écrit ceci :

Le Père détestait les simagrées. […]
Tout ce qu’il se permettait,
c’était, au commencement de l’adoration,
de s’incliner profondément sur son prie-Dieu
pour honorer Notre Seigneur par un acte de foi plus vive.
Après quelques secondes, il se redressait
et prenait la grave et mâle attitude
du serviteur qui écoute son Maître,
du prêtre qui présente à Dieu l’oblation publique.

Ses yeux se fixaient avec un mélange
de foi vive qui voit,
de respect qui adore,
de confiance qui s’abandonne,
sur la Sainte Hostie.
Il regardait. […]
Il livrait son âme par ce regard,
il se livrait lui-même au Seigneur
qui attirait et captivait son cœur.1

*

Pierre-Julien Eymard était un adorateur exemplaire.

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1. Albert Tesnière, cité dans André Guitton, L’Apôtre de l’Eucharistie. Biographie de saint Pierre-Julien Eymard, Nouvelle Cité, 2012, p. 331.