FMJ Mtl30e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
Si 35, 15-22;  2Tm 4, 6-18; Lc 18, 9-14
23 Octobre 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

« Seigneur Jésus, Fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur »

    Le pharisien rend grâce : c’est déjà beau, il se décentre de lui-même pour tout ramener à Dieu. Mais aussitôt après il se met à se comparer et à juger les autres, tout en vantant ses qualités devant le Seigneur.

Le publicain, lui, supplie. Il ne prie pas avec beaucoup de mots, il se tient à distance, des humains et même de Dieu. Jésus nous dit à la fin qu’Il préfère la prière du publicain à celle du pharisien. Nous pourrions pourtant nous dire que la prière du pharisien est vraie (ce qu’il dit de lui et des autres n’est pas faux), et tournée vers Dieu.

De la même façon nous pourrions dire que la prière du publicain risque d’être hypocrite : il demande pitié à Dieu pour son inconduite, mais quelle garantie donne-t-il qu’il va s’améliorer ?

Comme en de nombreux passages de l’Évangile, la façon de voir Jésus n’est pas la même que la façon de voir de bien des personnes. Jésus déclare : «  Quand ce dernier – le publicain – redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. »

Le pharisien est pourtant un homme juste. Il jeûne, il fait l’aumône. Mais sa justice se trouve gâtée par sa prière centrée sur lui-même. À la limite c’est comme si Dieu n’existait pas dans sa prière. Dieu et la prière deviennent pour lui des moyens pour se regarder et s’élever au-dessus des autres. Il ne reçoit pas sa justice de Dieu, il s’autojustifie.

Rien de cela chez le publicain. Il n’attend rien de lui-même, ni des autres. Il ne cherche pas à se justifier ni à s’excuser. Il pourrait en effet invoquer qu’il fait un métier pour essayer de gagner sa vie, dans les dures conditions de l’occupation romaine. Non! Il s’en remet à la seule miséricorde de Dieu. Il se tient à distance dans le Temple de Jérusalem, car il sait que son métier est trahison pour son peuple Israël. Il n’ose même pas regarder vers le ciel. Il a honte devant Dieu. Il vient à Dieu comme un pauvre. Il est prêt à tout recevoir de lui. Sa prière est simple, pauvre et humble.

Quelle est notre prière? Sans doute est-elle faite d’actions de grâce, de louange et de demandes. Mais comment je me situe devant Dieu, comme le pharisien ou comme le publicain? Si je me situe devant Dieu comme le pharisien, ma relation à Dieu est comme celle d’un commerçant. Je veux gagner les faveurs de Dieu par mes mérites, et je me compare aux autres pour voir si je suis le plus méritant.

Terrible relation à Dieu, qui projette sur Dieu les relations avec les puissants de la terre. Lorsque je dis : « Je vais à la messe, je dis mes prières, je vais à la confesse, je fais des offrandes à l’Église, je prends des temps de retraite !  » Tout cela est bon et louable, mais si je m’en sers pour avoir des droits sur Dieu ou pour m’élever au-dessus des hommes, quelque chose est pervers.

C’est un fait que les plus grands saints se considèrent comme de grands pécheurs et les derniers de tous. Et ce n’est pas la prière du pharisien que l’Église a retenue dans sa Tradition, mais bien la prière du publicain : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur », dans la tradition de l’Orient Chrétien, que nous pouvons faire nôtre et prier de façon répétée, autant de fois que nous le voulons. « Sainte Marie mère de Dieu, prie pour nous pécheurs », dans la tradition de l’Occident Chrétien, dans la prière du chapelet, du rosaire. « Par sa douloureuse passion, aie Miséricorde de nous » – disons-nous dans le chapelet de la miséricorde, révélé à Ste Faustyne.

Dans la messe elle-même, nous nous reconnaissons par trois fois pécheurs devant le Dieu trois fois Saint. Lorsque nous allons nous confesser, pour recevoir le sacrement de la Réconciliation, nous reconnaissons humblement notre condition de pécheur devant le Dieu de toute miséricorde. Avec ici la particularité que nous recevons un signe tangible de la miséricorde de Dieu, lorsque le prêtre nous donne l’absolution.

Nous voyons ainsi comment la prière du publicain est présente dans la tradition de l’Église, et comment nous pouvons la faire nôtre. Lorsque je me reconnais pécheur, je ne suis pas diminué mais grandi, car je me situe alors en vérité devant Dieu. Je reçois alors ma justice de Dieu et non de moi-même.

Se reconnaître pécheur, ce n’est pas se déprécier. SI je me déprécie, je ressemble davantage au pharisien qu’au publicain, car je reste trop préoccupé de moi-même. Je peux me reconnaître pécheur tout en étant fier de moi, dans bien des belles actions que je fais ou dans ce que je suis. Se reconnaître pécheur devant Dieu, ce n’est ni culpabiliser ni déprimer. Cela est un remède à l’orgueil qui tantôt me place sur un piédestal au-dessus des autres, tantôt m’enfonce dans un trou au-dessous des autres.

Nous sommes encore dans l’année de la miséricorde. La miséricorde de Dieu nous est offerte d’une façon toute spéciale. Mais pour que nous l’accueillions, il importe que nous sachions prier Dieu comme un pauvre qui attend tout de lui.

« La prière du pauvre traverse les nuées » – nous dit aujourd’hui Ben Sirac le Sage – « tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable ».

Heureux sommes-nous si nous prions comme le publicain de l’Évangile ! Nous connaîtrons la miséricorde de notre Dieu. Nous verrons les trésors de son amour se déployer dans nos vies !

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