FMJ Mtl28e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
2 Rois 5, 14-17; 2 Tm 2, 8-13; Lc 17, 11-19
9 Octobre 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Les étrangers qui rendent grâce à Dieu

Aujourd’hui les étrangers sont à l’honneur. Le général Syrien Naaman, guéri par le prophète Élisée de sa lèpre; et le Samaritain, guéri aussi de sa lèpre par Jésus, qui revient pour rendre grâce à Dieu.

Jésus dira, dans la synagogue de Nazareth, «il y avait beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée; et aucun d’eux ne fut purifié, mais bien Naaman, le Syrien.» Aujourd’hui Jésus dit : «Les neuf autres, où sont-ils? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu!»

L’Évangile ne serait-il que pour les étrangers? Non, L’Évangile est pour tous. Mais il s’adresse d’abord à ceux et celles qui ont un cœur d’étranger.

Le peuple d’Israël, le peuple de la première Alliance, sait fondamentalement ce que c’est que d’être étranger : «Mon père était un Araméen errant» aiment à se répéter les Israélites en évoquant Abraham, qui était un nomade allant de campement en campement. Isaac a continué la vie de nomade de son père, en logeant dans une tente. Jacob, lui, est allé chez Laban pour s’y marier, puis il est descendu avec ses femmes et ses enfants, jusqu’en Égypte. Là ils séjournèrent durant 400 ans comme des étrangers. Ils ont été réduits en esclavage. Puis ils ont erré 40 ans durant dans le désert, en attendant d’entrer en Terre Promise. Et là encore, ils étaient bien souvent aux prises avec les peuples autochtones. Puis le peuple Juif a connu, au cours de son Histoire trimillénaire, bien des déportations et des diasporas. Oui le peuple d’Israël sait ce que c’est que d’être étranger.

D’ailleurs un commandement de la Torah dit : «Tu ne molesteras pas l’étranger ni ne l’opprimeras, car vous-mêmes avez été étrangers dans le pays d’Égypte. » Il ne s’agit donc pas pour les Israelites de reproduire ce qu’ils ont subi pour exclure à leur tour les étrangers. Il s’agit de se souvenir de leur état d’étranger pour accueillir à leur tour les étrangers.

Nous sentons-nous «étrangers», nous qui venons prier ici au Sanctuaire du Saint-Sacrement? Il est providentiel que nos assemblées soient composées de personnes de multiples origines. Nous pouvons nous regarder d’une certaine manière comme étrangers les uns pour les autres. Mais nous pouvons aussi nous accueillir les uns les autres, dans nos spécificités nationales, linguistiques, ethniques, raciales ou culturelles.

Nous sommes unis dans le Christ. C’est par la grâce de Dieu que nous connaissons le Christ et que nous le suivons. Il y a une tension en nous. D’un côté, comme l’écrit St Paul : «Nous ne sommes plus des étrangers (…) nous sommes concitoyens des saints.» (Ep 2, 19) De l’autre côté il importe que nous n’oublions pas qu’en Jésus-Christ, nous sommes des enfants adoptifs de Dieu.

Si nous reprenons l’histoire du général Naaman, nous voyons que c’est d’abord une servante de la femme de Naaman qui lui recommande le prophète Élisée en Israël. Ainsi Naaman se présente d’abord au roi d’Israël, avec des cadeaux, et une lettre du roi de Syrie demandant de le guérir. Le roi d’Israël reçoit cela comme une provocation, presque comme une déclaration de guerre. Nous voyons ainsi que la servante de la femme de Naaman, bien qu’ayant été réduite en esclavage suite à une razzia, se met en peine de la santé de son maître. La barrière de nationalité ainsi disparait. Lorsque Naaman arrive auprès du roi d’Israël, cette barrière réapparaît : la démarche de Naaman est interprétée comme une manœuvre politique. Puis le prophète Élisée accueille Naaman dans sa demande de guérison. Il lui commande d’aller se baigner sept fois dans le Jourdain. Naaman refuse d’abord de faire cela, en arguant que les fleuves de la Syrie valent mieux que le Jourdain. Voilà encore les considérations nationales qui prennent le dessus. Puis sur les instances de ses serviteurs, Naaman se plonge finalement dans le Jourdain. Il est guéri et finalement proclame qu’il n’offrira plus d’autre sacrifice qu’au Dieu d’Israël.

Dans toute cette histoire de Naaman, nous voyons comment son statut d’étranger vis-à-vis d’Israël, quand il est dépassé, n’est plus un obstacle, mais devient un réceptacle pour la grâce de Dieu. Lorsque nous sommes étrangers, nous nous sentons en état de précarité, de pauvreté devant Dieu. Ce que nous ne recevons pas de notre entourage, nous sommes prêts à l’accueillir de Dieu, et nous sommes prêts à en rendre grâce à Dieu.

10 lépreux étaient venus demander à Jésus leur guérison. Les dix étaient guéris lorsqu’ils allaient se montrer au prêtre, mais seul le Samaritain, l’étranger, est revenu pour rendre grâce à Jésus. Il y avait une complicité entre Jésus qui guérissait comme un étranger devant les autorités religieuses du peuple d’Israël, et cet homme qui était étranger au peuple d’Israël.

Est-ce que je me sens étranger? Dans le pays où je vis, dans ma famille, dans mon travail, dans ma paroisse, dans ma communauté? C’est une occasion pour moi de me tourner plus particulièrement vers le Christ, lui qui pour moi s’est fait étranger. Lui qui pour moi est né comme un étranger, a vécu comme un étranger, est mort comme un étranger. Il m’apprendra à être concitoyen des saints, à être fils ou fille adoptif de Dieu. Il m’apprendra à rende grâce.

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