sanct - smLA CROIX GLORIEUSE – A
P. Jean-Daniel Mischler, Abbaye de Maredsous
Nb 21, 4-9; Ps 77 ; Ph 2, 6-11 ; Jn 3, 13-17
Dimanche, 14 septembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Entre dans un chemin de transformation intérieure

La fête de la Croix glorieuse
que nous célébrons ce dimanche nous invite à entrer
dans un des paradoxes de la foi chrétienne.
En effet, nous sommes conviés aujourd’hui
à contempler la croix et la mort de Jésus,
non comme un lieu de souffrance
comme le Vendredi Saint,
mais comme une source de vie,
une source de guérison pour chacun de nous.
Comme nous le dit la Première lecture :
« Tous ceux qui auront été mordus,
qu’ils le regardent, et ils vivront » (Nb 21, 8).

Ici, nous sommes au cœur même du mystère pascal,
le mystère de la mort et de la résurrection du Christ,
passage de la mort à la vie.
Et le mystère pascal est la source
de toute attitude d’adoration eucharistique.
Adorer le corps et le sang du Christ
sous les signes du pain et du vin,
disposés sur la table de l’Eucharistie,
c’est entrer dans le dynamisme d’une mort et d’une vie,
du passage de la mort à la vie
en communion avec le Christ donnant sa vie
par amour pour tous les hommes.
D’une façon plus précise encore,
nous sommes invités à passer d’un esprit individualiste
à un esprit de communion.

Comment exalter la Croix, dire qu’elle est glorieuse ?
Comment peut se faire cette transformation d’un outil
qui donne mort en un lieu où surgit une source de vie ?
L’apôtre Paul nous le dit dans la 2e Lecture :
« Devenu semblable aux hommes
et reconnu comme un homme à son comportement,
Il s’est abaissé Lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir,
et à mourir sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ;
Il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms » (Ph 2, 9-11).

Une communauté chrétienne qui se rassemble
autour de la table de l’Eucharistie
pour un temps d’adoration,
c’est une communauté qui accepte
de se laisser transformer par le Christ
dans son dynamisme de mort et de résurrection.
C’est une communauté qui accueille le Christ
qui s’abaisse pour la rejoindre dans toutes ses faiblesses
et pour se laisser souder par l’Esprit du Christ,
par son amour à même de transformer sa vie.
L’adoration eucharistique devient cet espace
où la communauté cueille dans le silence
la puissance de salut offerte par le Christ.
En d’autres mots, les baptisés sont invités,
à la suite du Christ,
à prendre le chemin de l’abaissement, de l’humilité,
pour se laisser élever par le Christ.

Saint Paul nous révèle que l’exaltation de Jésus crucifié
est la conséquence de son abaissement.
Le Verbe de Dieu qui partageait la gloire du Père
a préféré abandonner cette plénitude
pour s’enfermer, se cacher dans notre humanité
pour la relever dans la résurrection après avoir souffert la mort.
Dans l’incarnation du Verbe
se manifeste ainsi l’amour de Jésus pour nous,
et l’amour de son Père qui nous Le donne.
« Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique :
ainsi tout homme qui croit en Lui ne périra pas,
mais il obtiendra la Vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde, mais pour que, par Lui,
le monde soit sauvé. » (Jn 3,16-17)

Contempler le Christ dans sa mort et sa résurrection,
adorer le Corps et le Sang du Christ,
n’est-ce pas se laisser rejoindre par le Christ
qui aime les hommes,
qui vient les relever de toute attitude de mort,
les libérer de tout replis sur soi,
de tout égoïsme, de toute recherche de pouvoir,
pour construire une vie d’amour, de pardon, de confiance
et de don de soi.
Il faut du silence, de l’écoute intérieure,
pour goûter au plus profond de son être, cette source vivifiante
qui désaltère et qui nous donne de construire un monde d’amour.

La fête de l’Exaltation de la Sainte Croix
prend une signification particulière ;
elle nous invite à méditer sur le lien profond et indissoluble
qui unit la célébration Eucharistique et le mystère de la Croix.
Non seulement le lien entre la Croix
et la célébration de l’Eucharistie,
mais aussi, le lien entre la célébration et l’adoration eucharistique.
C’est là, le même mystère qui est célébré et contemplé.
La contemplation qui jaillit de la célébration pascale
et qui se vit déjà en son sein,
nous appelle à entrer plus intérieurement
dans toute la dynamique pascale.
Adorer le Christ dans l’Eucharistie,
c’est intérioriser la richesse,
la puissance de vie de la mort et de la résurrection
au point que je deviens ce que je célèbre et ce que je contemple.
Rien à voir avec une quelconque dévotion émotionnelle,
individualiste et sentimentale.
C’est l’actualisation du mystère pascal qui est en jeu.
C’est la vérité d’une communauté chrétienne
greffée et dynamisée par le mystère pascal.
Contemplant le Christ que je célèbre dans l’Eucharistie,
ma vie prend une orientation
qui me fait devenir chant et réconciliation,
pardon, disponibilité, joyeux et riche en espérance.

L’Eucharistie nous rappelle quotidiennement
que notre salut jaillit de ce mystérieux échange,
dans lequel le Fils de Dieu épouse la mort
pour nous donner gratuitement part à sa Vie divine.
L’Eucharistie, c’est la célébration sacramentelle
du mystère pascal de Jésus
ou Jésus rend grâce pour sa propre exaltation à venir
qui se réalisera dans le mystère de la croix et de la résurrection.

« Faisant du pain son Corps et du vin son Sang,
nous dit Benoît XVI dans l’homélie finale
des journées mondiales de la jeunesse à Cologne,
Jésus anticipe sa mort,
Il l’accepte au plus profond de Lui-même
et la transforme en un acte d’amour.
Ce qui de l’extérieur est une violence brutale
devient de l’intérieur un acte d’amour qui se donne totalement. »

Au-delà du processus de transformation du pain et du vin
dans le Corps et le Sang de Jésus-Christ, la Pâque réalise
la transformation de la violence inhumaine en don d’amour,
puis la résurrection réalisera la transformation de la mort en Vie.
Ce processus de transformation n’a été possible
que parce que la personne de Jésus
a voulu entrer dans le mystère d’amour de son Père
et répondre par son amour à la violence qui Lui a été faite.

L’adoration eucharistique, ce temps silencieux,
qui rassemble les chrétiens autour de la Table du repas pascal,
participe de cette transformation.
Une transformation qui a besoin de s’ouvrir au don de Dieu,
dans l’action de grâce.
Ma démarche n’est pas première.
Elle est simplement réponse à un appel,
à une invitation pour me laisser rejoindre par ce Christ
qui donne sa vie par amour pour nous.
Adorer après avoir célébré,
c’est se mettre à la disposition du Christ
qui me donne son Esprit pour donner du sens à mon existence.
Il m’est donc nécessaire de ruminer,
de digérer, de mâcher, de goûter
ce que j’ai reçu et ce que j’ai vécu à la célébration.

En guise de conclusion,
alors que nous allons célébrer le Mystère de la Croix glorieuse,
je vous laisse quelques éléments fondamentaux
concernant l’adoration eucharistique.

Recentre ta vie dans le Mystère de Pâques,
dans l’événement de la mort et de la résurrection du Christ.

Donne-toi du silence pour goûter ce que tu auras célébré.
Laisse-toi touché par le Christ qui donne sa vie par amour pour toi.

Entre dans un chemin de transformation intérieure.

Donne ta vie au service du Christ
qui veut transformer la face du monde.

Sois un baptisé chantant l’action de grâce du Christ à son Père.

Tout simplement, deviens ce que tu célèbres
et partage ce que tu contemples.

Tourne-toi vers la Croix,
élève ton regard pour t’en remettre entre les mains du Christ.

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