FMJ MtlVigiles pascales
Frère Pierre-Benoît
Gn 1, 1 – 2, 2 ; Gn 22, 1–18 ; Ex 14, 15 – 15 ; Is 54, 5-14 ; Is 55, 1-11 ; Is 12 ; Ba 3, 9-15.32 – 4, 4 ; Ez 36, 16-28 ; Rm 6, 3b-11 ; Ps 117 (118) ; Lc 24, 1-12
19 avril 2025
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

 
À la pointe de l’aurore :
Rencontre de l’espérance

Tout cela se vit à la pointe de l’aurore. Saint-Luc nous l’a relaté à l’instant : le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau avec leurs aromates.

Est-ce que vous avez récemment contemplé, frères et sœurs, une aurore ? L’aurore, pensez-y, c’est la lumière qui paraît dans le ciel avant même que le soleil ne soit déjà levé, et pourtant son lever est sûr, comme l’aurore nous le savons. Et c’est indubitable, le soleil se lèvera. Couleur rose, jaune, doré, quelque chose advient et cela est certain.

Mais à l’aurore aussi, souvenez-vous, ce jour-là, vous étiez peut-être dans un près ou au bord du Saint-Laurent, il y a encore aussi à l’aurore le frisson de la nuit, l’humidité sur les rochers et peut-être aussi les peurs de cette nuit. Le poète George Bernanos le disait : « Lorsqu’on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre Aurore. » Il complétait en disant : il faut être allé au-delà du désespoir pour rencontrer l’espérance.

Et alors, c’est à cette rencontre, à ce rendez-vous que nous sommes conviés, frères et sœurs, en cette nuit pascale : la rencontre de celui qui est notre espérance vivante, Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts, comme vous venez de le proclamer avec vigueur.

Alors cela se vit donc à la pointe de l’aurore. Le tableau que nous décrit Saint-Luc, toujours très précis, Saint-Luc, est fait de contraste saisissant. Il y a un tombeau, mais on est au bord du tombeau. Et c’est là, lumière nouvelle pour l’humanité, qui se manifeste paradoxalement au bord de ce tombeau : la vie, et la vie véritable, mais qui laisse dans l’étonnement pour l’instant, dans l’aurore.

Cette vie en Jésus, elle va par-delà une certaine logique qui attribuerait à la fatalité ou au destin un ordre immuable des choses. Dans la tragédie grecque, il y a une logique implacable qui se rabat sans cesse sur les protagonistes de l’histoire comme un filet dont ils ne peuvent pas, malgré tous leurs efforts, s’échapper.

Mais à cette tragédie grecque fait suite la bonne nouvelle chrétienne dont nous sommes porteurs. Bonne nouvelle avec ses contrastes : sur l’aurore, la pierre, elle est roulée. Le noir du tombeau, il est habité par deux messagers en habit éblouissant. À cette logique implacable qui ne laisse pas l’espace à la liberté de la tragédie grecque, au contraire, la bonne nouvelle chrétienne est celle qui ouvre un passage. La mort est vaincue, un cycle infernal est brisé. Les fleurs à l’aurore refleurissent sur la surface du désert. La lumière surgit alors que c’était la nuit, là où il y avait le mur de la mer rouge. Voilà que Dieu ouvre une route de libération. Là où les os étaient desséchés, voici qu’ils revivent.

Jésus, surpassant notre logique rationnelle, non seulement a par Moïse ouvert un chemin dans les eaux, symboles de la mort, mais lui, il marchera sur les eaux. Ô mort, où est ta victoire ? Où est ton aiguillon ?

Et cette liberté, elle est partagée. Cette liberté qu’il a prise sur les éléments s’étendra à son disciple Pierre, lui qui sera invité par la foi à marcher pour surnager les eaux. Et nous aussi, par le signe de l’eau baptismale, nous voici greffés à cette bonne nouvelle.

Il est frappant que dans ce signe de l’eau, nous puissions y voir une espérance. Ce qui était un enfermement sous l’emprise de Pharaon, comme une frontière infranchissable dans l’esprit du moins de ce tyran, est devenu l’espace même où le désespoir a laissé la place à la rencontre de l’espérance sur la terre. Nous voici peuple nouveau et cette espérance, cette terre nouvelle, elle est pour aujourd’hui encore.

Elle se manifeste par des miracles. Vous l’avez peut-être vu cette semaine, mercredi je crois, à Notre-Dame de Lourdes, au sanctuaire de Lourdes en France, on nous a annoncé qu’Antonietta Taraco, une Italienne de 67 ans, avait été guérie là-bas près de la source miraculeuse, d’une sclérose alors qu’elle était en pèlerinage dans ce sanctuaire.

Et nous, frères et sœurs, nous sommes des pèlerins aussi. Nous sommes des pèlerins d’espérance. Nous sommes ces hommes et ces femmes qui sont appelées à passer de ce désespoir par l’aurore vers l’espérance. Et le Seigneur lui-même a traversé cette route. Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et voici, il y a un matin, et le troisième jour il ressuscite. Mer rouge traversée, ossements desséchés ravivés, langue dispersée qui retrouve leur concert. Oui, l’esprit du vivant souffle, la vie se lève.

Par notre foi, frères et sœurs, implorons le monde. Qu’elle vienne cette vie nouvelle sur les enfants martyrs. Qu’elle vienne sur les égoïstes, des faux pouvoirs. Qu’elle vienne la vie véritable sur les peurs de ce qui veut vivre ou continuer de vivre.

L’aurore a vu le témoignage des femmes qui se répondaient et ensuite vient le temps de se rappeler, de faire mémorial. Elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites, revenu du tombeau. Elles rapportèrent tout cela aux onze et aux autres.

Quelle est, frères et sœurs, notre mission ? Nous avons durant cette nuit fait souvenir, fait mémoire, pardon, fait mémoire des hauts faits du Seigneur, de ce salut qui à travers les nuits de l’histoire annonce cette vie qui nous est promise pour que nous l’annoncions. Se rappeler, car l’espérance, frères et sœurs, s’encre dans le regard posé sur le passé pour y discerner la fidélité toujours active du Dieu de l’histoire, du Dieu du salut, du Dieu qui met l’espoir dans l’histoire, qui met l’espérance par son salut.

Elles sont revenues ces femmes, elles ont rapporté ces bonnes nouvelles. Voilà ceux qui sont baptisés et qui sont disciples pour annoncer. Et nous avons, frères et sœurs, besoin de la grâce du Seigneur. C’est ce qui manquait peut-être à la tragédie grecque, cette onction qui vient d’en haut. Car oui, ce message, il nous faut l’annoncer au milieu d’un monde qui est, comme dit Luc, parfois désemparé ou au moins étonné.

Si nous sommes animés par cet esprit qui nous donne les langues nouvelles, cet esprit du vivant qui nous dit que nous sommes vivants pour témoigner de sa vie, alors oui, nous pourrons le dire : le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau par la résurrection déjà se lève. Ne le voyez-vous pas, frères et sœurs, à la pointe de l’aurore ?

Soleil levant, l’Eucharistie, signe du Ressuscité présent parmi nous. Il vient nous visiter par l’amour du cœur de notre Dieu. Il guide nos pas au chemin de la paix à travers l’aurore de l’espérance.

Amen. Alléluia.