FMJ MtlLa Croix glorieuse
Frère Pierre-Benoît
Nb 21, 4b-9 ; Ps 77 (78) ; Ph 2, 6-11 ; Jn 3, 13-17
14 septembre 2025
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Cette retranscription n’a pas été relue par l’orateur

Au pied de la Croix :
La Lumière de la Résurrection

Chers frères et sœurs,

La croix est un signe lumineux, un guide pour nos chemins. Je voyais tout à l’heure un petit garçon qui montrait du doigt quelque chose dans le sanctuaire. Il s’agissait peut-être justement de la croix glorieuse. Aujourd’hui, je vous propose, une fois n’est pas coutume, une homélie contemplative au pied de la croix.

D’abord, commençons par l’histoire de cette croix, ici, au sanctuaire du Saint-Sacrement. Antoine Emmanuel nous l’a rappelé il y a quelques semaines. Le corpus lumineux de cette croix en métal a été trouvé au milieu des objets de seconde main, ici à notre bazar sur la rue Saint-Hubert. La pierre rejetée par les bâtisseurs, comme le dit le Psaume 118,22, est devenue la pierre d’angle, triée et soignée par des bénévoles attentifs. Voilà qu’un signe nous était donné. C’était en 2013, et nous avons confié la confection de cette croix à Robert McDonald, Ingrid et Adrianne Teran, pour rétablir ce signe au milieu de l’assemblée. Je suis tout proche, je la vois bien. Je vais vous la raconter pour ceux qui sont plus loin, et à la fin, vous pourrez venir, après la messe, adorer le signe de la croix si vous voulez en voir les détails. Mais même ceux qui sont tout au fond peuvent en percevoir les couleurs.

Avant d’aborder les couleurs, commençons par l’historique de cette fête de la Croix Glorieuse qui tombe aujourd’hui, un dimanche 14 septembre. Cette fête de la Croix Glorieuse, frères et sœurs, est célébrée au lendemain de la dédicace de l’Église de la Résurrection à Jérusalem, en 335. Et ce matin, nous l’entendions, ce mystère réunit la Résurrection et la Croix. C’est un Père de l’Église, Saint Cyrille de Jérusalem, qui dit : « La résurrection a suivi la croix, alors je ne rougis pas de vous la raconter ». Effectivement, frères et sœurs, ne rougissons pas de ce signe des chrétiens, le signe de la croix, pour voir clairement que la croix est, pour Jésus, une gloire. Écoutons Saint Jean au chapitre 12 qui dit : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié » (Jn 12,23).

Alors, les couleurs ! Même ceux qui sont au dernier banc – je vois Jean là-bas – bon, peut-être auriez-vous besoin de prendre des jumelles, mais je vais vous les décrire. Nous avons du rouge et de l’or. Le rouge et l’or ! Il y a un titre de Balthasar : « La gloire et la Croix ». Le signe de l’infamie, de la souffrance, du sang versé sur les chemins de la ville sainte de Jérusalem, s’associe déjà à cette lumière de la Résurrection que nous espérons, frères et sœurs, si nous croyons : le rouge et l’or.

Ensuite, les mains. Il faudra vous rapprocher, c’est sûr, mais je vais vous les décrire. Ces mains sont largement ouvertes. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3,16). Pour que par Lui nous soyons sauvés, pour que par Lui nous recevions la vie, vie offerte par le Père, donnée dans le Fils et activée en nous par le Saint-Esprit, l’Esprit vivant. Don de plénitude, le signe de la croix, comme en chaque Eucharistie. « Venez à moi, vous tous qui peinez et portez des fardeaux, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28) et je vous procurerai le repos. Le repos pour cette vie, dans la nourriture de l’Eucharistie. Le repos pour l’autre vie, dans le repos éternel ouvert par la clé de la croix.

Voilà pour les mains. Les mains largement ouvertes, et le visage. Ce visage que Jésus n’a pas soustrai aux crachats, aux outrages. Il est là, plein de paix, de silence. Je n’ai pas réussi à discerner si ses yeux étaient fermés, entrouverts pour me regarder ici, moi qui me tiens au pied de la croix, ou tellement grand ouverts que ce sont deux grands globes lumineux. Je vous laisserai faire le choix. Toujours est-il qu’il y a une grande douceur dans ce regard de Dieu, venu « non pour juger le monde, mais pour nous sauver » (Jn 3,17). Que signifie « sauver » ? Sauver, c’est nous relever. C’est la lumière d’en haut sur ceux qui sont dans la ténèbre, qui gisent dans l’ombre de la mort, pour guider nos pas, frères et sœurs, sur le chemin de la paix, de la lumière. Nous sauver, c’est nous restituer, par la clé de la croix, à notre identité véritable. C’est Saint Irénée de Lyon qui dit que la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. Le Christ lumineux nous montre le chemin. Ce signe est plein de paix dans son visage, car Jésus a décidé librement de prendre le chemin de Jérusalem. De verser son sang comme signe sauveur, de monter sur l’arbre de la croix. C’est Saint Bernard qui dit que ce n’est pas la mort de Jésus qui a plu, mais la volonté de celui qui mourait de plein gré. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils » (Jn 3,16), et ce Fils nous a tellement aimés qu’il s’est donné lui-même. S’étant donné, il nous a laissé l’Esprit, l’Esprit qui en nous restitue cette vie pour que nous l’ayons « en abondance » (Jn 10,10).

Ensuite, après la couleur, le rouge et l’or ; après les mains abondamment ouvertes ; après ce visage plein de douceur, nous contemplons ce corps qui est chaste, nu, offert, vulnérable. Dieu n’a pas d’armure. Il nous appelle nous-mêmes à avancer vers l’autel de la croix avec authenticité, le cœur nu, à la lumière de cette croix qui nous éclaire. Son corps, ses pieds. Que va-t-il dire sur les pieds de Jésus sur la croix ? Eh bien, dans ma méditation d’hier, je me suis dit : quelle bonne nouvelle ! Nous avons un Dieu qui est représenté en Jésus debout. « Ô mort, où est ta victoire ? Ô mort, où est ton aiguillon ? » (1 Co 15,55) Tu n’as pas eu le dernier mot. La croix est le trophée de la Résurrection. Oui, Jésus est debout dans nos représentations chrétiennes, vivant. Il y a certes un peintre flamand du XVIe siècle, Holbein, qui a fait un tableau assez fameux mais qui ne m’inspire pas vraiment pour la foi. Il a peint un Jésus couché sur un tombeau, déjà son corps altéré par la putréfaction. Peut-être son message était de dire que Jésus est mort vraiment, mais il est ressuscité vraiment. Et voilà le signe, le signe lumineux, celui de la croix qui nous est donné.

Et enfin, je termine, car entre la préparation de l’homélie et maintenant, il y a un bouquet qui est apparu au pied de la croix. Un bouquet placé par nos sœurs, et il est plein de signification, en tout cas, la signification de cette offrande que je vois. Il y a d’abord de grandes fleurs roses et blanches. Le sang et l’eau qui, du côté ouvert du Christ, se sont répandus sur le monde en signe de miséricorde (Jn 19,34). En signe de ce Jésus plein d’humanité, qui est bien plus qu’un serpent élevé pour nous montrer que nous sommes sauvés (Nb 21,8-9 ou Jn 3,14), mais un humain plein de divinité. Lui qui n’a pas voulu retenir le rang qu’il avait auprès de Dieu (Ph 2,6-7), est capable de comprendre les défis que nous traversons, de comprendre les doutes qui peuvent nous assaillir, d’illuminer, par ces fleurs, les chemins nouveaux qui s’ouvrent. Et il y a de grandes fleurs et des petites fleurs. Alors, les petites fleurs, il faut vraiment que je vous les décrive parce que de loin, elles sont assez petites pour les distinguer. Trois fleurs, avec deux couleurs : du violet et du jaune. Je vous propose qu’au pied de la croix, le violet soit le violet de nos douleurs, le violet de nos maladies. Hier, je rencontrais, dans mon service de frère contemplatif au cœur de la ville, un homme assailli par le cancer. Il a été, figurez-vous, champion de boxe et il fait deux têtes de plus que moi. Il a dit : « Eh bien, pour le combat, pour aller à la vraie vie, j’ai vraiment besoin de Lui ». Quand, ensemble, nous lisions l’Évangile de ce jour. Donc le violet de nos douleurs, le violet de notre incomplétude. Ce violet se transforme, au cœur de la fleur, en un jaune eucharistique. Le soleil levant qui vient nous visiter (Lc 1,78), le soleil de nos Eucharistiess, le soleil de cette Parole qui guide jour après jour nos pas.

Alors voilà, frères et sœurs, vous pourrez venir contempler, soit physiquement, soit dans votre cœur, ce beau signe de la Croix Glorieuse, dressée ici, au cœur du sanctuaire du Saint-Sacrement. Rouge et or, mains ouvertes, visage paisible, Homme-Dieu levé pour qu’ensemble nous fassions chemin d’Eucharistie.

Venez, adorons le Seigneur ! Il a racheté le monde par sa sainte croix. Amen. Alléluia.