Jeudi Saint Sainte Cène
Frère Thomas
Ex 12, 1-8.11-14 ; Ps 115 (116b) ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
17 avril 2025
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal
Le Mystère de l’Amour de Jésus :
De la Pâque Juive à l’Eucharistie Chrétienne
Nous commençons ce triduum pascal par le Jeudi Saint. En ce jour sacré, nous commémorons un événement central de notre foi : l’institution de l’Eucharistie par Jésus lui-même.
Jésus institue l’Eucharistie, sacrement de son amour au cœur de sa passion. C’est un mystère profond, un mystère de sa liberté face à la souffrance. C’est le mystère de l’être de Jésus qui se révèle pleinement au moment où le non-être de sa passion approche. Dans ce geste ultime, nous voyons le déploiement infini de l’amour de Jésus dans l’espace et dans le temps, une démonstration poignante de la profondeur de son amour pour chacun de nous.
Jésus, conscient du danger qui le menace, traqué par les grands prêtres et les scribes qui cherchaient sa mort, et malgré les tentatives passées de lapidation par les notables juifs de Jérusalem, est monté à Jérusalem pour célébrer la fête de la Pâque juive avec ses disciples. Le non-être de la mort se resserrait inexorablement autour de lui, avec la volonté de prendre son corps et de verser son sang. Mais Jésus, en pleine connaissance de cela, a choisi d’assumer pleinement son destin.
C’est au cours de ce repas pascal, dans l’intimité de la Cène, que Jésus a anticipé sa mort et l’a transformée en un sacrement. Il s’est adressé à ses disciples de ce jour et à nous, disciples de tous les temps, en disant : « Vous voulez prendre mon corps, et bien je vous le donne. Ceci est mon corps qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi ». De même, il a dit : « Vous voulez verser mon sang, et bien je vous le donne. Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ».
Par ces paroles et ces gestes, Jésus transforme le non-être de la souffrance de la croix en l’être de son amour infini pour nous. Face à la mort, Jésus est parfaitement libre. Il ne la subit pas, il la vit pleinement, il l’anticipe et il en fait une occasion suprême d’aimer.
Jésus a vécu son dernier repas dans le cadre de la Pâque juive. Il était juif, ses disciples étaient juifs. Jésus assume pleinement ses origines, sa nationalité, sa religion. Il aime sa nation. Avec elle, il commémore la libération de l’esclavage d’Égypte, un événement vieux de plus de mille ans, étendant ainsi son amour à sa nation à travers le temps et l’espace, partout où des Juifs se trouveraient.
Mais au cours de ce repas pascal, Jésus donne à ce repas un sens entièrement nouveau. Il en fait sa propre Pâque, un mémorial pour tous les siècles et pour tous les lieux où il y aura des disciples. Ce repas a traversé les âges et les continents, arrivant jusqu’à nous, chrétiens de Montréal en 2005, et continue de rejoindre tous les chrétiens de tous les lieux et de tous les temps.
L’Eucharistie, sacrement de l’amour de Jésus, se déploie ainsi de manière exponentielle dans l’espace et dans le temps. La passion de Jésus, vécue en un lieu et en un temps précis, est étendue à tout l’univers.
Si Jésus est libre et déploie son amour dans l’espace et le temps, il vit aussi, en ce Jeudi Saint, la profondeur incommensurable de son amour. Jésus nous a aimés en prenant chair pour nous, en répandant le bien durant sa vie publique. Et lors de ce dernier repas, Jésus aima ses disciples jusqu’au bout. Il leur lava les pieds, un geste d’humilité réservé aux esclaves, leur donnant ainsi l’exemple de se servir les uns les autres.
C’est au cours de cette scène intime qu’il institua l’Eucharistie, nous donnant pour les siècles à venir son corps et son sang. L’Eucharistie est ainsi le prolongement de l’Incarnation. Jésus, le Fils de Dieu, vient réellement à nous sous la forme tangible du pain et du vin, nous offrant son corps et son sang. Jésus se donne à nous, il vient vivre en nous.
Ah ! Combien est profond ce sacrement de son amour ! Que notre religion chrétienne est belle ! Que Jésus soit béni pour cette dernière scène ! Il anticipe sa mort et en fait le sacrement de son amour, se donnant dans sa passion à tous les hommes et les femmes de tous les lieux et de tous les temps. En nous donnant son corps et son sang, il approfondit infiniment le sacrement de son amour.
Amen.