Dimanche des Rameaux et de la Passion – C
Frère Pierre-Benoît
Is 50, 4-7 ; Ps 21 (22) ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22, 14-23, 56
13 avril 2025
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal
Les Couleurs de la Passion et de l’Espérance
Frères et sœurs, accueillons ensemble la richesse du message évangélique en ce dimanche des Rameaux et de la Passion. Quelles sont les couleurs qui illuminent notre célébration aujourd’hui ?
Il y a d’abord le rouge. Ce rouge qui colore les vêtements liturgiques, cette chasuble que je porte. À quelle symbolique ce rouge nous renvoie-t-il en ce jour si particulier ? Il est d’abord le rouge de la passion. Cette passion qui s’annonce dans l’enthousiasme des foules qui acclament Jésus : « Hosanna Jésus, fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Sion, crie d’allégresse ! Voici venir ton roi que tu acclames ». Ce rouge est donc celui des cœurs joyeux. Hier encore, à l’Oratoire Saint-Joseph, plus de 2000 jeunes, rassemblés par Mission Jeunesse Montréal, ont témoigné d’une joie palpable. Ces jeunes, et peut-être certains parmi vous aujourd’hui, perçoivent en la figure du Christ Jésus un libérateur. Un libérateur face aux multiples oppressions du quotidien, aux dictats sociaux, à cet enfermement existentiel qui peut parfois nous étreindre. Et l’Esprit Saint vient ouvrir des chemins nouveaux. Ces jeunes le vivent également dans le cadre de la journée du Saint-Esprit. Alors ce rouge est aussi le rouge de l’Esprit. Ce rouge de l’Esprit est là pour nous pousser en avant sur nos propres chemins.
Mais ce rouge est également le rouge du sang de Jésus. Oui, le sang de Jésus, sang de communion avec ce libérateur, sang de sa souffrance aussi. Ce sang qui a coulé sous le poids de la croix sur son dos. Ce même sang, signe du fardeau de nos péchés, qu’il a volontairement pris sur lui pour nous. Ce sang rouge a sans doute inondé les dalles des rues de Jérusalem, sur la Via Crucis. Et lorsque Simon de Cyrène fut appelé à partager un instant le fardeau de cette croix rédemptrice, lui aussi a pu apercevoir ce rouge pourpre sauveur. Voilà le rouge qui nous sauve.
Il nous faut cependant dénoncer les mauvais rouges. Ce rouge de la violence gratuite qui coule de l’oreille tranchée du serviteur du grand prêtre. Ce rouge du mensonge de Pierre, ce rouge de la fausse amitié entre des puissants, ici Pilate et Hérode. Choisissons plutôt, frères et sœurs, dans la force de notre foi, le sang rouge, signe de vie et de vie véritable. Car dans la passion, nous le croyons, la vie est plus forte que la mort. Lorsque nous contemplons ici, dans nos cœurs, la croix, ce rouge derrière le crucifié, nous y voyons à la fois le signe de ces souffrances libératrices, mais également celui de l’esprit de vie vainqueur au final, le signe de son amour passionné pour nous, jusqu’à vouloir nous sauver par le don total de lui-même, en son corps, en son âme, en son esprit. Cela nous remplit d’espérance.
Quelle est l’autre couleur, frères et sœurs ? L’autre couleur de ce dimanche des Rameaux et de la Passion, il y a aussi le vert. Le vert de nos rameaux, de ces palmes que nous agitons, agitons-les de nouveau encore. Ces palmes qui symbolisent, et je les vois dans l’assemblée, le vert de l’espérance. Oui, frères et sœurs, ces rameaux restent verts tout au long de l’année. Ils traversent les épreuves. C’est le vert du printemps également, dans l’hémisphère nord, coïncidant avec les fêtes de Pâques. La nature, comme morte, refleurit, reverdit. « Si l’on traite ainsi l’arbre vert », disait Jésus dans l’Évangile aux filles de Jérusalem, « que deviendra l’arbre sec ? ». Petit détail un peu mystérieux, qu’est-ce que cet arbre vert ? Et bien, c’est Jésus lui-même qui se désigne sous ce vocable, arbre vert, plein de sève et de vigueur. C’est la saison des sucres en ce moment, avec cette sève qui revient. C’est le signe aussi pour Jésus qu’il est porteur de la justice et des vertus de la vie véritable. Il nous invite, avec le retour du printemps, à laisser nos branches mortes en arrière.
C’est le vert qui fait se dilater le cœur du bon larron quand on lui donne cette parole d’espérance : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi au paradis ». Ainsi donc, cette couleur verte nous exhorte à laisser monter en nous la sève de la vie nouvelle, la vie de l’Esprit, la vie de l’homme et de la femme nouveau, nouvelle, la vie de l’espérance. Cet appel à l’espérance, il est pour toute l’Église pèlerine, et plus particulièrement, cet appel à aller en avant, il est spécialement pour les catéchumènes. Il y en a ici, ils se multiplient. Je rencontrais cette semaine deux personnes coup sur coup qui venaient demander le baptême. Et ce qui me frappe chaque fois, c’est cette dynamique intérieure qu’on entend en écoutant leurs témoignages, leurs désirs, leurs quêtes. « Je cherche ce qui donnera réellement sens à mon existence. Mon salaire, ma profession, même mes amitiés, mes engagements ne suffisent pas. Quelle est la source de ce mystère de ma propre vie ? Quel est celui qui me dira, au-delà de la souffrance et de la mort, le chemin qui continue ? ». Voilà, frères et sœurs baptisés, une source à laquelle puiser pour vivre ce printemps qui reverdit dans nos âmes. Hier soir, nous chantions à la vigile ces versets du poète chrétien Venance Fortunat au VIe siècle : « Bel arbre resplendissant, éclatant de lumière. Tu es paré de la pourpre royale, tu fus élu comme l’arbre le plus digne de porter ce corps très saint du Sauveur. Heureuse croix, tu portes ce fruit de vie, de rouge et de vert ».
Ainsi marchons, frères et sœurs, avec le rouge de la passion, du sang qui libère, de l’amour qui nous vivifie. Marchons avec le vert, le vert de l’espérance, de la vie nouvelle, de la bonne nouvelle.
Une question subsidiaire se pose : que font le rouge et le vert assemblés comme couleur ? Rouge et vert, cela nous donne du jaune. Alors, après le violet du Carême, dimanche prochain, nous aurons le jaune doré des chasubles de la résurrection, le jaune du soleil levant, le Ressuscité qui vient nous visiter. Et ce jaune de l’Eucharistie qui, dimanche après dimanche, jour après jour, nous rappelle cette espérance vivante. Oui, il vient nous visiter, le Ressuscité. Accueillons-le en vérité. Laissons-le dès aujourd’hui colorer nos âmes d’amour et d’espérance. Amen.
