5ème Dimanche du Temps Ordinaire – C
Frère Pierre-Benoît
Is 6, 1-2a.3-8 ; Ps 137 (138) ; 1 Co 15, 1-11 ; Lc 5, 1-11
9 février 2025
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal
Sur sa Parole : pèlerins d’espérance
Frères et sœurs,
La parole de cet évangile a vraiment de quoi animer notre espérance. C’est un évangile en deux parties, une sombre, une lumineuse. Deux parties articulées par la survenue d’une parole, une parole qui donne vie. Ce sont les paroles de Dieu dans l’enseignement de Jésus. C’est donc vraiment ce dimanche pour nous une bonne nouvelle au sens étymologique. Évangélion en grec, c’est bonne nouvelle. Une bonne nouvelle pour nous mettre dans la dynamique de l’espérance. Quelle est cette dynamique ? C’est une dynamique de déplacement, de passage, de pèlerinage, d’espérance. Et il est heureux de méditer cela dans ce sanctuaire qui a été désigné par le diocèse de Montréal comme l’un des lieux de pèlerinage de ce jubilé d’espérance que nous sommes invités à vivre. Alors, suivons à présent pas à pas la manière d’une brève Lectio Divina, les étapes de la bonne nouvelle qui nous est transmise par Saint-Luc aujourd’hui, faisant route avec les disciples, une route, une route pascale, une route de vie.
Cet évangile en réalité commence par une parole muette, un cri silencieux et sans doute douloureux. Au matin, Jésus vit deux barques qui se tenaient au bord du lac. Les pêcheurs en étaient descendus et il lavait leur filet. Ils lavaient leur filet. Mais ces filets, frères et sœurs, en fréquentant la parole, nous voyons qu’ils sont vides et que les disciples sont déçus, qu’ils ont travaillé en vain pendant toute la nuit. En plus, rien pris. Et qui parmi nous a déjà travaillé toute une nuit en vain, voyant au petit matin la vacuité de cet effort. C’est ce qui habite alors le cœur du travailleur. Ils lavaient leurs filets et leur engagement de la nuit leur apparaît d’autant plus absurde que ces filets sont remplis finalement d’algues, de débris, peut-être de vieilles chaussures. Alors, il s’agit de bien y penser. C’est non seulement une déception pour eux, mais pour leur entourage. Ces pêcheurs n’ont rien à vendre pour nourrir leur famille. Ils n’ont rien à offrir non plus à ceux qui ont faim et qui se tiennent là sur la plage pour le marché du petit matin. Pas de poisson. Alors, un cri silencieux habite ce bout de terre ce matin-là.
Mais sur ce même bout de terre, sur ce rivage, un homme passe. Un homme passe pour faire le bien. Un homme parole, un homme parole d’espérance. Cet homme commence avant de parler par écouter. Il détecte ce cri silencieux, ce cri douloureux. Cet homme qui passe ne méprise pas ces filets inféconds, ces travailleurs déçus. Cet homme, c’est Jésus, c’est l’Emmanuel, c’est Dieu avec nous. C’est le verbe fait chair, parole incarnée pour nous faire espérer. Ce Jésus prend le temps d’être à l’écoute. Il n’a pas peur de leurs échecs, de leur fatigue. Au contraire, voici que même il grimpe dans la barque de l’échec. Et à Simon, lui qui a l’espérance incarnée, Jésus, il a la liberté à ce Simon fatigué pourtant de lui demander un nouvel engagement, un réengagement. En faisant cela, donnant cette parole qui revivifie à Simon, Jésus dit là toute la confiance qu’il place en l’homme, toute la confiance qu’il place en chacun, en chacune d’entre nous. Il dit toute la confiance même que Jésus au milieu de la nuit place en celui qui est désespéré. Oui, Simon sur la plage au milieu de ses filets vides était silencieux. Sa barque creuse et voici que cette barque devient porteuse de celui qui est la parole. Et Simon est ainsi engagé, fait porte-parole avec son outil de travail. Du silence et de l’infécondité, Simon passe par l’obéissance à la parole de Jésus, à cette parole qui donne vie grâce à lui.
Et voilà frères et sœurs, la clé de cette bonne nouvelle, le tournant de cet évangile, ce qui peut animer notre espérance : « Sur ta parole. Je vais jeter les filets sur ta parole, Seigneur« . Je t’obéis, je te suis, je rentre en mission dans l’espérance que ce que tu promets porte fruit.
Alors là, frères et sœurs, changement de tableau. Le jour se lève dans les cœurs. Quelle fécondité, c’est la pêche miraculeuse. Et ils doivent d’ailleurs s’y mettre, imaginons-nous un peu la scène, à plusieurs pour manœuvrer les filets. Pour ma part, j’imagine que Jésus, le connaissant un petit peu, a mis la main à la pâte, enfin la main au filet, la main au poisson pour aider la situation. À qui sait patienter jusqu’au petit matin et entendre l’ordre divin quand il survient. Dieu se manifeste alors dans l’abondance de la vie. Les filets grouillent de poisson. Les voyez-vous ? Ils sont tout ventrus. Cette fois-ci c’est une parole de vie qui nous est donnée chez Simon. Cette parole d’abondance résonne dans le creux du silence qui s’était fait pendant la nuit dans son cœur. Là dans les filets, la nourriture là, de quoi partager cette abondance vient guérir ce qui était douloureux dans l’âme de ces travailleurs soumis à l’épreuve de la nuit.
Simon alors passe à une nouvelle étape. Il se détache des poissons. Il les laisse à ses collaborateurs et il revient au creux de son âme. Là où cette parole a raisonné, il prend conscience d’une étape suivante à vivre, commençant par la reconnaissance de son indignité face aux merveilles qui se sont faites grâce à ses mains dans les filets. Cette abondance venue peupler l’outil de travail, Simon se rend compte que tout là ne vient pas juste de lui mais d’un don de Dieu. Et que cet homme Jésus le sauveur, le vivant vient lui faire vivre un déplacement, un passage pour entrer sur une nouvelle rive. De cet homme qui n’a pas craint Jésus de grimper dans leur barque creuse pour offrir une abondance à partager. On entend aussi une visite au creux du cœur pour le dilater et l’ouvrir aux dimensions de la mission.
Alors, si on continue de parcourir cette à travers l’évangile. Et bien, on voit cette autre parole. Cette fois, elle n’est plus douloureuse mais elle est humble. « Je suis un homme pécheur ». Elle n’est plus silencieuse. Elle proclame cette fois-ci le titre du Rabi. « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ». Mais là encore, Jésus, puisqu’il est Dieu, n’a pas besoin de s’éloigner d’un pécheur. Il ne veut pas s’éloigner des pécheurs. Il a l’Emmanuel proche. Au contraire, il le convoque encore une fois. Il l’embauche, le missionne. « Tu seras pécheur d’homme« . Fini les poissons. Voilà les hommes et les femmes. Ainsi donc, Jésus a confiance en nous de celui qui lavait les pichets, les filets vides de l’échec. Il fait un pêcheur d’homme pour toute l’église. Il prend les capacités de ce travailleur pour les surélever par l’appel de sa grâce. De celui qui était muet sur la plage au petit matin, il fait un porte-parole pour les nations dans l’espérance.
Alors, frères et sœurs, ayant ainsi parcouru les étapes de cette parole d’espérance dans la bonne nouvelle que nous transmet Saint-Luc, il nous reste à poser deux actes avec la parole, si vous voulez bien. Se souvenir et se proposer une parole intérieure contemplant l’histoire et une parole posée en avant pour générer un futur. Se souvenir d’abord, se souvenir de la bonne nouvelle présentée, c’était la deuxième lecture par Paul aux Corinthiens. Aux Corinthiens et à nous aujourd’hui Montréalais, Paul rappelle, il appelle je me souviens la bonne nouvelle annoncée. Nous l’avons, vous l’avez reçu et c’est en lui que vous tenez bon frères et sœurs. Voilà un synonyme de l’espérance aussi : tenir bon dans la persévérance dans la foi. Et cette parole quelle est-elle ? C’est la parole du kérygme. La parole là aussi d’un déplacement, d’un passage, d’une espérance, d’un Jésus qui était là encore dans le creux d’un tombeau, d’un tombeau qui semblait lourd et qui au matin de la Pâque s’illumine et proclame une bonne nouvelle, une parole de vie. Il n’est pas ici. Il est ressuscité, allez par le monde entier, proclamez. C’est de cette bonne nouvelle que vous serez sauvés si vous la gardez telle qu’elle vous a été annoncée.
Se souvenir et ensuite se proposer. J’entendis la voix du Seigneur qui me disait « Qui enverrai-je ? Qui sera mon messager, mon porte-parole ?« . C’était le prophète Isaïe. Cette question, frères et sœurs, entendons-la bien, elle s’adresse à notre liberté. Dans ce pèlerinage d’espérance où, frères et sœurs, ensemble en église nous sommes convoqués, quelle sera ma part ? Quelle sera ma parole ? Quelle sera ma part dans l’annonce de cette bonne nouvelle ? Quelle parole d’espérance vais-je dire à mes frères et sœurs par mes lèvres, mais aussi par ma à l’église, par ma prière d’adoration, de communion, par mes choix civiques, éthiques, professionnels, communautaires ? En somme : Que vais-je dire par ma vie pour donner à d’autres l’espérance ?
Frères et sœurs, à cet appel à annoncer la bonne nouvelle du sauveur, pour ma part, je réponds : « Me voici, Seigneur, envoie-moi« .
Amen.
