FMJ Mtl5ème Dimanche de Carême – C
Frère Bradford
Jér 31, 31-34 ; Ps 50 (51) ; Hb 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33
6 avril 2025
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

De l’Accusation à la Vie Nouvelle :
L’Aurore de la Justice et de la Miséricorde

Aujourd’hui, notre méditation s’éclaire d’une lumière particulière, celle de l’aurore où se déroule la rencontre poignante entre Jésus et la femme adultère. N’est-il pas frappant que cet événement si connu se produise au moment où le jour se lève ? Un symbole puissant, car la suite de ce passage nous révèle une vérité essentielle : Jésus dit : « Je suis la lumière du monde ».

Ce récit, frères et sœurs, est comme un lever de soleil, dissipant les ténèbres de l’accusation et de la honte. Le prophète Malachie n’avait-il pas annoncé un « soleil de justice qui va se lever à la fin des temps », un soleil porteur de « guérisons dans ses rayons » ? Nous sommes ici, chers frères et sœurs, devant la révélation d’un monde nouveau, où enfin justice et miséricorde s’unissent.

Cette unité, nous la retrouvons magnifiquement dans les lectures de ce jour. Isaïe nous parle de la sortie d’Égypte, d’un chemin à travers la mer. Mais sa vision prophétique porte au-delà de cet événement passé. Il annonce : « Ne songez plus au passé. Voici que j’ai fait une chose nouvelle, elle germe déjà. Ne la voyez-vous pas ? Un chemin dans le désert. ». Un chemin où le désert se transforme, où la vie jaillit en abondance, où des fleuves apparaissent pour désaltérer le peuple de Dieu et même les bêtes sauvages.

Saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens, dont la beauté mérite une lecture attentive, surtout en ce temps de Carême, nous livre un témoignage bouleversant. Lui qui avait une vie si accomplie aux yeux du monde, instruit par les meilleurs maîtres, connaissant parfaitement la loi, considérait tout cela comme une perte, des déchets, face à la rencontre qui l’a saisi : sa rencontre avec le Christ. Il a éprouvé la puissance de la résurrection de Jésus, et malgré cette expérience, il continue de se projeter en avant, oubliant ce qui est derrière lui, courant vers la plénitude de la résurrection à venir. Pour Paul, il y a un avant et un après.

Et n’est-ce pas exactement ce qui arrive à la femme dans l’Évangile d’aujourd’hui ? Un avant et un après radical. Déshumanisée par ses accusateurs qui cherchaient à piéger Jésus, oubliant même la culpabilité de son amant, elle n’était qu’un objet de honte, un moyen d’accuser le Christ. Mais Jésus refuse d’entrer dans ce jeu d’accusations. Il refuse de la réduire à cet objet, et il détourne le regard de ses accusateurs, abaissant les yeux, traçant des figures sur le sol. N’est-ce pas là un écho de la parole d’Isaïe qui disait que Dieu traça une route à travers la mer déchaînée ? Pour cette femme, une nouvelle route s’ouvre.

Jésus ne se laisse pas enfermer dans une justice étriquée. Il refuse le rôle de justicier, mais il ne rejette pas la loi. Au contraire, il la rappelle en disant que ce sont les témoins du crime qui doivent jeter la première pierre, une parole tirée de la loi de Moïse. En rappelant à ces pharisiens que tous sont pécheurs, il les renvoie à la profondeur de la loi elle-même. La loi n’a pas été donnée pour nous enfermer dans l’accusation, mais comme un chemin vers la sainteté.

Face à la question de qui jettera la première pierre, le silence se fait, et les accusateurs, confrontés à leur propre péché, s’éloignent. Jésus ne regarde même pas leur départ. Puis, dans le silence retrouvé, imaginez cet échange de regard entre Jésus et la femme. Elle a dû sentir, en cet instant, que pour elle, véritablement, le soleil se levait sur un jour nouveau. Un fleuve de bonté jaillissait dans le désert de sa vie. Un avenir inimaginable s’ouvrait à elle.

Son passé n’est pas nié, sa culpabilité est reconnue par elle et par Jésus. Mais une brèche s’ouvre dans la rigidité de la loi, un chemin se fraye à travers cette mer déchaînée vers une vie nouvelle, non seulement pour cette femme, mais pour toute l’humanité.

Alors, frères et sœurs, souvenons-nous de la parole d’Isaïe : « Voici que je fais une chose nouvelle, elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? ». Dans cet Évangile de Jean, nous voyons Jésus échapper à la lapidation à d’autres moments, jusqu’à ce qu’il fasse de sa propre mort un passage, une Pâque, pour nous tous, pécheurs, vers la plénitude de vie et de bonheur pour laquelle Dieu nous a créés.

Amen.

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