3ème Dimanche de Carême – C
Frère Pierre-Benoît
Ex 3, 1-8a.13-15 ; Ps 102 (103) ; 1 Co 10, 1-6.10-12 ; Lc 13, 1-9
23 mars 2025
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal
Au buisson, au Rocher, au figuier : la route de l’espérance
Quelle abondance dans l’Écriture aujourd’hui. Il semble que le Seigneur, conscient que nous sommes à la moitié de notre itinéraire de Carême, veuille nous encourager en déployant les largesses de son cœur de miséricorde, nous invitant à la conversion. Il désire nous encourager à reconnaître notre fragilité, à convertir nos routes, à ouvrir nos cœurs à sa parole de salut.
Dans cette abondance des Écritures, je vous propose aujourd’hui une promenade biblique en trois étapes, à travers trois lectures. Nous ferons d’abord un détour vers un buisson. Ensuite, nous nous approcherons d’un rocher. Et finalement, si vous suivez la route, nous pourrons aller nous abriter sous un figuier.
Un buisson, un rocher et un figuier. Le buisson ardent qui manifeste la présence de l’Esprit de Dieu. Le rocher qui est le Christ et qui nous accompagne dans nos déserts. Et le figuier, témoin de la science miséricordieuse du Père.
En faisant cette promenade en pèlerins, nous chercherons à mieux percevoir l’espérance que le Seigneur nous propose d’halte en halte pour réjouir nos cœurs.
Partons donc en promenade dans l’Écriture, Exode 3. « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? ». Notre itinéraire commence donc par un détour en compagnie de Moïse.
À cette halte, qu’apprenons-nous afin de nous ouvrir à l’espérance que Dieu veut nous communiquer aujourd’hui ?. D’abord, il s’agit, premier apprentissage, de se laisser surprendre, de se laisser déplacer, de laisser l’Esprit de Dieu modifier l’itinéraire un peu tout tracé parfois dans nos cerveaux. L’espérance qui ne déçoit pas innove dans nos chemins si nous lui en laissons la chance. Car, en fait, l’espérance est un itinéraire de rencontre avec un Dieu qui prend l’initiative de s’adresser à nous.
Il s’agit donc, et c’est le deuxième enseignement du buisson ou de Moïse, d’ouvrir l’oreille. Et d’ailleurs, c’est assez amusant, au pied du buisson, il y a des sandales. Alors, pour Moïse, pour mieux ouvrir ses oreilles, il a fallu qu’il se déchausse. Voilà ce que nous dit l’Écriture, et cela nous enseigne que le préalable à l’écoute véritable, frères et sœurs, c’est l’humilité d’une part et le contact avec le réel d’autre part. Avec simplicité, Moïse pose ses pieds nus sur le sable de cette terre. Et alors, il laisse ses oreilles s’ouvrir, le détour l’ayant disposé à la réception de cette parole de vie : « Je suis, dit le Seigneur, je suis celui qui suit ». Ce nom, il le reçoit pour ensuite le partager à autrui, partager l’espérance reçue. En effet, recevant son espérance de la présence parlante de Dieu, le chrétien dit à ses frères son espérance par l’authenticité de sa propre présence parlante à autrui. « Revenez à moi de tout votre cœur, car je suis un Dieu de tendresse », chante l’hymne d’ouverture. Faire ce détour pour revenir à Dieu.
1 Corinthiens 10 : « Ils buvaient un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ ». Deuxième étape, après le feu, voici l’eau. Le buisson ardent était pour espérer un guide dans la nuit. Le rocher est à présent pour espérer dans nos déserts une source. Mais cependant, en contrepoint de la source vive, le texte nous montre aussi des ossements, des ossements qui jonchent le désert. Et cela, frères et sœurs, je l’espère, vient éveiller notre conscience et nous parle de ce choix libre qui nous revient : de boire au rocher spirituel qui est le Christ ou bien de risquer de se dessécher. Il s’agit ici de jeûner, le jeûne de jeûner des fausses boissons qui ne désaltèrent pas et de goûter à la vraie boisson, celle de l’eau vive, celle de l’Eucharistie, celle qui nous régénère de l’intérieur. Et deux chants ici encore dans la liturgie nous transmettaient cette quasi supplication du Seigneur : « Vous l’avez sur vos feuilles : Venez puiser aux sources du salut, vous tous qui avez soif ». Du Christ notre rocher ont coulé des flots d’eau vive.
Luc 13 : Le vigneron dit au maître : « Laisse encore le figuier, s’il te plaît, cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? ». Alors, nos deux premières haltes, frères et sœurs, étaient au désert. Et maintenant, au désert, on était avec le buisson éclairant, vous vous souvenez, puis le rocher désaltérant. Et maintenant, avec la parole de l’Évangile, on change de paysage et nous sommes rendus dans un vignoble. Mais malgré tout, toujours cette menace sur la vie, pas de fruit sur le figuier des espérances. Cependant, espérant contre toute espérance, le bon vigneron décrète un délai de grâce, une année de grâce. Réjouissons-nous, c’est le sens de notre jubilé, frères et sœurs. Une année pour que la parole de Dieu puisse porter de bons fruits. Le figuier, bibliquement, les adeptes de Biblose doivent savoir que ça peut renvoyer à la parole. Et au pied de ce figuier ici, qu’est-ce qu’on voit ? Il y a une bêche. Au pied de ce figuier, la bêche peut symboliser le labeur décidé pour écouter la parole. La bêche, c’est l’outil de travail qui permet que cette parole puisse porter des fruits selon les désirs de Dieu. Et avec ce figuier, on a donc un délai d’espérance. C’est donc, frères et sœurs, un rendez-vous dans l’itinéraire, le temps favorable de nous mettre labourieusement à l’écoute priante, la prière de la parole du salut. « Montre-nous comment garder ta parole », avons-nous chanté au début de la liturgie de l’Écriture. « Ouvre nos yeux à tes merveilles ».
Au terme de ces trois étapes terrestres, dans le désert et par-delà la vigne, ensuite notre itinéraire, il pointe vers une destination céleste, ce ciel que nous espérons.
Alors, résumons-nous dans cette route de pèlerinage d’espérance. Du détour au buisson ardent pour espérer, nous avons appris à écouter avec humilité les cœurs ouverts. De l’eau du rocher pour espérer, nous avons été convoqués à choisir la vie avec celui qui est avec nous. Et au figuier de la parole pour espérer, nous avons reçu ce temps de grâce pour nous réjouir en sa présence.
Alors frères et sœurs, dans notre pèlerinage, que cette parole porte en nous un fruit d’éternité.
Amen.