2ème Dimanche du Temps Ordinaire – C
Frère Bradford
Is 62, 1-5 ; Ps 95 (96) ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11
19 janvier 2025
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal
Les Noces de Cana :
Signe de la Nouvelle Création et de l’Abondance de Dieu
Frères et sœurs,
Quelle belle histoire nous est donnée à entendre aujourd’hui ! Jésus est présent à un mariage où le vin vient à manquer. Déjà dans l’Ancien Testament, il est beaucoup question de noces et de vin nouveau. Ce sont des images fortes pour la fin des temps, lorsque viendra l’accomplissement glorieux de l’histoire, l’histoire de la création, l’histoire du salut.
Aujourd’hui, la première lecture, tirée d’Isaïe, le disait magnifiquement : « Le Seigneur t’a préféré… Cette terre se nommera l’épousée. Ton bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. » Quelle image pour l’accomplissement de l’amour de Dieu pour Israël, et pour chacun de nous ! Nous sommes chacun, chacune, la joie de notre Dieu.
Cette image des noces peut être considérée comme l’aboutissement d’un grand thème de la première partie de la Bible, l’Ancien Testament : le thème de l’alliance entre Dieu et son peuple. Au départ, l’alliance ressemblait à une alliance politique, entre un roi et son peuple, mais à la fin, cette alliance devient un mariage. En français, n’est-ce pas l’alliance, c’est aussi la bague que portent les époux en symbole de l’amour jusqu’au bout, un engagement indéfectible. Vraiment, Dieu est amour dans cette image des noces.
Mais les textes sur l’abondance de vin nouveau à la fin des temps sont beaucoup plus nombreux. Plusieurs prophètes évoquent ce festin de la fin des temps : un festin de bon vin, de blé, de vin nouveau, d’huile fraîche. Il y a même un prophète qui écrit carrément que les montagnes ruisselleront de vin nouveau.
Tout cela est le contexte de cette page que nous entendons aujourd’hui, qui vient vers le début de l’Évangile de Saint-Jean. Vous vous souvenez, cet évangile que nous avons entendu dans le contexte de Noël, commence par un prologue célèbre : « Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu en qui tout a été fait. » Après ce prologue, Saint-Jean raconte les sept premiers jours du ministère de Jésus. « Par lui tout a été fait » ; et puis, ces sept jours. Et ce mariage tombe le septième jour.
Donc, nous sommes clairement placés dans le contexte de la nouvelle création, de la fin des temps. Vous vous souvenez du septième jour de la Genèse ? Normalement, ce jour est celui où Dieu ne crée rien, mais où il se repose dans le bonheur d’avoir lancé la grande aventure de l’histoire du salut. Normalement, le septième jour est un jour de repos. Mais Saint-Jean dit ici que ce septième jour est le commencement. Le commencement des signes par lesquels Jésus manifeste sa gloire à ses disciples pour qu’ils croient en lui. Donc, nous sommes vraiment dans quelque chose de nouveau, dans les temps nouveaux.
De plus, dans cette histoire des noces, nous voyons un ancien monde qui s’épuise. Le vin, le vin des petites joies de tous les jours d’un mariage en province, ce vin-là vient à manquer. Les jarres de pierre qui sont là pour les rituels de purification, dit Saint-Jean, ces vieilles jarres sont vides. Et n’est-ce pas cela le danger qui est toujours quelque part à l’affût dans le vieux monde : le manque, le dénuement, la misère, le manque au moment même où l’on veut célébrer la vie, où l’on veut célébrer un mariage ?
Mais c’est dans ce dénuement que Jésus donne le signe de l’abondance des temps nouveaux : 600 mesures de bon vin, et en grande quantité. Donc, les jarres vides des vieux rites débordent de bon vin, ce vin gardé jusqu’à maintenant dans cette belle expression. Et Dieu, notre époux, révèle sa présence parmi nous ; il manifeste sa gloire dans cette abondance.
La mère de Jésus est là. Que ses parents… c’est à cause d’elle que le signe est donné. Cet échange entre Jésus et sa mère est toujours un peu étrange, parce que Jésus appelle sa mère « Femme ». « Femme, que me veux-tu ? » C’est-à-dire : Ève de la nouvelle création, mère de tous les nouveaux vivants, mère de tous ceux et celles qui croiront comme elle croit ici.
Jésus dit que son heure n’est pas encore venue. Cette expression est celle que Saint-Jean utilise à la fin de son évangile pour la passion et la résurrection. C’est là l’heure de Jésus, l’heure de sa glorification. Et Marie apparaît dans l’Évangile de Jean ici et à la fin, à l’heure de la passion, de la croix, de la résurrection. Elle apparaîtra au pied de la croix.
Car pour Saint-Jean, bien sûr, la croix c’est la vraie manifestation de la gloire, la vraie manifestation de Dieu à l’œuvre en Jésus. La gloire du Fils unique, plein de grâce et de vérité, est révélée sur la croix. La gloire de la résurrection et la gloire de la croix, pour Saint-Jean, c’est la même gloire, une même manifestation de l’être profond de Dieu.
Et bien sûr, c’est là où Jésus épouse notre humanité. C’est là où l’époux donne sa vie pour son épouse. Et là où il donne sa vie à son épouse aussi, c’est là où jaillissent l’eau et le sang. L’eau qui symbolise la vie nouvelle du baptême, et le sang le vin nouveau de l’Eucharistie.
Et près de la croix, Marie est là, nouvelle Ève. Et Jésus lui donne tous ses disciples comme ses enfants à elle. Il lui donne ses disciples comme ses enfants et il nous la donne comme mère des vraiment vivants que nous sommes appelés à devenir, nous les vivants de la nouvelle création.
Aux noces de Cana, Jésus manifeste sa gloire en anticipant son « heure », l’heure de la croix où l’alliance nuptiale entre Dieu et l’humanité s’accomplit pleinement, donnant naissance à la vie nouvelle par les sacrements et par l’intercession de Marie, nouvelle Ève et notre mère.
Amen.