FMJ Mtl3e DIMANCHE DE CARÊME – B
Frère Antoine-Emmanuel
Ex 20, 1-17 ; Ps 18 ; 1 Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
8 mars 2015
Saint-Gervais, Paris

Un « Messie crucifié »: un coup de tonnerre!

« Nous, nous proclamons un Messie crucifié » (1 Co 1,23).

Ces quelques mots sont un coup de tonnerre
au cœur de l’histoire religieuse de toute l’humanité.
La contradiction est flagrante.
Le Messie, c’est le roi sauveur envoyé de Dieu
pour transformer le cours de l’histoire.
Comment peut-il réaliser cela
en étant déclaré maudit
et exécuté comme le pire des ennemis de Dieu ?

Parler de Messie crucifié
est scandale pour les juifs
et folie pour les païens.

Les païens voulaient comprendre l’articulation
entre le monde divin et le monde des humains
et tout semble si désarticulé sur la croix !

Un coup de tonnerre… oui !
Un coup de tonnerre qui se fit entendre déjà
lors de la montée à Jérusalem
que l’évangéliste saint Jean
vient de nous raconter,
avec ces gestes violents de Jésus
chassant de l’enceinte sacrée du temple
tout le commerce qui piétinait la justice,
méprisait les plus pauvres
et défigurait le culte véritable.

Jésus, fouet en main,
chasse brebis et bœufs,
éparpille la monnaie des changeurs
et renverse leur table.
Geste violent mais qui n’a rien d’aveugle ou de démesuré :
Jésus donne ici un signe,
fort bien compréhensible aux disciples de la Sainte Écriture :
Il n’y aura plus de marchand
dans le temple du Seigneur en ce jour-là (Za 14,21).
Ce sont les mots qui concluent le livre de Zacharie
et le « jour » dont il s’agit,
est le « jour du Seigneur » où tous les peuples se tourneront
vers le Dieu d’Israël et monteront en pèlerinage à Jérusalem,
ville sainte où tout sera consacré.

Jésus annonce donc la venue de ce « jour »,
la réconciliation des peuples rassemblés
dans une unique louange dans l’éternelle Jérusalem.

Mais comment viendra ce jour ?
Par quel chemin l’humanité
trouvera-t-elle réconciliation et paix ?
C’est ce que nous révèle cette page d’Évangile.
Comment cela ?
D’abord par l’interprétation immédiate
que les disciples de Jésus font du geste de Jésus :
Ils se souviennent qu’il est écrit :
« Le zèle de ta maison me dévorera » (Jn 2,17).
Le zèle, l’amour, la passion pour le Père
et pour sa demeure,
voilà ce qui va littéralement « dévorer » Jésus.
Voilà ce qui va le consumer.
Quand cela ?
À l’heure de sa passion !

L’amour de Jésus pour son Père est tel
que tout le mépris de Dieu qui habite le cœur de l’homme
va retomber sur Lui
et Jésus ne se dérobera pas.
Par amour pour le Père
et pour sa demeure qui est ton propre cœur
et le mien et l’humanité entière.

Jésus est mort pour que notre cœur
ne soit plus une « maison de trafic »,
en grec un ‘emporium’.
On dirait aujourd’hui un centre commercial…

Mais l’Évangile ne s’arrête pas là :
aux juifs qui L’interrogent sur son geste,
Jésus répond par ces mots :
« Détruisez ce sanctuaire :
en trois jours je le relèverai » (Jn 2,19).
On pourrait aussi traduire :
« en trois jours, Je le ressusciterai ».
De quel sanctuaire parle Jésus ?
S’agit-il de l’édifice gigantesque et admirable,
construit par Hérode
et qui s’élevait sous leurs yeux ?
Non !

Le véritable Sanctuaire, le lieu où Dieu demeure,
le lieu où est offert le véritable sacrifice qui glorifie le Père,
ce n’est pas une demeure de pierres,
de bois, d’or et de pierres précieuses.
C’est le corps de Jésus.
Sanctuaire détruit par notre rejet de Dieu et de son amour,
Sanctuaire relevé par l’Amour du Père et du Fils.

Où donc pouvons-nous rencontrer le Père ?
Où donc offrirons-nous le sacrifice
de notre cœur, de notre vie ?
Où donc toute notre humanité
Trouvera-t-elle la réconciliation et la paix ?
Dans le Corps du Christ,
Corps défiguré et ressuscité.

Dans ce Corps, tout est déjà réconcilié
tout est déjà offert.
Et quiconque découvre la Passion de Jésus,
comprend que l’éradication du mal
ne s’accomplit pas par les armes mais par le sang du Christ.

Car il y a dans le fond de la conscience humaine
la conviction que seul le sang nous libérera du mal
mais c’est du sang du Christ qu’il s’agit.

Ce sang qui non seulement
nous affranchit de tous nos esclavages,
mais surtout nous introduit dans une communion
qui réunit en Dieu tous les peuples pour l’éternité.

« Détruisez ce sanctuaire
et en trois jours je le relèverai. »
Voilà Le signe, l’unique signe
sur lequel repose la foi véritable.
La foi qui repose sur les miracles, les prodiges,
Jésus nous fait comprendre qu’elle est une foi éphémère.
« Beaucoup crurent en Jésus
à la vue des signes qu’il accomplissait.
Mais Jésus n’avait pas confiance en eux » (Jn 2,23-24)
nous dit l’Évangile.

C’est sur le mystère pascal que se bâtit la foi véritable.
Toute foi, toute conviction religieuse
qui ne s’appuie pas sur le mystère pascal de Jésus
est une foi traversée de peurs
qui engendre toutes sortes de violences religieuses.

Ce n’est pas la religion qui sauve l’humanité.
C’est le Christ, Messie crucifié et glorieux.
C’est en Lui seul que tombe le mur
que les humains ne cessent de construire
entre ceux que l’on dit croyants et non croyants
et qui engendre tant de guerres.
C’est en Lui seul qu’apparaît dans toute sa lumière,
la tendresse et la miséricorde de Dieu.

*

Chers frères et sœurs, voilà bien le sens du Carême :
re-mettre le mystère pascal au centre de notre foi.
Trouver ou retrouver le roc de la foi.

Combien nous sommes privilégiés
– combien je le suis –
d’avoir bénéficié ici-même en cette église,
de la prédication, de l’enseignement de frère Pierre-Marie
qui sans cesse nous recentrait sur le Christ Jésus
et sur son mystère pascal.
Car nous tous nous n’ignorons plus
que baptisés dans le Christ Jésus,
c’est dans sa mort que nous avons été baptisés.
Nous avons été ensevelis avec Lui
par le baptême dans sa mort
afin que, comme le Christ est ressuscité des morts
par la gloire du Père,
nous vivions nous aussi une vie nouvelle. (cf. Rm 6, 3-4)
Et cela dès aujourd’hui,
en puisant à la source pure de l’Eucharistie.

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