FMJ MtlMardi, 1ère Semaine de Carême – B
Frère Antoine-Emmanuel
Is 55, 10-11 ; Ps 33 ; Mt 6, 7-15
24 février 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Un autre point d’appui

La pluie et la neige ne retournent pas là-haut
sans avoir saturé la terre,
sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner (Is 55,10).

Il en va de même de la Parole de Dieu :
elle ne retourne pas vers Dieu sans résultat
sans avoir exécuté ce qui plaît à Dieu
et fait aboutir ce pour quoi Dieu l’a envoyée (Is 55,11).

Quelle rassurance que d’entendre cela au début du Carême.
Le Carême n’est pas un défi lancé à notre seul effort !
La conversion n’est pas une épreuve d’athlétisme spirituel
qu’il faut gagner tout seul.
Mais un temps de grâce où,
parce que nous nous exposons d’avantage à la Parole,
notre cœur va enfanter et bourgeonner.

La Parole de Dieu a la capacité de faire bourgeonner notre vie.
Elle pénètre au plus profond de nous,
là même où nous n’avons pas accès par nous-mêmes
et une vie nouvelle en germe.

Voilà ce que nous voulons vivre avec l’Évangile de ce jour.
Cet Évangile n’est pas une simple leçon sur la prière.
Il est une Parole efficace,
une Parole de libération.

Mais il faut l’entendre en profondeur…

Quand vous priez, ne rabâchez pas (Mt 6,7),
mais priez « Notre Père… » (v.9).
Jésus vient nous libérer de la prière païenne.
Celle des prophètes de Baal par exemple
qui invoquèrent Baal du matin jusqu’à midi,
qui dansèrent auprès de l’autel,
qui crièrent plus fort
et se tailladèrent à coup d’épées et de lances
jusqu’à être tout ruisselants de sang (1 R 18, 26…28).

C’est la prière commerciale.
Il faut donner beaucoup, crier beaucoup,
se blesser beaucoup pour obtenir d’être exaucé.

Le point d’appui de la prière est de notre côté :
il est notre effort, notre piété, notre sainteté.

Jésus vient nous libérer de cette prière-là
et c’est pour cela qu’Il empêchera quiconque
d’avoir un fardeau dans les mains
dans l’enceinte du temple.

Jésus nous offre la grâce de la conversion de notre prière.
Le point d’appui de la prière,
ce n’est plus nous, mais le Père Lui-même.

Nous prions les mains vides.
Notre point d’appui, c’est la tendresse du Père
à qui nous pouvons tout demander
sans rien payer.

Ce n’est pas Notre Père, parce que nous sommes saints,
nous Te demandons ceci ou cela,
mais Notre Père, parce que Tu es saint,
nous Te demandons ceci ou cela.

Cependant, il y a une condition pour prier le Père,
une seule : celle de dire « Notre Père ».

Le chemin de la prière s’ouvre quand nous disons « Notre Père ».
« Notre Père » cela veut dire deux choses :
premièrement, cela veut dire que nous prions avec Jésus.
Notre prière est une connexion à la prière de Jésus.

Deuxièmement, cela veut dire aussi
que nous prions avec les autres.
L’indifférence vis-à-vis des autres étouffe notre prière.
L’ouverture du cœur à tous libère la prière.

Au point que Jésus nous dit
que Dieu exaucera notre demande de pardon :
« Pardonne-nous » (Mt 6,12),
si nous-mêmes nous pardonnons à nos frères et sœurs.

Quand nous disons « Notre Père »,
nous le disons avec et au nom de tous les humains,
nos amis comme nos ennemis.

La conversion de la prière est la conversion du cœur.
Notre cœur renonce aux barrières, aux murs, aux filtres.

C’est cela la « formation du cœur » que le pape François
nous invite à travailler pendant le Carême :

« Pour dépasser l’indifférence
et nos prétentions de toute-puissance,
je voudrais demander à tous de vivre ce temps de Carême
comme un parcours de formation du cœur,
comme l’a dit Benoît XVI (cf. Lett. Enc. Deus caritas est, n° 31).
Avoir un cœur miséricordieux
ne veut pas dire avoir un cœur faible.
Celui qui veut être miséricordieux a besoin d’un cœur fort,
solide, fermé au tentateur, mais ouvert à Dieu.
Un cœur qui se laisse pénétrer par l’Esprit
et porter sur les voies de l’amour
qui conduisent à nos frères et à nos sœurs.
Au fond, un cœur pauvre,
qui connaisse en fait ses propres pauvretés
et qui se dépense pour l’autre. »

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