FMJ Mtl4e DIMANCHE DE L’AVENT – C
Frère Benedict
Mi 5, 1-4 ; Ps 79 ; He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45
20 décembre 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

S’Il descend, c’est pour nous faire remonter avec Lui

Il n’y a peut-être pas à travers tous les Évangiles
un récit si noble et grandiose que celui de la Visitation.
Dans la simplicité des plus simples
d’une rencontre entre deux femmes cousines,
l’une et l’autre enceinte – Marie et Élisabeth –,
que de chaleur humaine !
Que de joie spirituelle
et de paix débordante de bénédictions !

On n’a pas d’autre goût
que d’être là pour partager, secrètement,
l’intimité profonde de Marie, Mère de Dieu,
et celle d’Élisabeth remplie de l’Esprit-Saint,
toutes les deux orientées
vers les deux petites vies humaines
blotties dans leurs ventres !

Il y a probablement juste le récit
de la rencontre de Jésus ressuscité
et de Pierre au bord du lac de Tibériade,
où Jésus pose à Pierre la fameuse question :
« Pierre m’aimes-tu plus que ceux-ci ? »  (Jn 21,15)
qui vibre de la même manière de vérité et de grâce.
Rien de spectaculaire et pourtant…

Il y a en effet dans ce récit de la Visitation
quelque chose de la Résurrection,
c’est-à-dire du commencement
imprévisible et fulgurant
d’un monde nouveau dans l’ordinaire
du premier jour de la semaine
après le repos du sabbat.

On court rapidement vers la montagne,
on entre dans la maison,
silencieuse comme un tombeau,
la salutation retentie et c’est la joie !
La joie tellement nouvelle !
C’est la surprise d’un tressaillement profond
quelque part au-dedans de nous.

Oui, murmure le disciple bien-aimé,
saisi d’une étrange certitude,
à l’oreille de Pierre assis dans la barque :
« C’est le Seigneur ! » (Jn 21,7)

Là aussi c’était une rencontre
toute simple et secrète
entre le monde nouveau et notre vie.
Personne ne le soupçonnait
et pourtant personne n’osait demander
« Qui es-tu ? »
sachant que c’était le Seigneur (v. 12).

Ainsi Élisabeth,
dont les oreilles étaient touchées de l’extérieur
par le « Shalom » de Marie
(la Paix soit avec toi),
et de l’intérieur par l’action de l’Esprit Saint,
s’écrie dans la joie :
« La mère de mon Seigneur
vient jusqu’à moi ! » (Lc 1,43)

Personne ne peut confesser
que Jésus est le Seigneur
sinon dans l’Esprit-Saint.
Dans la joie de l’Esprit-Saint.
Nous sommes donc, chers frères et sœurs,
bel et bien en présence des premières lueurs très pures
de ce monde nouveau, du Verbe fait chair.

Dieu se fait proche de nous
et se donne à reconnaître.
Non pas en nous transportant
dans une autre réalité,
mais en transformant la nôtre par sa venue.
Il prend tout ce que nous vivons,
toute notre humanité
et la refaçonne en une rencontre.

N’est-ce pas ainsi que nous pouvons vivre ce Noël ?
Sans nous créer un monde différent,
un peu mythique,
demandons l’Esprit-Saint
de nous rendre capables
d’accueillir parmi nous
Dieu fait homme.
Et demandons-le à Marie
car c’est en Marie,
par elle,
grâce à elle,
que Jésus commence sa course terrestre
à la recherche de ses frères perdus.
C’est avec elle
que la joie spirituelle vient à nous.
N’est-ce pas cela qu’Élisabeth goûte ?

En effet, tandis que Marie
monte vers Aïn Karim,
Jésus commence à descendre,
à se rapprocher de nous de plus en plus.
Tout simplement d’abord,
dans les entrailles de Marie,
dès le début de ses neuf mois de gestation,
l’enfant se prépare à naître,
comme nous allons le fêter dans quelques jours,
couché sur la paille dans une étable.
Très bas, très bas,
plus bas que tous les autres humains,
sur le sol même de la grotte.

C’est là que nous l’accueillons d’abord.
Puis ce sera la descente
de l’exil en Égypte après la naissance
et la descente dans les eaux du Jourdain
au début du ministère public
ainsi que la descente dans le désert des tentations.
Et ensuite aux pays des païens.

Si Jésus monte de Jéricho vers la Jérusalem,
juste avant sa Passion,
ce n’est justement que pour être descendu de la croix
et déposé sur le sol même du tombeau.

Le Verbe fait chair
doit parcourir un long trajet de la descente.
Une fois porté par Marie,
une autre fois par Joseph d’Arimathie,
il descend à travers un pays du silence.

Comme Verbe,
il cherche à remplir
d’un tressaillement inattendu
tous les silences du monde.
Le silence de Zacharie,
d’un prêtre qui doute
et qui a perdu la foi.
Celui d’Élisabeth
qui hésite à accueillir durant cinq mois
la grâce de sa grossesse s’en jugeant indigne.
Celui de Jean le Baptiste
qui portera lui aussi sa ferveur prophétique
dans le vase fragile du doute.

Et bien sûr, tous les autres silences,
le Verbe les parcourt.
Ceux lourds des solitudes,
amers des trahisons,
blessures des jugements,
ou tendus des inquiétudes.

Avec sa vie nouvelle
formée de la joie spirituelle,
Jésus vient à la rencontre
de tous ces silences les plus variés,
enfouis en nous.

Voici ce que d’emblé
nous pouvons voir dans le récit de la Visitation.
Cette rencontre entre le Verbe,
la Parole de Salut,
et le silence dans lequel le monde sans Dieu
est plongé comme une maison vide.

Mais revenons à Celle
par qui nous vient cette joie,
car le plus grand mystère de toute existence,
celui de Dieu fait homme
et de la Rédemption,
s’était réalisé tout d’abord en Marie.
Elle n’est pas seulement celle en qui Dieu S’incarne,
mais elle est aussi celle
en qui Dieu restaure pleinement la nature humaine.
Il l’affranchie de toute souillure du péché
par les mérites de son Fils.
Elle reste la porteuse du Salut
et le fondement de notre propre apostolat.
C’est dans sa foi que notre foi s’épanouit
et devient elle aussi une visitation.
Ce sont nos pieds
qui courent aujourd’hui à travers le monde
portant la Bonne Nouvelle
mais c’est la foi de Marie qui nous porte.

Marie est la ruse de Dieu. (P. Claudel)
Dieu a choisi une simple fille d’Israël,
femme parmi les femmes de Palestine,
dont l’ordinaire nous touchons
dans son humble questionnement :
« Comment cela va-t-il se faire
puisque je suis vierge ? »  (Lc 1, 34)
et dans la hâte avec laquelle elle se met en route
vers sa cousine Élisabeth.
Elle est ignorée
même des démons disent les Pères.
Dieu l’a choisie
pour bien cacher aux yeux indiscrets
son dialogue nuptial avec l’humanité.

C’est en toute discrétion
que le Verbe entre dans ce monde
par Marie, Vierge bénie.
Elle-même ne peut encore
sentir de la mystérieuse Présence de Dieu
qui s’est fait homme en elle.
Juste la foi le discerne.
En méditant ce Verbe qu’elle a conçu
et en partageant sa grâce avec Élisabeth,
et avec nous,
elle accomplit jusqu’au bout
sa course de la porteuse de l’Évangile.

Nous tous nous avons besoin de la venue du Sauveur.
Nous espérons la joie du Salut qui habite notre monde.
Restons frères et sœurs en compagnie de Marie,
Mère de notre Seigneur.
Elle mènera notre foi et toutes nos prières à bon port.

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