FMJ MtlFête des saints martyrs du Canada
Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et leurs compagnons

10 ans de la fondation de Montréal
Frère Jean-Christophe
Rm 8, 31b-39 ; Ps 123 ; Jn 12, 24-26
Vendredi 26 septembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Reconnaissance, alliance et croissance :
Grandir en Famille de Jérusalem aujourd’hui

Chers frères et sœurs,
à la suite du Christ qui fut ce grain de blé tombé en terre,
mort et ressuscité pour porter beaucoup de fruits,
les martyrs du Canada que nous fêtons en ce jour
ont été semences de chrétiens par leur sang versé.
Toute vie donnée, livrée par amour du Christ
porte beaucoup de fruits.
Nos dix-sept frères et sœurs arrivés de France il y a dix ans
pour la naissance de nos premières
fraternités monastiques en terre d’Amérique
ont voulu mettre leurs pas dans les pas
de ces premiers témoins
en réponse à l’appel de l’archevêque de Montréal,
le cardinal Jean-Claude Turcotte.
Une aventure nouvelle commençait pour eux :
Chercher et louer Dieu dans une grande mégapole moderne,
se laisser accueillir et s’enrichir de relations humaines
et d’un trésor spirituel qui les précédait,
partager avec les citadins la joie de la prière.
Dix années, cela fait 3652 occasions
de dire au moins une fois par jour :
« Aujourd’hui, je commence à aimer et à me laisser aimer ».
La semence jérusalémite a été jetée en terre canadienne
et nous rendons grâce en ces jours
pour le Seigneur qui lui donne la croissance.

Cet anniversaire s’inscrit dans une nouvelle étape
que vivent nos communautés
depuis le retour à Dieu de notre fondateur frère Pierre-Marie.
Réunis en chapitres généraux il y a un mois, frères et sœurs,
nous sentons aujourd’hui combien l’Esprit Saint nous interpelle,
nous bouscule peut-être,
en tout cas nous met en mouvement.
Il n’y a pas de doute qu’Il se plait à nous pousser,
laïcs et consacrés, à vivre dans un même esprit de famille,
en communion les uns avec les autres,
à donner corps ensemble à la Famille de Jérusalem.
Et pour cela, il nous introduit dans sa pédagogie
qui se décline en un double mouvement.

Le premier mouvement est descendant.
Comme le grain de blé rejoint la terre nourricière
pour porter du fruit,
toute notre Famille de Jérusalem est conduite par l’Esprit
à descendre vers la source du charisme
que nous partageons ensemble laïcs et consacrés.
Nous ne pouvons plus aujourd’hui
faire vivre le charisme de Jérusalem
comme au temps du vivant de notre fondateur.
Il nous suffisait de prier avec lui,
de nous laisser enseigner par lui
et entrainer par sa foi inébranlable
pour qu’ensemble nous soyons une famille
unie dans la diversité des rameaux qui la composent.
Notre unité se bâtit maintenant en descendant
jusqu’aux fondements de notre charisme,
en recueillant la sève primitive qui a été force d’appel
pour frère Pierre-Marie lorsqu’il fut ermite au désert,
appel à une créativité nouvelle
qui a été reconnue par l’Eglise comme un don de Dieu.
Frère Pierre-Marie nous laisse un héritage spirituel d’envergure
qu’il nous faut accueillir ensemble
avec humilité et reconnaissance.
Aujourd’hui, toute notre Famille de Jérusalem
est entrainée par l’Esprit dans un mouvement descendant
qui est un mouvement de re-connaissance.
Qui dit reconnaissance dit gratitude,
mais aussi connaissance renouvelée.
En puisant à la source commune de la Parole de Dieu,
du Livre de Vie de Jérusalem et de la liturgie,
nous descendons ensemble aux racines de notre vocation
de priants au cœur des villes,
quels que soient notre appel propre
et notre forme d’engagement dans la Famille.
Et là, au plus profond de ce qui constitue
le cœur vivant et unique de notre charisme,
nos yeux s’ouvrent et nous apprenons
à nous regarder les uns les autres avec un regard neuf,
à nous re-connaître par-delà nos différences
comme membres d’un même corps.
Cette re-connaissance est un regard d’émerveillement
sur la diversité des expressions
du charisme de Jérusalem qui, lui, est unique.
Nous nous découvrons mutuellement frères et sœurs
car greffés à un même cep et abreuvés d’une même sève.
Nous nous découvrons mutuellement porteurs
d’un même désir de sainteté et d’une même soif de vérité,
porteurs d’un même appel à vivre au cœur des villes
pour y vivre au cœur de Dieu.
Laïcs et consacrés – moines, moniales, familiers, familières,
vivant en solitude ou en communauté,
laïcs engagés sous différentes formes,… –
tous, nous nous re-connaissons
comme liés les uns aux autres.
Cette unité ressentie est une expérience de l’amour de Dieu
qui forge notre identité propre,
un point-pivot qui libère un élan de vie, de don de soi.
C’est là que se tisse notre communion,
fruit du travail secret de la grâce qui nous précède sans cesse.

De ce mouvement de reconnaissance peut jaillir alors
une étape nouvelle qui est celle de l’alliance.
Cette alliance est un engagement réciproque
entre le frère, la sœur, laïque ou consacré,
et la Fraternité à laquelle il ou elle appartient.
Chacun fait alliance avec le Christ mais cette alliance s’incarne
à travers une alliance avec des frères et des sœurs qui partagent
avec celui ou celle qui s’engage le même appel.
Chaque engagement, celui du laïc ou du consacré,
est un don que Dieu fait à la Famille tout entière
car c’est la multiplicité des appels reconnus
et célébrés dans une alliance qui donne à la Famille
d’être signe du Christ vivant au milieu des hommes.
La diversité n’est pas reconnue comme une excentricité
mais plutôt comme un embellissement
du corps mystique que forme la Famille.
Chaque alliance dévoile le mystère de nuptialité et de fécondité
qui caractérise l’Eglise comme Epouse du Christ.
Par cette alliance, chacun est appelé sans cesse à repartir du Christ.

C’est alors que s’ouvre un nouveau mouvement
qui, cette fois-ci, est ascendant, un mouvement de croissance.
La graine jetée en terre se lève comme une fine pousse
appelée à devenir, si Dieu le veut, un grand arbre.
Avec l’alliance scellée, un itinéraire personnel est proposé
pour que chacun puisse croître
dans son appel propre à suivre le Christ.
Le Livre de Vie de Jérusalem décrit un itinéraire spirituel
qui s’incarne de manière différente selon les états de vie.
Membres du même corps,
nous nous soutenons mutuellement
dans cette con-formation progressive de nos sentiments
à ceux qui sont dans le Christ Jésus.
Quel que soit la forme de notre consécration,
c’est le Christ que nous voulons laisser croître en nous.
Si nous pouvons dire : « Ce n’est plus moi qui vis,
c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20),
alors notre vie devient réellement missionnaire.
Notre mission n’est-elle pas de porter le Christ au monde ?
C’est bien pour répondre à l’appel de l’Eglise à œuvrer
pour une nouvelle évangélisation que l’Esprit
a inspiré frère Pierre-Marie, il y a bientôt 40 ans,
à fonder nos Fraternités de Jérusalem.

Que ce même Esprit Saint,
chers frères et sœurs, continue de nous inspirer.
Par ce double mouvement descendant et ascendant
de reconnaissance, d’alliance et de croissance,
Il nous invite à rester ouverts à ses appels.
Notre trésor, c’est cette spiritualité de communion,
fruit de l’ecclésiologie issue du concile Vatican II,
que l’Esprit nous donne de partager entre nous.
Une spiritualité qui trouve sa source
au sein même de la sainte Trinité
et que nous recevons de la contemplation du Christ
qui a pris chair au milieu de nous.

Viens, Esprit Saint, déployer aujourd’hui en nous
les dons que ta grâce veut faire fructifier pour demain
dans notre Famille de Jérusalem.
Seuls, nous savons que nous irons plus vite.
Mais ensemble, nous croyons que nous irons plus loin.

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