FMJ Mtl6e DIMANCHE DE PÂQUES – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29
13 mai 2007
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ouvrir les Écritures à la lumière de l’Esprit

Qu’allons-nous faire de cet Évangile ?
Qu’allons-nous faire de ces paroles
adressées par Jésus aux apôtres
et à ceux et celles qui partageaient le repas pascal
la veille de sa Passion ?

C’était à Jérusalem, sur le Mont Sion dans la chambre haute.
Mais aujourd’hui, nous sommes à Montréal,
sur le Plateau Mont-Royal,
et plus de 2000 ans nous séparent.
Qu’allons-nous faire de ces paroles ?

Il y a deux manières de recevoir la Parole.
La première est de mettre à l’œuvre
toutes nos capacités humaines
de réflexion, de savoir, de mémoire et d’imagination.
Nous allons travailler cette Parole
qui va nous passionner.
Nous allons découvrir des richesses de contenu, de sens ;
nous allons nous en émerveiller ;
nous y trouverons une réelle joie,
puis nous reviendrons à nos occupations
comme quelqu’un qui a pris un « grand bol d’air »
puis se remet au travail.

Mais il est une autre manière de recevoir la Parole
dont le Seigneur nous invite, je crois,
à faire l’expérience aujourd’hui.
Elle se fonde sur ces paroles de Jésus :
« Le Paraclet, l’Esprit Saint,
à qui le Père donne mission en mon nom,
Celui-là vous enseignera tout :
il vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26).

Ce que Jésus a dit, l’Esprit Saint va nous le rappeler.
Il prend ce qui est de Jésus
et nous l’annonce (cf. Jn 16,14).

Les paroles de l’Évangile d’aujourd’hui,
nous pouvons demander à l’Esprit Saint
de nous les « rappeler » à sa manière à Lui,
de nous les « annoncer »,
de nous les « enseigner » intérieurement.

Comment est-ce qu’il rappelle, annonce, enseigne ?
À la manière d’un souffle :
cette Parole portée par un souffle d’Amour,
devient vivante;
Elle entre en nous, nous traverse, nous emporte.
Nous ne sommes plus des « maîtres »
qui « travaillons » la Parole de notre propre autorité :
L’Esprit souffle où il veut (cf. Jn 3,8)
et porte la Parole en nous où il veut, comme il veut.

Il est une autre image qui nous aide à mieux comprendre
ce travail de l’esprit Saint :
celle d’une onction.
Une onction qui demeure en nous,
qui nous instruit de tout (1 Jn 2,27).

Le propre de l’onction est de « pénétrer ».
La Parole pénètre alors en nous beaucoup plus profondément,
jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit,
des articulations et des moëlles,
elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur (Hé 4,12).

Ce n’est plus nous qui jugeons la Parole de Dieu,
c’est elle qui nous juge,
qui nous éclaire.
Ce n’est pas nous qui l’éclairons,
c’est elle qui nous éclaire !

Nous nous remettons
à la puissance transformatrice de la Parole !
Nous ne comprenons pas nécessairement
ce qu’elle fait en nous,
mais ce qui est certain, c’est qu’elle « fait » !

De cela l’apôtre Paul était convaincu.
C’est ainsi que, lors de ses adieux aux chrétiens d’Éphèse, il leur disait :
« Et à présent, je vous confie à Dieu
et à la Parole de sa grâce
qui a le pouvoir de bâtir l’édifice
et de procurer l’héritage
parmi tous les sanctifiés » (Ac 20,32).

Pourquoi la Parole nous lasse-t-elle parfois ?
Pourqui ne nous dit-elle rien ?
Parce que nous l’accueillons sans invoquer l’Esprit Saint.
Essayez de digérer du café en poudre
sans y ajouter de l’eau !
Ou de faire de la pâte à pain sans eau !

Pourquoi la Parole ne nous transforme-t-elle pas ?
C’est pour la même raison !
Pouvez-vous partir avec votre voiture
si vous ne démarrez pas le moteur ?

*

Nous pouvons demander à Jésus
de faire l’expérience de cette Lumière de l’Esprit Saint
aujourd’hui, maintenant.

Le soir de la Cène, au moment de partir vers le Père
Jésus confie à ses disciples :
« Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix ;
Mais je ne vous donne pas comme le monde donne » (Jn 14,27).

Esprit Saint, Esprit de Vérité, nous te demandons
de venir maintenant nous rappeler cette parole à ta manière,
de nous l’annoncer, de nous l’enseigner intérieurement.
Libère nos cœurs de toute volonté de puissance,
de contrôle, d’autonomie ;
de tout orgueil de domination et d’insoumission à Dieu,
et porte maintenant en nous la Parole de Jésus.

Je vous laisse la Paix, Je vous donne ma Paix.
La paix…
Tu nous fais percevoir tout le champ de bataille
qu’il y a aujourd’hui dans notre relation avec le Père du Ciel.
Que de tensions, que de résistances !
Et toutes ces armes pour nous défendre
parce que nous sommes persuadés
qu’il faut nous défendre contre Dieu.
Vient au jour tout un arsenal intérieur.
Nous percevons combien nous nous fatiguons,
nous nous épuisons à toutes sortes de luttes intérieures
qui viennent de ce que nous ne reconnaissons pas l’amour de Dieu ;
qui viennent de Satan
qui ne cesse pas de mettre de l’huile sur le feu.

La Paix…
Être en paix avec le Père.
Oui, il faut que quelqu’un vienne
pour nous réconcilier avec Dieu.
Nous percevons que par nous-mêmes
nous ne pouvons pas acquérir la Paix.
Nous sommes pris dans nos propres liens
et dans les liens de l’adversaire.

Je vous donne ma Paix.
JE vous donne…
L’Esprit Saint rend vivante cette Parole.
Nous percevons que quelqu’un nous parle
avec une autorité qui nous rassure.
Je vous donne ma Paix.
C’est Jésus-ressuscité qui vient à nous.

« Je m’en vais et je viens vers vous » (Jn 14,28).
Jésus est là qui se présente à la porte de notre cœur.

« La Paix soit avec vous » (Jn 20,19).
La tension peut-être se fait plus grande en nous maintenant
parce que nous avons peur de lâcher prise.
Nous préférons notre vieux champ de bataille bien connu
plutôt que de consentir à quelque chose de nouveau.
Mais Jésus est bien là.
Selon sa promesse :
« Si quelqu’un m’aime, c‘est-à-dire garde ma parole
– c’est ce que nous sommes en train de faire –
mon Père l’aimera et nous viendrons à lui
et nous ferons demeure chez lui » (Jn 14,23).

Avec l’Esprit Saint, nous accueillons Jésus en personne
qui vient à nous
et nous pouvons lui confesser toutes nos tensions,
tous nos refus de Dieu, toutes nos insoumissions.
Nous le faisons maintenant en nous-mêmes,
et nous le ferons ensuite par le sacrement du pardon
pour recevoir pleinement la miséricorde.

Nous laissons Jésus entrer dans notre champ de bataille
et nous découvrons qu’il a déjà vaincu
toutes ces résistances et ces guerres.
Il vient nous donner sa paix-avec-le-Père.
sa propre relation confiante et aimante avec le Père.
La Paix de Jésus avec le Père
entre en nous.
Le Père et le Fils ensemble
viennent faire leur demeure en nous.

Alors notre regard sur le Père change.
Nos blessures vis-à-vis de la paternité,
Jésus les guérit et en fait la brèche par laquelle
nous entrerons justement dans sa relation avec le Père.

Nous anticipons un peu ce que sera notre entrée
dans la Jérusalem céleste
quand l’ange qui garde la porte de la Ville (cf. Ap 21,12)
nous fera entrer dans la Cité de Dieu,
dans cette extraordinaire communion avec Dieu
au point qu’il n’y a plus besoin de temple
car nous serons en Dieu.

L’Esprit Saint nous montre aujourd’hui
que Dieu peut nous faire déjà goûter
un peu du Ciel dès cette Terre;
qu’il nous fait vivre un peu de Ciel
en nous et par conséquent entre nous.

*

Frères et sœurs,
il y a donc bien « une autre manière »
de recevoir la Parole, d’accueillir l’Évangile.
Nous venons d’en faire une toute petite expérience.
Cette expérience, il nous faut la faire chacun, chacune.
Il n’y a pas besoin pour cela de grands diplômes de théologies;
il y a besoin de foi et de prière.

Chaque fois que nous appelons avec foi
l’onction intérieure de l’Esprit Saint,
Lui-même vient.
Et si nous le faisons avec Marie,
il vient avec plus encore de Joie !

Cette autre manière de recevoir la Parole,
nous le comprenons bien, n’est pas le « bol d’air »
après lequel nous retournons – inchangés – à nos occupations.

Nous en sommes transformés, changés
et elle nous conduit au pied de l’autel
pour une immense action de grâce,
c’est-à-dire pour l’Eucharistie.
Amen. Alléluia !

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