FMJ Mtl2e DIMANCHE DE CARÊME – B
Frère Antoine-Emmanuel
Gn 22, 1 … 18 ; Ps 115 ; Rm 8, 31-34 ; Mc 9, 2-10
1er mars 2015
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Ni la mort, ni la persécution…

200 à 300 chrétiens, dont beaucoup de femmes,
d’enfants, de vieillards ont été enlevés lundi dernier
dans plusieurs villages assyriens du nord de la Syrie
et 15 d’entre eux ont déjà été assassinés.
1000 familles ont fui leur domicile ces derniers jours
cherchant refuge à Hassaké et Qamichli,
deux villes tenues par les forces kurdes et syriennes.

Notre prière les rejoint ce matin dans cet enfer où ils sont plongés.
Et il n’est pas difficile d’imaginer les pressions faites
sur ces prisonniers chrétiens pour qu’ils apostasient.

Et quand ils sont fidèles au Christ jusqu’au bout
comme les 21 martyrs de Lybie,
quel témoignage pour nous.

Nous ne pouvons pas
ne pas les porter quotidiennement dans notre prière
et demander au Seigneur que,
comme les disciples dans l’Évangile d’aujourd’hui
à qui Jésus vient d’annoncer sa passion et sa mort,
eux aussi aient une grâce de transfiguration.
Une grâce toute intérieure sans doute,
mais qui leur donne force, courage
et surtout une miséricorde sans faille.

Une grâce de Transfiguration.
Quand le visage de Jésus devient, un moment, éclatant de lumière
et qu’il s’imprime à jamais dans l’âme.

Voir un instant la gloire de Jésus…
« Ils virent la gloire de Jésus » dit saint Luc (Lc 9,32),
sa gloire cachée devint manifeste, visible, d’une beauté infinie.

Que Dieu notre Père ouvre vos cœurs à sa lumière
pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel,
quelle est la richesse de sa gloire,
de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints (Ép 1,18).

C’est l’expérience que fit Paul lui-même.
Aux chrétiens de Corinthe, Paul écrit :
« Le Dieu qui a dit que la lumière brille au milieu des ténèbres,
c’est Lui-même qui a brillé dans nos cœurs
pour faire resplendir la connaissance de sa gloire
qui rayonne sur le visage du Christ » (2 Co 4,6).

Et c’est une expérience qui a transformé Paul,
comme il le confie encore aux corinthiens.
« Et nous tous qui, le visage découvert,
[contemplons et] reflétons la gloire du Seigneur,
nous sommes transfigurés en cette même image
de gloire en gloire, par le Seigneur qui est Esprit » (2 Co 3,18).

Avant Paul, ce fut déjà l’expérience d’Étienne
qui, au moment où il était mis à mort
par les terroristes de l’époque,
se mit à fixer le ciel et vit la gloire de Dieu
et Jésus debout à la droite de Dieu.
Voici, dit-il, que je contemple les cieux ouverts
et le fils de l’homme debout à la droite de Dieu (Ac 7, 55-56).

Et cette expérience lui donna la force de mourir en disant :
« Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (Ac 7, 60).

Cette expérience, elle peut nous être donnée à tous,
le plus souvent de manière très humble, très intérieure.

Je pense à un jeune adulte priant
dans la chapelle de Paray le Monial il y a quelques années,
et qui a vu le Saint-Sacrement prendre soudain l’apparence
d’un feu d’une intensité incroyable.
Il est aujourd’hui prêtre au Brésil…

C’est aussi la Parole qui peut, pour un moment,
devenir en nous, pour nous, d’une intensité extraordinaire.
C’est ainsi que l’auteur de la lettre aux Hébreux
relit le sacrifice qu’Abraham s’apprêtait à faire
de son fils Isaac.
« Même un mort, se disait-il,
Dieu est capable de le ressusciter » (Hé 11,19).
Les promesses de Dieu avaient été
comme un feu dans le cœur d’Abraham.

C’est aussi la présence de Jésus dans les frères,
dans les pauvres, dans les prêtres,
que le Seigneur peut soudain rendre comme visible.
C’est ce dont Motovilov, un laïc russe, fit l’expérience
un jour qu’il parlait avec le vieux moine Séraphim de Sarov,
entièrement transfiguré dans la lumière du Christ.

C’est le mystère de la Transfiguration.
Ce n’est pas Jésus qui vient soudain alors qu’Il était absent.
Non… c’est Jésus toujours présent
dont la présence et la gloire sont soudain rendues manifestes.

C’est le mystère de la Transfiguration.
C’est d’ailleurs le charisme de la vie monastique,
de la liturgie monastique,
qui reflètent quelque chose du Ciel,
qui offrent au monde un éclat de Ciel.

C’est cela la joie profonde de la vie monastique :
offrir au monde un brin de Ciel
à même l’ordinaire « glaiseux » de notre humanité.

Et quand c’est dans la ville, c’est encore plus beau !
Parce que cela nous mène à faire l’expérience
de la transfiguration à même la ville.

La ville est toujours habitée par une présence cachée de Jésus,
mais il peut nous être donné
de voir cette présence soudain s’illuminer.
La ville apparaît alors pour ce qu’elle est :
une constellation de reflets du visage de Jésus,
un reflet de la Jérusalem céleste, l’épouse de Jésus.

La grâce de la transfiguration,
c’est la gloire qui se manifeste
à même la faiblesse, la souffrance, la croix.
C’est l’or de l’icône de la croix…

*

Demandons cette grâce les uns pour les autres.
Grâce qui se produit dans la nuée visible ou non de l’Esprit Saint
qui enveloppe cette rencontre
et qui féconde notre pauvre humanité (cf. Lc 1,35).
Et c’est un moment où le Père nous dit mystérieusement :
« Celui-ci, Jésus, est mon Fils bien-aimé, écoutez-Le » (Mc 9,7).
Écoute Jésus…
Dresse tes oreilles aux paroles de Jésus.
Ouvre ton cœur aux paroles de Jésus.
Ne ferme pas ton cœur à l’annonce de la Croix :
c’est là le chemin de la lumière
et de la gloire qui ne fuit ni ne ternit.

Demandons cette grâce pour les enfants, les femmes,
les vieillards et tous les chrétiens enlevés
qui croupissent dans un camp de la mort
quelque part au nord de la Syrie.
Et prions pour les terroristes pour que leur cœur se convertisse,
pour qu’ils découvrent la lumière du Christ.

Écoutons pour conclure, Saint Paul dans son Épître aux Romains,
au chapitre 8, 31-39 :

« Que dire de plus ?
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Il n’a pas épargné son propre Fils,
mais Il L’a livré pour nous tous :
comment pourrait-Il, avec Lui, ne pas nous donner tout ?
Qui accusera ceux que Dieu a choisis ?
Dieu est celui qui rend juste :
alors, qui pourra condamner ?
Le Christ Jésus est mort ;
bien plus, Il est ressuscité, Il est à la droite de Dieu,
Il intercède pour nous :
alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ?
la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ?
le dénuement ? le danger ? le glaive ?
En effet, il est écrit :
C’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt,
qu’on nous traite en brebis d’abattoir.
Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs
grâce à Celui qui nous a aimés.
J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie,
ni les anges ni les Principautés célestes,
ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances,
ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature,
rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu
qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »

© FMJ – Tous droits réservés.