FMJ MtlMardi, 11e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
1 R 21, 17-29 ; Ps 50 ; Mt 5, 43-48
14 juin 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Une brèche s’est ouverte dans mon cœur

« Notre Père »… combien de fois par jour le disons-nous ?
« Je crois en Dieu le Père tout-puissant »,
nous le confessons bien souvent.
Bref, nous n’avons pas honte d’appeler Dieu « Père ».
Nous le croyons, nous le proclamons.

Mais il arrive souvent que nous ayons beaucoup de mal
à reconnaître effectivement et affectivement
que Dieu est notre Père.

Souvent même, nous le désirons,
nous ne manquons pas de bonne volonté,
mais nous nous heurtons à une sorte d’obstacle spirituel
qui fait que notre foi en la paternité de Dieu
reste beaucoup dans notre tête.

C’est là qu’il nous faut bien écouter l’Évangile d’aujourd’hui :
« Aimez vos ennemis,
priez pour vos persécuteurs
afin d’être fils de votre Père dans les cieux » (Mt 5, 44-45).

C’est étonnant !
C’est à travers nos ennemis et nos persécuteurs,
ceux qui nous veulent du mal et nous font du mal,
que nous allons trouver le chemin
qui fera que nous vivrons effectivement
en enfants du Père.

C’est mystérieux, mais c’est vrai
puisque Jésus nous le dit.

Essayons de comprendre.
« Aimer nos ennemis. »
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Cela veut dire de donner ma vie,
donner de mon temps, donner de mon affection,
de mon argent à une personne qui m’a blessé et me blesse,
qui m’a fait du tort et continue à me nuire.

Ce peut être un père, une mère, un enfant,
un frère, une sœur, un voisin,
un collègue, un propriétaire,
qui me fait vraiment souffrir,
mais que je choisis d’aimer,
à qui je choisis de faire du bien
et pour qui je prie,
demandant au Seigneur de le bénir, de le combler.

Vous savez bien que c’est là
une gymnastique très difficile pour le cœur.
Il s’agit de dire non à la rancune, au ressentiment,
et à beaucoup de raisonnements intérieurs
relayés par le monde qui nous entoure
et par le diable qui nous enferme dans le mal,
car ceux-ci me poussent à rester à distance
et à faire payer l’offense,
à condamner l’autre définitivement.

Mais le jour où nous nous connectons sur le cœur de Jésus,
ces discours perdent leur efficacité,
et un petit sentier incommode mais lumineux
s’ouvre dans nos cœurs :
le désir d’agir autrement germe en nous
ainsi que le goût du pardon,
l’empathie, la compréhension de l’autre,
la compassion pour ses souffrances et son histoire blessée.
Peu à peu la sève de l’Esprit Saint
fait bourgeonner
en nous un nouveau regard,
une nouvelle tendresse.

À ce moment-là, regardez bien,
vous verrez que le visage du Père
vous apparaîtra de manière nouvelle, fraîche, désirable.
Le ressentiment, la peur, la colère déformaient notre regard,
et rendaient le visage du Père lointain et peu désirable.
Mais maintenant le désir monte en nous
d’offrir au Père la joie de la communion rétablie.
Le Père est désormais Celui à qui nous voulons offrir
le plus beau de ce qui nous habite.

Voilà le petit miracle ou le grand miracle
de l’amour des ennemis.
C’est par la personne qui me fait souffrir
que s’est ouverte une brèche dans mon cœur,
et que j’ai vu le ciel,
que j’ai goûté la joie d’être ce que je suis :
le fils, la fille bien-aimée du Père…

« Vous donc soyez parfaits
comme votre Père du Ciel est parfait » (Mt 5,48).
Parfaits, dans le pardon,
parfaits dans la miséricorde,
parfaits dans l’amour.
Car Dieu est Amour.
Le Père est Amour en acte.
C’est cela la perfection qu’en Jésus Il nous communique.

Notre Père… que ton règne vienne !

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