sanct - sm26e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
10e Anniversaire de Fondation à Montréal
Mgr Luigi Bonazzi, Nonce Apostolique au Canada
Éz 18, 25-28 ; Ps 24 ; Ph 2, 1-11 ; Mt 21, 28-32
28 septembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le Troisième Fils

Comme vous le savez,
la Parole de Dieu que nous avons entendue,
s’adresse à l’assemblée dans son ensemble,
et à chaque personne qui la compose.
Le Seigneur s’exprime en effet
en même temps au « pluriel » et au « singulier ».
Il s’adresse à tout le monde,
et il fixe aussi son regard sur chacun.
Nous devons, par conséquent,
faire en sorte que le message du salut
éclaire notre « aujourd’hui »,
communautaire et individuel,
dans les situations concrètes que nous traversons.

Nous nous confions à l’action de l’Esprit Saint,
qui meut en permanence nos esprits
vers une compréhension toujours plus profonde de l’Évangile
et allume en nos cœurs un « oui » grandissant
à ce Dieu qui est Amour (cf. 1 Jn 4,16).

Que nous dit comme communauté et comme personnes,
la Parole de Dieu que nous avons écoutée ?

Dans la Première Lecture du prophète Ézéchiel
et de l’Évangile, avec la parabole des deux fils
envoyés travailler dans la vigne,
nous trouvons un enseignement
qui appartient à l’expérience que nous avons tous
mais dont souvent nous ne nous rappelons pas.
Nous l’oublions ou nous pensons
qu’elle s’applique aux autres, et pas à nous.
Les défauts, les erreurs, les péchés
sont toujours chez les autres.
Comme il nous est difficile
de les reconnaître en nous, en moi!

Ézéchiel au contraire nous rappelle que le juste,
s’il n’est pas vigilant, peut devenir injuste ;
celui qui a été considéré et jugé pécheur peut changer,
peut devenir un saint.
L’Évangile nous rappelle
que les apparences extérieures sont trompeuses,
que les bonnes paroles
ne sont pas toujours accompagnés par de bons faits,
et que ce sont les faits qui comptent.

En ville, sur les places, au bureau,
dans les lieux de travail, de l’économie,
de la politique, dans l’Église, en nous,
il y a le blé et l’ivraie, il y a le bien et le mal.
C’est le fils invité à travailler à la vigne
qui dit oui tout de suite, mais n’y va pas.
D’autre part, il y a celui qui refuse sur le coup,
mais qui se repent et accueille le projet de son père.

Dans ce contexte, je voudrais mentionner
les cinq vertus qu’un évêque sage conseillait à un jeune évêque :
la première, la patience
(l’amour qui ne se fatigue jamais, qui espère tout…) ;
la deuxième, la patience ;
la troisième, la patience ;
la quatrième, la patience ;
la cinquième, la patience
avec celui qui te demande d’avoir patience.

Cependant, la Parole de Dieu que nous avons entendue,
nous rappelle le mélange douloureux du bien et du mal
dans lequel nous vivons, et dont nous souffrons,
mais elle nous ouvre aussi un chemin lumineux
qui rend possible en nous la victoire du bien, de la lumière.
Ce chemin nous est ouvert par le troisième Fils
qui se trouve derrière les deux autres de la parabole.

Le premier fils dit non,
mais réalise ensuite la volonté de son père.
Le deuxième fils dit oui,
mais ne fait pas ce qui lui a été ordonné.
Le troisième fils dit « oui » et fait aussi ce qui lui est ordonné.
Ce troisième fils est le Fils unique de Dieu, Jésus Christ,
qui nous a tous réunis ici.

Entrant dans le monde, Jésus a dit :
« Voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Hé 10,7).
Ce « oui », Il ne l’a pas seulement prononcé,
mais Il l’a accompli et Il a souffert jusqu’à la mort.
En humilité et obéissance,
Jésus a accompli la volonté du Père.
Il est mort sur la croix pour ses frères et ses sœurs – pour nous –
et Il nous a rachetés de notre orgueil et de notre obstination.
Remercions-Le pour son sacrifice,
fléchissons les genoux devant son Nom,
et proclamons ensemble
avec les disciples de la première génération :
« Jésus Christ est le Seigneur
pour la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 10).

*

Chacun de nous peut être ce « troisième fils ».
En effet, nous le sommes déjà,
parce que nous avons été baptisés en Lui,
nous sommes en Lui,
mais nous devons aussi le devenir réellement,
en ayant ses sentiments en nous (cf. Ph 2,5),
en nous revêtant de ses sentiments, de son amour.
L’amour qui a été mis dans nos cœurs,
doit sortir, se rendre visible.

« Aujourd’hui aussi, comme hier
– nous dit le Pape François –
la force de l’Église n’est pas tant donnée
par les capacités d’organisation ou par les structures,
qui pourtant sont nécessaires :
ce n’est pas là que l’Église trouve sa force.
Notre force est l’amour du Christ !
Une force qui nous soutient dans les moments de difficulté
et qui inspire l’action apostolique d’aujourd’hui
pour offrir à tous bonté et pardon,
en témoignant ainsi de la miséricorde de Dieu »
(Audience Générale, 24 septembre 2014).

*

Je voudrais faire référence à deux sentiments de Jésus :
son pardon et son humilité.

Pardon.
Souvent, quand je me suis retrouvé à parler de pardon
avec ceux qui étaient convaincus d’être du bon côté,
je me suis fait dire : « pardonner, pourquoi ?
Je sais que c’est l’autre qui a tort ».
Ensuite, à ces paroles sèches,
suivait presque toujours la liste des méchancetés souffertes
par la faute de celui qui s’était mal comporté.
Alors je répondais :
« Précisément parce que vous avez raison,
vous pouvez donner le pardon ;
autrement, vous devriez le demander ! »;
et j’ajoutais, « si vous me demandez la raison pour laquelle,
selon l’Évangile, vous devez pardonner,
la réponse immédiate est : parce que vous avez été pardonné ! »

Bien sûr, pardonner n’est pas oublier,
mais cela signifie « purifier » la mémoire
pour éviter que le ressentiment nous empêche
de recevoir et de donner de l’amour.
Être miséricordieux, par conséquent,
ne veut pas dire laisser tomber,
mais cela implique de vaincre le mal en faisant le bien.
Ceux qui pratiquent le pardon sont appelés à s’engager,
à changer les situations négatives rencontrées en soi
et en dehors de soi, en rétablissant la justice.

Humilité.
Saint Paul nous en offre
une définition bien précise et concrète :
l’humilité consiste à considérer les autres supérieurs à soi.
Il continue en disant :
Que chacun de vous
ne soit pas préoccupé de lui-même,
mais aussi des autres (Ph 2, 3-4).
L’existence chrétienne est une pro-existence :
un être pour l’autre,
un engagement humble pour le prochain
et pour le bien commun.

Chers frères et sœurs, l’humilité est une vertu qui,
dans le monde d’aujourd’hui et,
en général, de tous les temps,
ne jouit pas d’une grande estime.
Mais les disciples du Seigneur savent
que cette vertu est, pour ainsi dire,
l’huile qui rend féconds les processus de dialogue,
possible la collaboration et cordiale l’unité.

Humilitas, le mot latin pour « humilité »,
a quelque chose à voir avec humus,
c’est-à-dire avec l’adhérence à la terre, à la réalité.
Les personnes humbles ont les deux pieds sur la terre.
Mais surtout, elles écoutent le Christ,
la Parole de Dieu qui renouvelle sans cesse l’Église
et chacun de ses membres.

Demandons à Dieu le courage et l’humilité
de cheminer sur la route de la foi,
de puiser à la richesse de sa miséricorde
et de tenir fixé notre regard sur le Christ,
la Parole qui fait toutes choses nouvelles,
qui pour nous est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14, 6),
qui est notre avenir. Amen.

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