sanct - smÉPIPHANIE DU SEIGNEUR – C
Mgr Émilius Goulet, p.s.s.
Archevêque émérite de Saint-Boniface
Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ép 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
3 janvier 2016

Nous sommes venus L’adorer

Frères et Sœurs dans le Christ,

L’histoire biblique, rapportée dans l’évangile de ce jour, nous est très familière. À chaque année, nous entendons ce récit « des mages venus d’Orient », pour adorer l’Enfant de la crèche. Cet épisode a fait l’objet de la réflexion des jeunes du monde, réunis à Cologne en août 2005, pour célébrer la XXe Journée Mondiale de la Jeunesse. En effet, dans un message adressé aux jeunes du monde, le 6 août 2004, saint Jean-Paul II avait présenté cet épisode et en avait tiré le thème de la JMJ de 2005 : « Nous sommes venus l’adorer » (Mt 2, 2). Ce thème invitait les jeunes de tous les continents à refaire spirituellement l’itinéraire des Mages, dont les reliques, selon une pieuse tradition, sont vénérées dans la magnifique Cathédrale de Cologne et à rencontrer comme eux le Messie de toutes les nations.

En ce dimanche de l’Épiphanie, ce dimanche de la manifestation du Christ au monde, nous sommes tous invités à ouvrir nos yeux, notre esprit et notre cœur, pour reprendre l’itinéraire spirituel des Mages. Comme les Mages, nous devons aussi suivre l’étoile, c’est-à-dire la lumière du Christ qui nous mène vers Dieu. Nous n’avons probablement pas besoin de quitter notre pays… Cependant, l’étoile nous conduira sans doute à travers des déserts arides et dans des terres inconnues. Pourtant, rien ne saura nous arrêter dans notre recherche de Dieu. Comme les Mages, nous garderons le regard fixé sur l’étoile. Ayant reconnu le Sauveur de nos vies, nous prendrons ainsi un autre chemin de retour. Nous proclamerons à tous les peuples de la terre que le Christ est véritablement le Seigneur et le roi de nos vies.

En vérité, la lumière du Christ éclairait déjà l’intelligence et le cœur des Mages. « Ils se mirent en route » (Mt 2,9), raconte l’évangéliste, en se lançant avec courage sur des chemins inconnus, entreprenant un voyage long et difficile. Ils n’hésitèrent pas à tout quitter pour suivre l’étoile, qu’ils avaient vu se lever en Orient (cf. Mt 2,1). Une question brûle leur cœur : « Où est le roi… qui vient de naître? » (Mt 2,2). Nous aussi, nous entendons résonner dans notre cœur bien des questions qui nous soulèvent et nous mettent en route, en recherche : Où pouvons-nous trouver les critères pour orienter notre vie, les points de repère pour collaborer de manière responsable à l’édification du présent et de l’avenir de notre monde? Où est celui qui peut nous offrir la réponse satisfai¬sante aux attentes de notre cœur? Suivons la lumière de l’Évangile et nous trouverons. Nous entendons et voyons tant de choses! Où est la vérité?… Dans la lumière apportée par le Christ : l’Évangile!

« Et voilà que l’étoile… les précédait; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant » (Mt 2, 9). Les Mages arrivèrent à Bethléem, parce qu’ils se laissèrent docilement conduire par l’étoile. Plus encore, « quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie » (Mt 2, 10). Il est important, frères et sœurs, d’apprendre à scruter les signes, par lesquels Dieu nous appelle et nous guide. Lorsque nous sommes conscients d’être conduits par lui, le cœur ressent une joie authentique et profonde.

« En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère » (Mt 2, 11). Rien d’extraordinaire à première vue. Et pourtant, cet Enfant est différent des autres : il est le Fils unique de Dieu que s’est dépouillé de sa gloire (cf. Ph 2,7) et qui est venu sur la terre pour mourir sur la Croix. Il est descendu parmi nous; il s’est fait pauvre pour nous révéler la gloire divine, pour que nous ayons part à sa divinité.

Qui aurait pu inventer un signe d’amour plus grand? Nous sommes en admiration devant le mystère d’un Dieu qui s’abaisse pour revêtir notre condition humaine, jusqu’à s’immoler pour nous sur la Croix (cf. Ph 2, 6-8). Dans sa pauvreté, Celui qui – comme nous le rappelle saint Paul – « de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour vous, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (2 Co 8, 9), est venu offrir le salut aux pécheurs. Comment rendre grâce à Dieu pour tant de bonté manifestée?

Les Mages rencontrent Jésus à « Bethlehem », qui signifie « maison du pain ». Dans la grotte repose, sur un peu de paille, le « grain de blé » qui, en mourant, portera « beaucoup de fruit » (cf. Jn 12, 24). Au cours de sa vie publique, Jésus, pour parler de lui-même et de sa mission, aura recours à l’image du pain : « Je suis le pain de vie », « Je suis le pain descendu du ciel », « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde » (Jn 6, 35.41.51).

En parcourant de nouveau avec foi l’itinéraire du Rédempteur, de la pauvreté de la Crèche jusqu’à l’abandon de la Croix, nous com¬prenons mieux le mystère de son amour qui rachète l’humanité. L’Enfant, couché aujourd’hui par Marie dans la mangeoire, c’est l’Homme-Dieu que nous verrons demain cloué sur la Croix. Dans l’étable de Bethléem, il se laissa adorer, sous les traits d’un nouveau¬né, par Marie, par Joseph et par les bergers, par les Mages; dans l’Hostie consacrée, nous l’adorons présent avec son corps, son âme et sa divinité; il s’offre à nous comme nourriture de vie éternelle. L’Eucharistie devient alors le véritable rendez-vous d’amour avec Celui qui s’est entièrement donné pour nous.

Et, se prosternant, ils l’adorèrent » (Mt 2, 11). Si, dans l’enfant de Marie, les Mages reconnaissent et adorent celui que les nations attendaient et que les prophètes avaient annoncé, nous pouvons aujourd’hui l’adorer dans l’Eucharistie et le reconnaître comme notre Créateur, notre unique Seigneur et Sauveur.

« Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe » (Mt 2, 11). Les présents qu’offrent les Mages au Messie symbolisent la véritable adoration. Par l’or, ils soulignent sa divinité royale; par l’encens, ils confessent qu’il est prêtre de la nouvelle Alliance; en lui offrant la myrrhe, ils célèbrent le prophète qui versera son sang pour réconcilier l’humanité avec son Père.

Frères et sœurs, nous devons être des adorateurs de l’unique vrai Dieu, en lui reconnaissant la première place dans nos vies. L’idolâtrie, c’est la tentation constante de l’être humain. Certains cherchent la solution à leurs problèmes dans des pratiques religieuses incompatibles avec la foi chrétienne. Un fort courant pousse à croire aux mythes faciles du succès et du pouvoir; il est dangereux d’adhérer à des conceptions passagères du sacré qui présentent Dieu sous la forme d’une énergie cosmique ou bien d’autres manières non conformes à la doctrine de l’Église.

Nous ne devons pas céder aux illusions mensongères et aux modes éphémères, qui nous laissent trop souvent dans un tragique vide spirituel! Il nous faut résister face aux séductions de l’argent, de la société de consommation et de la violence présente partout dans la société, soit par le langage, soit par des gestes et des comportements.

L’adoration du vrai Dieu constitue un authentique acte de résistance contre toute forme d’idolâtrie. Nous devons reconnaître le Christ comme le Rocher sur lequel nous bâtissons notre vie, ainsi qu’un monde plus juste et plus solidaire. Jésus est le Prince de la paix, la source du pardon et de la réconciliation, qui peut nous rendre frères et sœurs, tous membres de la famille humaine.

« Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin » (Mt 2, 12). L’Évangile précise qu’après avoir rencontré le Christ, les Mages rentrèrent dans leur pays « en prenant un autre chemin ». Ce changement de route peut symboliser la conversion à laquelle nous sommes appelés pour rencontrer Jésus, pour devenir les vrais adorateurs qu’il désire (cf. Jn 4, 23-24).

Écouter le Christ et l’adorer conduit à faire des choix courageux, à prendre des décisions parfois héroïques. Lorsqu’on rencontre le Christ et que l’on accueille la lumière de l’Évangile, la vie change et l’on est conduit à communiquer aux autres sa propre expérience.

Tant de nos contemporains n’ont pas encore fait l’expérience de l’amour de Dieu; ils cherchent à remplir leur cœur de substituts insignifiants. Il est donc urgent d’être des témoins de l’amour contemplé dans le Christ.

L’Épiphanie s’accomplit pour nous aujourd’hui dans cette célébration eucharistique : le Christ se révèle dans son offrande au Père et nous entraîne dans le don qu’il fait de lui-même au Père. Puissions-nous suivre sa lumière!

Amen!

+ Emilius Goulet, PSS
Archevêque émérite de Saint-Boniface

P.S. Cette homélie s’inspire du message de saint Jean-Paul II, mentionné au début de ce texte.