FMJ MtlJeudi, 2e Semaine de l’Avent – A
Frère Antoine-Emmanuel
Is 41, 13-20 ; Ps 144 ; Mt 11, 11-15
9 décembre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Jusqu’au bout de la justice

Aujourd’hui encore, le Seigneur Se fait proche
pour déposer en nos cœurs de grandes promesses :
une promesse de victoire et une promesse de joie.

Si nous nous sentons fragiles, faibles,
comme Israël se sent un vermisseau (Is 41,16),
le Seigneur nous promet de déployer en nous sa force
au point que nous pulvérisions les montagnes (cf. Is 41,15)
– les montagnes de la peur.

Si nous sommes dans l’aridité,
si nous vivons avec le goût amer
de la stérilité et du désespoir,
le Seigneur nous promet de faire de la terre aride
des eaux jaillissantes.

Voilà ce que nous attendons à l’approche de Noël.
Si nous vivons en profondeur ce temps de l’Avent,
Noël nous surprendra,
la visite de Dieu nous émerveillera.

Mais comment bien vivre ces jours d’Avent ?
À partir d’aujourd’hui, et pour les jours qui viennent,
il nous faut faire notre valise, et partir au désert.
Le chemin de Noël passe par le désert,
parce que le chemin de Noël
passe par la rencontre de Jean-Baptiste.
Au désert… et au bord de l’eau
car Jean, nous dit l’Évangile de Marc,
baptisait au désert (Mc 1,4).

Depuis Malachie,
Israël savait que la venue du Messie, du Roi Sauveur,
serait précédée par la venue d’Élie,
c’est-à-dire par un prophète
qui aurait toute la vigueur d’Élie.
Cet homme, ce prophète
sera donc un homme ferme, très ferme :
il ne sera pas comme un roseau balloté par le vent (Mt 11,7).
Comme Élie, il sera inflexible
quand il s’agit de la justice et de la vérité.
Un homme ferme, et un homme libre :
il ne sera pas un potentat riche et corrompu
vêtu de vêtements précieux ;
il sera même perçu par les puissants
comme un ennemi à supprimer.
Comme Élie, il sera un véritable homme de Dieu,
un homme seul avec Dieu,
libre des compromis du monde.

Mais pourquoi faut-il un nouvel Élie
avant que ne vienne le Sauveur ?
L’Écriture nous répond : pour apaiser la colère (Sir 48,10),
c’est-à-dire pour que le Messie
ne rencontre pas une telle injustice
que le feu de sa venue devienne anathème (cf. Ml 3,24).
En d’autres termes, pour que cette rencontre
ne soit pas douloureuse à l’excès pour un peuple impie.

La mission du nouvel Élie à venir,
c’est de redresser les chemins
d’un peuple fourmillant d’injustices.

L’Écriture nous dit quelle est l’injustice
que le précurseur doit tout particulièrement dénoncer et redresser :
Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils
et le cœur des fils vers leurs pères (id.).

Une injustice fondamentale qui blesse la société,
qui blesse l’humanité,
c’est l’abdication de la paternité :
les pères qui se désintéressent de leurs enfants,
ou qui renoncent à une paternité virile et exigeante ;
et le rejet de la paternité :
l’ambition d’être soi-même la source,
l’origine de sa propre vie.

Voilà ce que le nouvel Élie doit dénoncer.
Voilà ce qu’il dénonce aujourd’hui :
toutes nos infidélités à ce qui construit la famille,
à ce qui sert le bien commun,
et particulièrement à l’attention à donner
aux plus petits, aux plus pauvres.

*

Frères et sœurs, ayons ces prochains jours
le courage de rester au désert à l’écoute de Jean.
Quelles sont les injustices
que nous tolérons ou entretenons
en nous et autour de nous ?

Sommes-nous fidèles à la paternité ou à la maternité
que le seigneur nous demande d’exercer ?
Nous portons une responsabilité vis-à-vis de plus pauvres :
est-ce que nous l’exerçons ?

Sommes-nous disponibles et obéissants
à l’égard de ceux ou celles
à qui le Seigneur nous a confiés
d’une manière ou d’un autre ?

Jean-Baptiste nous rappelle nos devoirs de justice,
et il est lui-même un modèle.
Pourquoi Jean est-il grand ?
Pourquoi Jean est-il le plus grand
des enfants nés de la femme ?
Parce qu’il exerce pleinement sa responsabilité !
Il vit à plein et au risque de sa vie
son ministère de prophète.
Mais il est grand, vraiment grand
parce qu’en même temps,
il s’incline et s’efface devant Celui
qui est pourtant « plus petit » que lui, Jésus !

Jean est allé très loin dans l’exigence de la justice,
mais il ne s’est pas durci,
il n’est pas tombé dans l’intransigeance, le mépris,
comme beaucoup le font.
Il est allé jusqu’au bout de la justice
en s’inclinant devant l’Agneau de Dieu.

Beaucoup, sinon tous,
ont voulu saisir le Royaume qui se manifestait
en voulant devenir eux-mêmes rois (cf. Mt 11,12)
à l’instar de Satan.
Jean, lui, s’efface devant le Royaume
en véritable adorateur de Dieu.

Il y a en lui toute l’exigence morale de la justice,
mais aussi tout l’abandon devant la sainteté de Dieu.

Voilà ce qu’il nous invite à vivre
pour que Jésus puisse venir transformer notre vie
en nous partageant ce qu’Il est.

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