FMJ Mtl13e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
2 R 4, 8-11.14-16 ; Ps 88 ; Rm 6, 3-4.8-11; Mt 10, 37-42
2 juillet 2017
Maison de Prière, Mont-Saint-Hilaire

Ne rien préférer à l’Amour

Je voudrais, ce matin, partir des versets de l’Évangile de saint Matthieu
qui précèdent immédiatement l’Évangile de ce matin.
« Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre :
je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.
Oui, je suis venu séparer l’homme de son père,
la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère :
on aura pour ennemis les gens de sa propre maison
» (Mt 10, 34-36).

Et ce matin Jésus continue :
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que Moi
n’est pas digne de Moi ;
celui qui aime son fils ou sa fille plus que Moi
n’est pas digne de Moi ;
celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas
n’est pas digne de Moi
» (Mt 10, 37).

Jésus est venu apporter un glaive
puisqu’Il nous demande de Le préférer, Lui, à tout lien de famille,
y compris le lien de filiation qui est si fort pour nous les humains.
Pourquoi cette violence, ce glaive ?
Des parents qui voient leur enfant entrer dans la vie consacrée
alors qu’ils le refusent, le savent ;
c’est une violence vis-à-vis du lien naturel de filiation.
Pourquoi cette violence ?

Pour entrer dans ce mystère,
je crois qu’il faut regarder l’autre versant
de cette même page d’Évangile.

Nous sommes, comme dimanche dernier,
dans l’enseignement que Jésus donne aux Douze
au moment de leur départ en mission.

Or, Jésus leur dit des paroles tout à fait étonnantes :
« Qui vous accueille, M’accueille ;
qui M’accueille, accueille Celui qui M’a envoyé » (10,40).
Cela veut dire que si une famille d’un village de Galilée
accueille deux apôtres,
et les accueille en les reconnaissant comme disciples de Jésus,
comme envoyés de Jésus,
alors, c’est exactement comme s’ils accueillaient Jésus chez eux,
et, même, comme s’ils accueillaient Dieu notre Père.
Et ce n’est même pas « comme si » … :
ils accueillent effectivement le Fils de Dieu fait Homme,
ils accueillent Dieu notre Père.

Pour Jésus, ses apôtres, ses disciples,
ne sont pas des représentants de commerce,
ni des simples messagers, ni même des ambassadeurs :
ils deviennent, par leur envoi, une présence même de Jésus.

Peu de temps après l’ordination d’un de mes frères en Italie,
je disais à l’Archevêque combien ce frère
était visiblement heureux d’être prêtre.
Et l’Archevêque m’a répondu :
« Oui, bien sûr… il est devenu un ‘sacrement’ de Jésus ».
L’expression est audacieuse,
mais elle est d’une grande vérité.
Jésus nous aime au point de Se rendre présent
à travers les baptisés qu’Il envoie en mission,
et en particulier à travers ses prêtres.

Pour bien nous faire comprendre cela,
Jésus explicite son enseignement.

Si tu accueilles un homme, une femme,
en reconnaissant en lui, en elle, un charisme de prophétie,
une capacité surnaturelle de dire une parole qui vient de Dieu;
si ton cœur le reconnaît,
alors tu auras « une récompense de prophète »,
c’est-à-dire que sa visite sera une puissante bénédiction.
Tu recevras une Parole de Dieu qui donne Vie.
C’est exactement ce qu’a vécu ce couple aisé
qui a accueilli le prophète Élisée,
non pas parce qu’il était sympathique ou qu’il parlait bien,
mais parce qu’il était un homme de Dieu.
Et la récompense a été la naissance miraculeuse d’un enfant.

Si tu accueilles un homme, une femme
en reconnaissant en lui, en elle,
un juste, une personne qui vit selon Dieu,
qui aime le Seigneur et obéit à sa volonté,
alors cette visite sera aussi une bénédiction
qui t’aidera à te remettre sur le chemin de Dieu.

De la même manière, si tu accueilles une personne
en reconnaissant que c’est Jésus Lui-même qui l’a envoyée,
alors tu auras une récompense, une grâce, une joie extraordinaire :
parce que ce n’est pas seulement
un prophète ou un juste que tu accueilles,
c’est Jésus Lui-même que tu accueilles.
Et déjà, si tu lui donnes ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche,
tu en seras béni.
Je pense à une famille française bénie
après avoir accueillie saint Benoît Joseph Labre,
ou à une famille québécoise bénie
après avoir accueilli saint frère André.
Si tu donnes un verre d’eau fraîche à celui que Jésus t’envoie,
alors tu boiras à travers cette personne
à la Source même du Cœur du Christ.

Cela… c’est le style de Jésus :
Son désir de rejoindre tous les humains est si grand
qu’Il nous missionne pour être Sa présence.
À travers toi, Il veut Se rendre présent, bénir, pardonner, sauver.

C’est vrai de façon particulière et sacramentelle
à travers les prêtres.
C’est vrai aussi de tout baptisé, de chacun de vous.

Mais pour être cette présence de Jésus,
cela ne peut pas se faire sans en souffrir,
sans faire des choix.
Si l’attachement à une personne de la famille
est plus fort que l’attachement à Jésus,
ce sera comme une entrave.
C’est ce qui arrive souvent lorsque le Seigneur
appelle des jeunes gens venant d’une culture
où le lien avec la maman
est très fort, pour ne pas dire étouffant.

Le glaive dont parle Jésus,
n’est pas un glaive de mort,
mais un glaive de séparation.
C’est un glaive nécessaire pour trancher toute affection humaine
qui nous empêche d’être vraiment à Jésus,
de Lui être pleinement disponible,
de Le préférer à toute affection.

Cela ne veut pas dire que Jésus veut faire de nous
des oiseaux solitaires et malheureux
qui ne connaissent ni amitié, ni affection, ni amour.
Au contraire, Jésus tranche ce qui est trop naturel
pour nous emmener dans une autre qualité d’amitié
tellement plus profonde, plus désintéressée et durable.
Mais c’est en Lui.
C’est Lui qui rassemble les cœurs.
C’est Lui qui unit les cœurs.
Et c’est cela son Règne d’Amour.

Certes, il y a une mort,
mais comme Paul nous l’a dit ce matin,
toute mort avec le Christ
est déjà remplie de la résurrection.
Tu meurs à ce qui est mortel, passager, relatif,
pour t’ouvrir à la réalité qui ne meurt pas,
au monde de la Résurrection,
ou, en d’autres termes, au monde de la communion.

Si nous avons été mis au tombeau avec Lui,
c’est pour que nous menions une vie nouvelle (Rm 6,4).
Le Christ, nous dit Paul, ne meurt plus :
la mort n’a plus de pouvoir sur Lui (Rm 6,9)
Aussi toute relation, toute amitié qui est en Christ
ne peut mourir : la mort n’a pas de pouvoir sur elle.

C’est dans l’Amour que le Seigneur veut nous conduire.
Et s’il le faut, au moyen du glaive qui sépare.
Mais toujours pour que nous entrions
dans cette Vie nouvelle et éternelle
qui est communion en Dieu.
Que le Seigneur en soit béni.

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