FMJ Mtl1er DIMANCHE DE L’AVENT – B
Frère Jean-Christophe
Is 63, 16-64,7; Ps 79 (80) ; 1 Co 1, 3-9; Mc 13, 33-37
3 Décembre 2017
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Vivre en éveil

Frères et sœurs, chaque année nous célébrons l’Avent.
Chaque année, nous nous apprêtons
à fêter la naissance du Christ
et par là, nous affirmons que cette naissance
fait route avec notre histoire.
Il en est ainsi des fêtes liturgiques, des temps liturgiques :
ils nous disent la présence,
le présent de la vie du Christ dans la vie des hommes.
Ainsi pour l’Avent, ainsi pour Noël :
c’est à longueur de temps que le Christ
s’annonce à nous pour naître parmi nous, en nous,
et sa venue au jour de notre mort
sera le point final de toutes ses venues au long de notre vie.

L’attitude profonde qui correspond
à cette inlassable venue du Christ, c’est l’attitude du veilleur.

Dans le texte très bref que nous venons d’entendre,
le mot « veiller » s’affirme par quatre fois avec insistance.
Il nous faut donc veiller. Mais pourquoi donc ?
Tout d’abord parce que nous sommes menacés par la nuit,
la nuit du doute, de l’indifférence, de la dureté de cœur,
de la peur, de la tristesse et aussi d’une certaine désespérance
qui s’infiltre partout.

Notre monde s’agite beaucoup et cette agitation de surface
risque d’aller de pair avec un certain engourdissement
du cœur et de l’esprit.
Certes, l’esprit humain est éveillé plus que jamais
dans le domaine des sciences et des techniques
– ce qui peut être un bien pour l’humanité –
mais ce même esprit est plutôt somnolent
dans sa quête profonde de lumière et de vérité.
Par tout un aspect de lui-même,
notre monde est un monde nocturne,
et dans sa nuit, il perd de vue ses raisons de vivre.
Veiller, c’est donc consentir à la nuit qui est là
mais en gardant la lampe de l’espérance allumée.

C’est pourquoi veiller, c’est être dans ce monde nocturne
sans être de ce monde nocturne ;
c’est vivre dans la nuit sans être de la nuit,
enfants de lumière que nous sommes.

Veiller, c’est lutter contre la torpeur,
ne pas se laisser engourdir l’esprit ni le cœur,
parce que quelqu’un approche :
le Christ Se présente à nous dans la prière,
l’écoute de sa Parole
et aussi dans les évènements, les rencontres,
les luttes, les gestes de chaque jour
quand nous les vivons en profondeur.

Il vient naître ainsi inlassablement
dans la crèche de notre vie.
Veiller, c’est donc nous ouvrir au silence
et à la paix car une naissance advient.
« La nuit nous conduit au-dedans
et le dedans nous invite à l’intériorité. (…)
Le cœur profond s’ouvre à la grâce.
Dieu est présent !
Dans le murmure du silence,
on entend la parole ineffable,
l’âme en prière est comme une lampe
qui veille dans la nuit.
Le Seigneur parle.
Il console, apaise, réconforte, éclaire, réjouit.
Alors, dans ce moment pris sur la veille de la nuit,
on sent passer en soi quelque chose
qui prend valeur d’éternité » (f. Pierre-Marie, Homélie 1/12/1996, St-Gervais) .

Veiller, c’est être sûr du jour
alors qu’on est au cœur de la nuit !
Dieu est là et Il agit.
Il nous porte au beau milieu
de ce que nous avons à porter, à supporter :
« au cœur de chaque instant,
il y a un clin d’œil de la grâce
qui est comme une étincelle d’amour divin.
Le Dieu qui est déjà venu et reviendra est toujours là.

Il faut savoir sortir du temps,
en nous tirant de l’accaparement du temps,
pour Le rencontrer dans l’ineffable
de cet au-delà du temps », dit frère Pierre-Marie . (Homélie du 28/11/1999, St-Gervais)

Dieu agit et Il nous fait agir
car ce monde n’est pas une salle d’attente,
c’est un chantier.

Finalement, veiller c’est agir
– agir et non s’agiter ! –
agir de cette activité pleine de foi et d’amour,
de force et de paix
qui est la meilleure façon d’attendre
et d’accueillir Celui qui vient,
de nous porter à sa rencontre.

L’Évangile de ce jour nous appelle d’ailleurs
à assumer pleinement notre tâche sur la terre (Mc 13,35).
Et cela, de façon à ne pas être trouvés endormis,
mais éveillés et actifs dans le travail,
la vigilance et la charité (Mc 13,36),
quand le maître reviendra, le soir ou à minuit,
au chant du coq ou le matin (13,34).

« Quand le corps veille, le cœur s’éveille,
dit encore frère Pierre-Marie.
Il ne bat plus que pour attendre Jésus.
Quand l’âme veille, l’esprit s’élève.
Il ne cherche plus que la lumière du Christ.
C’est comme si l’être tout entier devenait sentinelle.
Il est saisi du grand désir
de ne plus vivre que pour Lui.
Le temps s’arrête. La distance tombe.
La nuit s’éclaire, le silence parle.
À celui qui veille avec amour,
Jésus révèle sa tendresse.
Plus il veille et plus il aime.
Et plus il aime, plus il veille.
Car l’amour ne passera jamais (1 Co 133,8).
Le Christ en lui est déjà là (Ga 2,20)
et lui, dans le Christ, est déjà assis là-haut (Ép. 2,6).

Fut-il seul dans la nuit,
le veilleur reste solidaire de toute la terre
et, au tréfonds de son cœur,
il communie avec tous les saints du Ciel.
Il porte dans la veille
le lourd sommeil du monde.
Et, tout en n’aimant plus que Dieu,
il aime, de l’amour même de Dieu, le monde.
Oui, c’est bien pour aimer et se laisser aimer
que Jésus, par-dessus tout,
nous demande de veiller ! »

Frères et sœurs, ce n’est pas seulement hier
que le Christ est venu et demain qu’Il reviendra.
C’est plus encore aujourd’hui qu’Il est là. (Hé 13,8).
Veillons donc !
Car encore un peu de temps, bien peu de temps,
celui qui vient arrivera,
et Il ne tardera pas (Hé 10,37).

(Inspiré d’une homélie de f. Jean-Gabriel Ranguet, o.p., 29/11/1987, Rangueil, Toulouse)

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