FMJ MtlLES SAINTS INNOCENTS – MARTYRS À BETHLÉEM – C
Frère Thomas
1 Jn 1,5 – 2,2 ; Ps 123 ; Mt 2, 13-18
28 décembre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Et les ténèbres ne L’ont pas reconnu

Le 26 décembre, le lendemain de Noël,
la liturgie se mettait au rouge, la couleur du martyre,
avec la fête de Saint Étienne.
En ce 28 décembre, 3 jours après Noël,
nous voilà à nouveau en rouge,
avec la fête des Saints Innocents, martyrs sans voix.
C’est vraiment la parole de l’évangéliste Saint Jean
que nous avons entendue le jour de Noël :
Il est venu chez les siens,
et les siens ne l’ont pas accueilli qui s’accomplit ; (Jn 1,11)
elle ne met pas beaucoup de temps à s’accomplir.

« La lumière est venue dans le monde – dira Jésus –
et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière,
car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3,19).
Les ténèbres… c’est le paganisme,
à l’image de l’homme livré à lui-même, en proie au démon
qui veut le rendre semblable à lui :
ce sont les plus grands qui dévorent les plus petits.
Ce n’est pas vivable à la longue, car ce sont les ténèbres,
et l’homme est fait pour la lumière.

La lumière… c’est la foi au Dieu un en trois Personnes
révélé au monde par Jésus Christ, à l’image de Dieu :
où les plus grands se laissent enseigner
et se font les serviteurs des plus petits… pour les faire grandir.
Comment la lumière peut-elle éclairer, pénétrer les ténèbres ?
En se laissant un temps dévorer à son tour par elles,
car elles ne savent pas faire autre chose que dévorer…
mais les ténèbres ne peuvent pas saisir la lumière :
elles ne peuvent à la fin que se laisser transformer en lumière
ou bien s’enfoncer définitivement dans l’abîme.

Pourquoi donc le roi Hérode a-t-il peur de ce roi-Messie
qui vient de naître à Bethléem, aux portes de Jérusalem ?
Ne sait-il pas que le Messie annoncé par les prophètes
sera le libérateur de tous les hommes : des Juifs et des païens ?
Mais son pouvoir est par trop fondé sur les compromissions,
la terreur, l’injustice… pour qu’il soit en mesure
de tolérer un seul germe de justice et de paix dans son royaume.
Alors il prend des moyens démesurés :
il fait tuer tous les petits enfants de Bethléem…
sans même réussir à tuer Celui qu’il visait.

C’est bien là la logique du monde en proie aux ténèbres…
hier comme aujourd’hui.
On a peur de manquer…
alors on exploite la planète à outrance ses ressources naturelles…
et on dépouille pour cela les plus faibles des humains.
On est obsédé par l’épanouissement personnel…
alors on se débarrasse des enfants avant qu’ils naissent,
ou des personnes âgées avant qu’elles meurent
la philosophie dite des lumières
– qui gouverne la pensée de l’intelligentsia
aujourd’hui au pouvoir –
prétend bâtir un monde de justice sans Dieu.
Mais elle reste incapable de résoudre les conflits d’intérêts,
et laisse finalement les plus faibles en proie aux plus forts.
Ces lumières restent artificielles au milieu des ténèbres ;
les ténèbres rendent l’homme inhumain :
elles ne sont pas faites pour l’homme.

Seul Dieu est humain.
Seul Dieu peut enseigner à l’homme l’humanité,
puisqu’Il l’a créé à son image et à sa ressemblance.
Dieu est Lumière – nous dit aujourd’hui Saint Jean –
Il n’y a pas de ténèbres en Lui.
La lumière en Dieu, c’est celle de l’amour qui donne et qui reçoit ;
qui est attentif à celui qui manque.
La lumière en Dieu a conduit le Fils
à se plonger dans notre humanité blessée :
non pas en voulant l’aider de haut,
mais en Se faisant petit et fragile comme elle.
Car donner de haut…. c’est encore dominer,
c’est encore dévorer la dignité du petit
pour nourrir sa propre magnanimité.
Mais consentir à recevoir,
c’est faire grandir en dignité celui qui me donne.

Quand la lumière de Dieu vient ainsi au cœur des ténèbres
qui ne savent que prendre et dévorer…
elle se fera tôt ou tard dévorer.
Lorsque Jésus est né, un recensement survient,
pas de place pour Lui à l’hôtellerie
(quelqu’un ne pouvait-il donc pas laisser sa place
à une femme en train d’accoucher ?),
le roi Hérode veut le faire périr,
ses parents doivent émigrer en Égypte.
Jésus fait son entrée dans le monde
comme un itinérant et un émigré fugitif.

Voilà le sort que réserve le monde prédateur aux petits.
Parmi les persécutions religieuses,
ce sont les chrétiens qui l’emportent :
durant l’Histoire, et aujourd’hui encore – et de loin –
(au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie et ailleurs)
le XXe siècle a par exemple produit plus de martyrs chrétiens
que tous les siècles précédents réunis.
Pourquoi cela ?
Parce que les chrétiens sont à l’image de leur Maître :
lumière au milieu des ténèbres.
Et les ténèbres ont la lumière en haine.
Ils sont des proies faciles, et en plus, ils ne se vengent pas.
Mais paradoxalement, ce sont les chrétiens
qui sortent vainqueurs de tout cela.
Si les ténèbres dévorent la lumière,
la lumière ne peut être arrêtée par elles.
Une lampe allumée dans une pièce sombre éclaire la pièce
et en chasse instantanément les ténèbres.

Ceux qui sont dans la pièce ont deux possibilités :
ou bien ils accueillent la lumière qui soudain vient à eux,
ou bien ils nient la lumière.
Dans le deuxième cas ce sont eux-mêmes
qui se condamnent à continuer à vivre dans les ténèbres
alors qu’ils sont en pleine lumière.
Et Dieu prend soin de ses enfants qui sont dans la lumière,
comme il a pris soin de son Fils Jésus Christ,
en Le soustrayant à la fureur meurtrière d’Hérode…
et plus tard en le ressuscitant d’entre les morts.

Si nous marchons dans la lumière,
comme Il est Lui-même dans la lumière,
nous sommes en communion les uns avec les autres,
et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché. (1Jn 1,7)

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