FMJ MtlDédicace des basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul, Apôtres – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 28, 11 – 16.30-31 ; Ps 97 ; Mt 14, 22-33
18 novembre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le pourquoi de la Dédicace

Pour méditer sur le sens de cette fête de la Dédicace
des basiliques de Saint Pierre et de Saint Paul,
partons d’une question historique :
Pourquoi nos frères juifs
n’ont-ils plus de rites de sacrifices ?

Les sacrifices d’animaux ont une grande place
dans la tradition biblique ;
ils constituent dans le Premier Testament,
un moyen essentiel
pour communier à la vie de Dieu.
Pourquoi les juifs depuis vingt siècles
ont-ils délaissé ces rites ?

Pour une raison tout particulièrement :
parce que le Temple de Jérusalem a été détruit,
et que les sacrifices, dans la religion juive,
ne peuvent pas se faire ailleurs que dans le Temple.
Seul un temple construit à Jérusalem
permet ces rites de communion à la vie de Dieu.

Nous percevons ici le déplacement,
et même le bouleversement religieux que Jésus a apporté.
« Ce n’est plus à Jérusalem ni au Garizim
‒ le lieu du temple des samaritains ‒
que vous adorerez » (Jn 4,21).
C’est désormais en esprit et en vérité
que le Père peut et désire être adoré. (cf. v. 23)
L’adoration véritable n’est plus liée à un lieu,
mais à une personne, à Jésus,
dans son Mystère pascal.

La véritable adoration,
c’est de participer à l’adoration de Jésus
qui s’est rendue visible sur le Golgotha
mais qui désormais, dans la résurrection,
transcende et l’espace et le temps.

Prenons l’image d’un feu.
Dans la religion juive,
le feu brûle dans un lieu précis,
à Jérusalem, sur le mont Morryah,
et l’on doit aller prendre le feu là.
Il en va de même pour nos frères d’Islam
vis-à-vis de la Mecque, de Médine et de Jérusalem.

Mais à nous chrétiens,
il a été donné de découvrir
que le feu est disponible en tout lieu de la Terre.
Le feu, c’est le Christ tout offert au Père
dans sa mort en laquelle Il a été glorifié.
Partout à Montréal, à New York, à Paris, à Pékin,
dans les coins perdus du désert,
des steppes ou du Grand Nord,
partout ce feu est disponible
à quiconque y ouvre son cœur.

Notre rapport aux lieux, aux édifices cultuels
est donc bien différent
de celui qu’ont nos frères juifs ou musulmans.

Mais il faut aller plus loin.
Ce feu de l’Amour divin dans le Christ
attire de génération en génération
des hommes et des femmes de toutes races et nations.

Ce feu rassemble les humains
et il suscite donc une assemblée
à laquelle nous donnons le nom d’Église
qui vient du grec ecclesia,
et plus précisément du verbe kaleo
qui signifie « appeler », « convoquer ».
L’Amour de Dieu suscite, appelle,
des communautés en tous lieux de la Terre.

Or, ces communautés d’origine divine,
et faites d’hommes et de femmes
qui sont bien de cette Terre,
ont besoin de signes
qui aident à vivre de cet amour de Dieu ;
parce que notre religion
n’est pas éthérée ou vague ou sentimentale :
elle est très incarnée, pragmatique, concrète.
Le premier signe dont une communauté a besoin
est de l’eau pour le Baptême.
Ensuite vient le pain et le vin
pour la célébration de l’Eucharistie.
Mais aussi l’huile pour signifier
ce qui est marqué par Dieu
de manière irréversible.

Vient ensuite un autre signe qui aide la communauté
à devenir ce rassemblement d’hommes et de femmes
convoqués par l’Amour de Dieu ;
c’est un édifice : une église, image de l’Église (cf. Préface de la Dédicace).

L’église de pierre est certes fonctionnelle
mais elle est aussi et même fondamentalement un signe,
un signe appelé à durer de génération en génération.
L’église de pierre est pour les chrétiens
le signe de ce que nous sommes appelés à être
unis en un seul peuple, en un seul corps.
Elle est un signe de communion pour nous,
et elle est aussi un signe de notre mission :
sa visibilité dans la ville ou le village
nous dit que nous sommes appelés
à être témoins dans le monde.

Elle est aussi un signe pour la ville, pour le monde :
elle dit qu’il y a là une communauté de disciples de Jésus,
présence bénissante de Dieu pour la cité.

L’église de pierre n’est pleinement ce signe
que si elle comprend un autel, une croix, un ambon,
un siège pour un président et des fonts baptismaux,
qui signifient que le vécu de la communauté
est tout entier centré sur le Mystère pascal,
sur l’Eucharistie, sur l’adoration du Père dans le Christ.

À ceci s’ajoute que l’église
dans son architecture et son iconographie,
est appelée à être une catéchèse, comme un livre
où la communauté peut lire et relire
l’enseignement des Apôtres.
Le bâtiment-église est donc beaucoup plus
qu’une salle de rencontre bien décorée.
Il dit quelque chose d’essentiel
de notre vocation chrétienne
qui est ecclésiale et pascale.

C’est pour cela que l’on demande au Seigneur
de consacrer l’édifice-église.
Ce n’est pas nous qui le consacrons :
c’est Dieu qui le consacre
(cf. Propre de la Prière Eucharistique – Commun de la Dédicace)
à travers le rite de la dédicace présidé par l’évêque.

Nous demandons au Seigneur que son Alliance
puisse sans cesse se renouveler avec son peuple,
dans ce lieu dédié à l’adoration de Dieu
et au tissage de la communauté.

C’est ainsi que nous célébrerons le 13 mai
la dédicace de notre Sanctuaire,
et le 13 mai ou le dimanche le plus proche
deviendra pour nous une solennité
où nous bénirons le Seigneur
pour la Communauté eucharistique
qu’Il nous a donné d’être ensemble.

Viendra aussi le jour ou chaque année,
nous célébrerons par une fête
la dédicace de la Cathédrale Marie-Reine du Monde,
quand elle aura été consacrée,
rendant grâce à Dieu pour notre diocèse et son évêque.

C’est pour cela que ce soir,
nous célébrons la dédicace de deux basiliques de Rome
rendant grâce à Dieu de ce que notre communauté,
l’Église catholique, ne soit pas restreinte
à une communauté ethnique ou nationale,
mais ait une respiration universelle,
et soit riche du charisme d’unité dans la diversité des langues,
des cultures, des races et des nations.

Deux basiliques édifiées
aux lieux des martyres de Pierre et de Paul,
colonnes de l’Église,
par qui la foi nous a été transmise.

*

Nous te bénissons Seigneur
pour ton appel qui nous rassemble en une communauté.
Nous te rendons grâce pour l’Église,
chef d’œuvre de ton amour rédempteur.
Nous te bénissons aussi pour les édifices
que nous ont légués les générations de chrétiens
qui nous ont précédés
et qui nous disent combien tu désires
nous tisser de plus en plus profondément en un seul corps
par la puissance de ton Esprit qui donne vie.

© FMJ – Tous droits réservés.