FMJ MtlJeudi 34e Semaine du temps ordinaire – B
Frère Benoît
Dn 6, 12-28 ; Dn 3, 68-74 ; Lc 21, 20-28
26 novembre 2009
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

L’espérance chrétienne

Le texte de l’Évangile d’aujourd’hui, frères et sœurs
peut être divisé en deux parties.
Dans la première on lit la prophétie de Jésus
concernant la destruction du Temple
et de la ville de Jérusalem
perçu alors comme un juste châtiment
des infidélités du peuple d’Israël.
Dispersé, ce peuple perd sa liberté.
Il est emmené en captivité chez les nations païennes.

Et puis, la deuxième partie :
c’est l’annonce du retour glorieux
du Fils de l’Homme à la fin des temps.
Là, il ne s’agit plus tellement
d’un quelconque châtiment divin
ou d’une circonstance de l’histoire tragique d’un peuple
mais au contraire :
Jésus annonce qu’adviendra une libération finale,
une rédemption définitive de toute la Création.
Celle dont parle aussi Saint Paul
dans l’Épître aux Romains :
La Création toute entière
(prise en captivité par les forces du mal)
attend avec impatience (…) d’avoir sa part à la liberté
et à la gloire des enfants de Dieu.
Elle gémit encore dans les douleurs de l’enfantement… (cf Rm 8,21-22)

Chez tous les auteurs du Nouveau Testament,
nous pouvons trouver la mention de ce temps,
dit le temps des païens,
qui est en effet le temps de l’annonce de l’Évangile
à toutes les nations et à toute la Création.

C’est le temps de la patience de Dieu,
où la totalité des païens doit être invitée
à entrer dans l’Alliance avec le Seigneur.
Dieu qui a enfermé tous les hommes,
les païens comme les juifs dans la désobéissance
veut faire à tous miséricorde.
C’est cela que dit Saint Paul.

Et Saint Matthieu au Chap. 24, v 14
note que La Bonne Nouvelle du Royaume
sera proclamée dans le monde entier ;
tous les païens auront là un témoignage…
Et alors viendra la fin.
Et Saint Marc ?
Il faut d’abord que l’Évangile
soit proclamé à toutes les nations. (13,10)
Mais c’est Saint Pierre qui développe le plus
cette prophétie de Jésus.
Dans sa deuxième lettre,
Pierre répond à ceux qui étaient sceptiques
devant la promesse du second avènement du Christ.
Ils disent : « Où en est la promesse de son avènement ?
Car depuis que nos premiers frères sont morts,
tout demeure dans le même état
qu’au début de la création. (3,4) »
Alors Pierre répond :
« Mes bien-aimés, il y a une chose
que vous ne devez pas oublier :
pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans
et mille ans sont comme un jour.
Le Seigneur n’est pas en retard pour tenir sa promesse ;
c’est pour nous qu’il patiente :
car il n’accepte pas d’en laisser quelques-uns se perdre ;
mais il veut que tous aient le temps de se convertir (3, 7-9) ».

Saint Jean pour sa part concentre
dans le Livre de l’Apocalypse
sa vision de l’accomplissement des temps
où toutes les nations et les langues de la Terre
seront conviées à la même louange de Dieu
dans la Cité Nouvelle, la Jérusalem Céleste.
Le Temple de cette Cité, c’est le Seigneur,
le Dieu Tout-Puissant ainsi que l’Agneau (Ap 21,22)
dit Saint Jean.

Et voici qu’avec Saint Jean
nous nous retrouvons à nouveau
comme au début à Jérusalem et dans son Temple.
Au début c’était pour annoncer la ruine des deux.
La ruine qui par un mystérieux dessein de Dieu
avait permit une diffusion spectaculaire de l’Évangile
à travers le monde antique.
La ruine qui en effet seulement reflétait
la véritable tragédie de l’endurcissement des cœurs des hommes,
conduisant à la mort le Fils de Dieu.
C’est son Corps et son Âme
qui ont été réduits à la ruine pour nos péchés.
Au milieu de toute histoire,
le Christ se fait dans la croix et dans la résurrection,
le fondement de la Création Nouvelle.

La dévastation de la Jérusalem terrestre
ne suscite qu’une espérance terrestre
mais le supplice du Fils de Dieu,
son offrande d’Amour pour le Salut du monde
nous conduit à une espérance meilleure.
Nous attendons un Ciel Nouveau et une Terre Nouvelle.
En son Corps, il a rendu possible une espérance infinie,
aspirant à sa réconciliation de tout en Lui.

L’espérance que nous avons est remplie de la mission.
Nous sommes envoyés comme le Fils de Dieu et dans ses pas,
au milieu des souffrances de ce monde
accompagner les autres vers Dieu.
Les chrétiens doivent susciter l’espérance !
Et même là où l’espoir a été brisé par les guerres ou la pauvreté,
ils doivent s’engager en ce monde
pour créer les conditions dignes d’une espérance théologale :
qui vient de Dieu et qui vise Dieu seul.
En ces personnes qui souffrent,
c’est le Christ Lui-même, on peut dire,
qui attend son propre avènement !
Il veut venir en leur vie, à travers nous.
Il veut également venir en nos vies, pas encore conformes,
ouverts entièrement à sa grâce.
Comme le dit Origène :
« C’est donc nous qui, négligeant notre vie,
retardons sa joie !
Ce moment où tout Lui sera soumis
et Lui enfin entièrement au Père. »

Il demeure dans la tristesse,
tant que nous persistons dans l’erreur.
« Le Ciel, dit Origène, ne pourra parvenir au comble de la joie
(cette joie pour le pécheur qui se convertit),
que lorsque les membres du corps mystique du Christ
seront tous rassemblés
et unis au Christ comme ses membres… »

L’espérance chrétienne
est le don d’une régénération gratuite dans la miséricorde.
C’est une manière d’être saisi par Dieu comme Paul le déclare.
« Non que j’aie déjà atteint le but
ou que je sois devenu parfait,
mais je m’élance pour tâcher de le saisir,
parce que j’ai été saisi moi-même par Jésus-Christ. (Ph 3,12) »

C’est pourquoi, en nous avançant à la table de l’Agneau,
prions pour ceux et celles
qui au milieu des épreuves de toutes sortes
espèrent et font espérer la miséricorde de Dieu.

Prions pour qu’en toute la Création
le Christ trouve sa joie d’être le Fils du Père.

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1 H.V. von Balthasar, La Dramatique Divine. IV. Le dénouement pp. 129-156.