FMJ Mtl27e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
TRIDUUM EUCHARISTIQUE
Frère Jean-Christophe
Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4 ; Ps 92 ; 2 Tm 1, 6-8.13-14 ; Lc 17, 5-10
2 octobre 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Adorer avec foi et humilité

Deux grands thèmes traversent cette page d’Évangile :
la foi et le service.
Deux attitudes : croire et servir.
Jésus donne des images assez étonnantes
pour comprendre ces attitudes.
Il nous dit qu’un peu de foi,
gros comme une graine de moutarde,
peut déraciner un arbre et le planter dans la mer.
Et Il nous parle d’un serviteur
qui, harassé après une longue journée de travail,
doit encore servir à table
avant même de se restaurer.

Jésus insiste donc sur la puissance de la foi,
aussi petite soit-elle humainement,
et sur la nécessité de rester sans cesse
dans une attitude de service.
Pourquoi donc cela ?

Jésus veut tout d’abord nous faire découvrir
que la foi peut tout en nous
quand nous acceptons de n’être rien.
La foi agit avec puissance
à partir du moment où nous reconnaissons
notre propre impuissance.

Il ne s’agit pas en effet de compter sur nos seules forces.
De vouloir à tout prix
faire avancer les choses par nous-mêmes ;
de construire seul notre propre vie.
Tout cela n’est pas la foi
et demeure extrêmement fragile.
« Si le Seigneur ne bâtit la maison,
en vain peinent les maçons »
chante le psalmiste (Ps 127,1).

Rien ne tient sur la terre et ne dure vraiment
si ce n’est pas Dieu qui édifie,
si ce n’est pas Dieu qui en est le fondement.
Que serait ce Sanctuaire d’adoration
s’il n’avait pas été bâti et même reconstruit
grâce à la foi des Pères du Saint-Sacrement ?
Que serait cette réalité de l’adoration perpétuelle
sans la foi des milliers d’adorateurs et d’adoratrices
depuis plus de cent ans ?

Oui, c’est vraiment dans la foi
que nous venons ici prier notre Dieu, Le louer,
L’adorer dans le Saint Sacrement.
La foi consiste simplement à reconnaître
et à aimer notre incapacité apparente,
à Le prier et à L’adorer,
à laisser triompher la force de Dieu
dans notre faiblesse (cf. 2 Co 12,9).

La foi est une adhésion, un simple « oui »
proclamé au Seigneur de notre vie.
La foi est comme une porte qui s’ouvre,
un espace vierge qui, tout d’un coup,
apparaît au plus profond de notre cœur,
une brèche en nous par laquelle l’Esprit de Dieu
peut passer.
Un espace vide de nous-mêmes,
de nos idées, de nos intérêts.
Un rien en nous avec lequel
Dieu peut faire presque tout.
Peu importe la taille de la porte.
L’important, c’est cet espace qu’elle libère en s’ouvrant,
l’échange qui naît entre
le « pas grand-chose » que nous sommes
et le « Tout-puissant » qui peut tout.

En adorant le Seigneur dans le Saint Sacrement,
nous expérimentons cette démesure
entre la petite part que nous apportons
et la fécondité que lui donne le Seigneur.
L’attitude profonde d’adoration
est celle de l’abandon de tout notre être
à la volonté toute-puissante et toute-aimante de Dieu.
Les intentions de prière que nous portons,
c’est Lui qui va les exaucer.
Les désirs de réconciliation que nous présentons,
c’est Lui qui va les réaliser.
Les actions de grâces que nous faisons monter,
c’est Lui qui va les transformer en louanges.
Adorer, c’est tout remettre entre ses mains avec foi.
C’est notre vie que nous Lui déposons
et c’est SA Vie que nous recevons.

La foi, c’est cet échange de vie.
Elle est rencontre avec Jésus.
Peu importe que notre foi soit plus ou moins parfaite,
qu’elle s’exprime de telle ou telle manière,
l’essentiel est cet espace de liberté
où mon « oui » épouse le « oui » éternel de Dieu pour moi.
Il nous faut accepter cette part infinitésimale, invisible,
matériellement insaisissable, qu’est notre foi.
Comme pour l’amour, la mesure de notre foi
est de croire sans mesure !

Et Jésus, Lui, va oser la démesure !
Notre foi, dit-Il, peut déraciner un grand arbre !
Elle peut arracher les racines du mal qui sortent en nous ;
faire sauter les verrous de nos prisons intérieures.
Les fleuves de la grâce divine peuvent emporter
tous les obstacles, fussent-ils gros comme des montagnes.
Car Jésus nous l’a dit aussi :
« Tout est possible à celui qui croit » (Mc 9,23).
Avec le don de la foi, Jésus veut aussi nous donner
celui de la joie du service.
« Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » a-t-Il dit.

En adoration devant notre Dieu,
nous consentons à ne plus être au centre de notre vie.
C’est Lui qui devient le centre, le Maître de tout.
C’est en ce sens que nous sommes des serviteurs.
Le Règne de Dieu advient si nous acceptons
de nous décentrer de nous-mêmes.
En attitude d’adoration,
nous œuvrons pour la croissance du Royaume.
Le Seigneur remplit notre tablier
de ses grâces pour les partager autour de nous.
Serviteurs inutiles, nous le sommes
car ce n’est pas ce que nous faisons qui compte,
mais la foi que nous mettons dans ce que nous faisons.

Passer du temps en prière, en adoration,
est inutile aux yeux du monde
qui court après l’efficacité, l’urgence, la rentabilité.
Mais aux yeux de Dieu,
pour qui seule compte la foi
agissant dans la charité (Ga 5,6),
la prière de ceux et celles qui se mettent
humblement à son service est la suprême efficacité.
Tout ce qui est vécu dans l’humilité et par amour
a un prix infini devant Dieu.

Jamais un homme n’est plus grand
que lorsqu’il choisit librement de servir par amour
ses propres frères et son Dieu.
Il n’est jamais aussi heureux
que lorsqu’il parvient à s’oublier pour se donner.
On en arrive à un paradoxe :
si nous refusons le service,
nous tombons dans l’asservissement,
tout comme nous tomberions dans les ténèbres
en refusant la foi.
Nous croyons devenir « maîtres ».
En fait, nous devenons « esclaves ».
Esclaves de nous-mêmes.
Ce qui est la pire de toutes les aliénations.
Et nous perdons la joie parfaite
que nous enseignent Jésus,
Jean-Baptiste et François d’assise.

Suivons donc l’exemple du Christ
qui n’est pas venu pour être servi,
mais pour servir (Mt 20,28).
Au terme de sa vie où Il a labouré partout
le champ de son Père
et fait paître le troupeau en Bon Pasteur,
Il S’est avancé vers la croix pour livrer sa propre vie.
Sur la croix, tout est accompli, car le Serviteur (Jn 19,30)
S’est donné jusqu’à l’oubli de Lui-même.
Jésus Se reconnaît dans le serviteur quelconque de la parabole
qui n’a fait que son devoir.
Lui qui est le plus grand parmi nous,
Il S’est fait notre Serviteur.
Il a aimé jusqu’à l’extrême.
Humblement, Il a cru à la toute-puissance du Père,
et la croix est devenu chemin de résurrection.
Dans l’adoration, nous nous laissons configurer
à Celui qui a accepté de perdre sa vie
pour la garder en Vie éternelle.

Seigneur, donne-nous un cœur d’adorateur
qui Te rende gloire.
Apprends-nous à croire
afin que nous ayons la Vie.
Apprends-nous à servir
afin que nous soyons dans la joie.
Toi, notre joie et notre Vie,
apprends-nous à Te servir dans la foi en pur amour.

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