FMJ Mtl25e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
Am 8, 4-7 ; Ps 112 ; 1 Tm 2, 1-8 ; Lc 16, 1-13
18 septembre 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Servir Dieu et nous ouvrir à l’éternité, ou servir l’argent et buter contre un mur ?

  Voilà une parabole étonnante ! Nous pourrions titrer dans un journal : «Pour assurer sa subsistance durant son chômage, il émet des fausses factures.» C’est vrai que ce mauvais gérant est habile. Puisque son maître le renvoie en raison de son escroquerie, il utilise encore de son escroquerie pour assurer son avenir. Alors le maître, quoique lésé, fait l’éloge de son habileté. Jésus fait ce commentaire : «les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.» Il y  une complicité dans le mal. Mais Jésus ne dit pas cette parabole pour arriver à cette funeste conclusion. Jésus voudrait nous voir utiliser autant d’empressement et d’habileté à faire le bien, à semer pour le Royaume des cieux, que d’autres n’utilisent pour faire le mal.

Un père du désert – dans les premiers siècles du monachisme – admirait l’habileté, la patience et l’abnégation des cambrioleurs. Il disait : «si je pouvais suivre les mêmes renoncements que les voleurs!» Mais là aussi, ne faisons pas de contre-sens. Il ne s’agit pas d’admirer l’objectif des voleurs : dérober par effraction des biens à autrui. Il s’agit de se laisser édifier par certains moyens qu’ils prennent : la patience, le renoncement, l’habileté.

À travers le prophète Amos, Dieu s’élève vivement contre les agissements frauduleux de certains riches au pays d’Israël. Leur but est de «diminuer les mesures» et de «fausser les balances» pour «acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales.» Il apparaît ainsi que la fraude entraîne toujours l’injustice, que ce sont les plus faibles qui en subissent les conséquences. Même plus généralement, nous pouvons constater que lorsque, dans les entreprises humaines, c’est le profit en argent qui est roi; cela va de pair avec l’exploitation des plus faibles, avec les injustices sociales.

C’est là l’enseignement social de l’Église. Et dans l’Encyclique récente du pape François sur l’environnement, un lien est fait entre le non-respect de la création et le non-respect des pauvres. Ainsi, ni Jésus, ni l’Église à sa suite, ne sauraient faire l’éloge de la fraude ni de l’exploitation à outrance sans égards à la personne ni à la nature.

Jésus cependant ne méprise pas l’argent. Nous savons que le groupe des douze apôtres avait une bourse commune – c’était Judas qui la tenait. Lorsqu’on demandait à Pierre si Jésus payait l’impôt au Temple, Jésus a pris la peine de le payer. Mais pour Jésus, l’argent ne saurait être une fin. Il n’est qu’un moyen pour aller vers le Royaume des cieux : «Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.» Faites-vous des amis, non pas en les rendant complices d’escroqueries, mais en étant généreux avec l’argent.

Qu’est-ce que l’argent?

Ce n’est pas un bien en soi. C’est un contrat qui stipule que celui qui en a, a la possibilité d’acheter toutes sortes de biens. C’est un contrat de confiance entre l’acheteur et le fournisseur. Le fournisseur n’acceptera pas, ainsi, n’importe quel papier ni n’importe quelles pièces de monnaie. Tout se gâte si les biens ou services que l‘argent achète sont disproportionnés ou malhonnêtes. Dans le cas de la parabole de l’Évangile, les sommes dues sont baissées sur les reçus des débiteurs, sans que le maître soit au courant.

Pensons à tous les salaires dus et non payés. Pensons aux profits colossaux provenant du trafic de drogues, du trafic d’êtres humains (pour l‘immigration ou la prostitution), ou provenant de la pornographie. Pensons à la corruption, à la fraude fiscale, au travail clandestin. L’argent perd alors son caractère de contrat de confiance, car il est détourné de façon malhonnête et scandaleuse.

Si par contre l’argent est investi dans une bonne œuvre, pour aider des personnes qui sont dans le besoin, ou pour aider à la réalisation d’un bien commun, son caractère de contrat de confiance est réalisé et accompli.

Jésus parle de l’argent malhonnête et du bien véritable. L’argent devient malhonnête s’il est utilisé pour des biens malhonnêtes.

Mais quel est le bien véritable?

Jésus nous parle des demeures éternelles. Il nous parle aussi de ce qui nous revient.

Frères et sœurs, n’ayons pas peur d’avoir de grands désirs. Ce qui nous est promis, ce ne sont pas des biens qui ne nous rassasient que pour un temps et nous laissent ensuite sur notre faim. Ce qui nous est promis, ce n’est pas une vie où nous allons sans cesse de petite satisfaction en petite satisfaction, moyennant chaque fois un paiement en argent correspondant.

Ce qui nous est promis, c’est la vie éternelle, c’est le Royaume des cieux, c’est une source jaillissante en nous en vie éternelle. Mais quel est le prix de ce bien véritable? Il est gratuit. Il nous est offert gracieusement. Au ciel, il n’y a plus besoin d’argent.

C’est nous qui souvent, résistons à le recevoir en raison de notre manque de foi. Alors Jésus a payé le prix de nos endurcissements. Il l’a payé par sa Passion, par sa croix. Il nous a rachetés par son sang. C’est en étant dignes de confiance pour le bien d’autrui sur cette terre que nous nous préparons à recevoir notre bien, le bien véritable et éternel. C’est en étant honnêtes dans les petites choses, que nous nous préparons à recevoir des grandes choses. C’est en étant honnêtes avec l’argent sur cette terre, que nous récolterons des amitiés au ciel.

Ce que nous avons sur cette terre n’est pas à nous, car cela finit toujours par nous glisser entre les doigts; en effet, cela passe. Ce que nous recevons du ciel n’est pas notre propriété exclusive, mais nous en jouissons pour toujours, car cela ne passe pas.

Si nous servons l’argent, nous finissons toujours par buter contre un mur. Si nous servons Dieu, nous allons de commencement en commencement, vers des commencements qui n’auront pas de fin.

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