sanct - smSamedi, 2e Semaine de Carême – B
Mgr Jacques Berthelet, c.s.v.
Mi 7, 14-15.18-20 ; Ps 102 ; Lc 15, 1-3.11-32
7 mars 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

L’enfant prodigue

Cette parabole est sans doute une des plus belles, une des plus émouvantes de l’évangile de Luc. Elle illustre le passage de la dispersion à la communion, de la superficialité à l’intériorité.

Un Père avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir ». C’est pour le moins inhabituel qu’un fils demande à son père de lui donner la part d’héritage qui doit lui revenir. .. Le père accepte. Les mots que Jésus emploie sont importants : Le père leur partagea son avoir. Le fils, lui, partit pour un pays lointain où il dissipa son bien dans une vie de désordre. Le père partage, le fils dissipe. Le fils s’éloigne… il veut devenir propriétaire…alors que nous ne sommes que les gérants des biens que Dieu nous partage. Le père respecte la liberté de son fils. Il ne veut pas être aimé de force, par une loi extérieure. Il accepte même que le fils prenne des distances, parcoure un long chemin avant de revenir à lui librement.

Il part vers un pays lointain… Il n’est pas en mission. Il n’est pas envoyé. Il quitte son père, sa famille, sa communauté, vers un pays lointain. Loin de son père, de sa famille, de sa communauté. Il va vivre à l’extérieur de sa maison, de son pays, à l’extérieur de lui-même; loin de ses sources, de ce qui l’a fait naître, de ce qui le fait être comme fils, comme frère, comme membre de la communauté… Voilà autant de manières de parler de la situation de péché, une brisure de la communion. Et la conséquence : il dissipe son bien dans une vie de désordre. Le péché est un désordre. Il nous met en dehors de nous même, de notre qualité de fils il nous place en dehors de nous même. C’est la situation dans laquelle nous dissipons le bien qui nous est confié, le bien qui est celui du père, le bien de la grâce, de la communion.

Dans un deuxième temps, le fils prend conscience de sa situation. Quand il eut tout dépensé…il commença à se trouver dans l’indigence. Ses premiers motifs ne sont pas des plus purs. Il n’a plus rien. Il passe par l’humiliation de devoir garder les porcs. Il n’a plus d’argent, il a faim. Alors il rentra en lui-même. C’est le premier pas du retour vers la communion, vers l’intériorité. Mais il va plus loin : je vais aller vers mon père. Il se reconnaît comme fils. Il se rétablit déjà une communion. Et je lui dirai : Père j’ai péché contre le ciel et contre toi. Voilà, il se reconnaît pécheur. Il reconnaît qu’il a brisé une relation intérieure profonde, celle de la filiation.

Il se leva – surrexit – c’est une surrection… une sorte de résurrection. Et il alla vers son père. Il est sur le chemin de la conversion, du retour vers le père. Il n’y a pas de communion sans cette reconnaissance de son péché, sans que l’on se lève, sans que l’Esprit nous fasse renaître et nous conduise vers la source, vers la communion.

Remarquez que c’est aussi et surtout le père qui vient vers le fils, la compassion qui vient à la rencontre de la misère.
Son père en effet l’aperçut et fut pris de pitié; le cœur du père s’émeut.
Le fils lui dit père j’ai péché…il n’a pas le temps de finir sa phrase que le père dit à ses serviteurs d’apporter la plus belle robe, de lui mettre l’anneau doigt, des sandales aux pieds : trois signes signe de la filiation, de l’alliance, de l’homme libre.

Le fils retrouve la condition de fils, la communion avec le père, la condition de personne libre, l’autorité morale, la joie de la nouvelle naissance : mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie.

Un mot sur la deuxième scène que nous propose cette parabole, celle du fils aîné. Ce sont les scribes et les pharisiens qui sont visés par cette partie de la parabole. Il lui manque la bonté du cœur. Il obéit aux ordres, à la loi, mais le cœur n’y est pas. Il ne considère pas son cadet comme son frère, mais comme le fils de son père – ton fils que voilà…il caricature le péché de son frère suivant le code moral… la fraternité est brisée… La conversion du fils aîné n’est pas racontée…on peut espérer qu’elle advint … il y a quand même eu des pharisiens qui se sont convertis à Jésus et qui ont cru…
Il est bon de relire cette parabole, de méditer sur chacun des personnages : chacun des deux fils, le père, les serviteurs en nous demandant en quoi nous pouvons nous identifier à chacun d’eux… et alors de prier le Seigneur :

Seigneur, envoie-nous ton Esprit pour que nous nous reconnaissions à travers le fils cadet et le fils aîné de la parabole;
pour que nous reconnaissions aussi notre vocation à la miséricorde dans la figure du père de la parabole;
et pour que nous mettions en pratique le commandement de ton fils : Soyez miséricordieux comme votre père du ciel est miséricordieux.
Nous te le demandons par Jésus le Christ, notre Seigneur. AMEN