sanct - smSamedi, 2e Semaine de Carême – C
Mgr Jacques Berthelet, csv
Mi 7, 14-15.18-20 ; Ps 102 ; Lc 15, 1-3.11-32
27 février 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Entre avec ton frère dans la maison de ton Père

Mes sœurs, mes frères,
la Première lecture, du prophète Michée,
fait l’éloge de la Miséricorde du Seigneur.
Nous y trouvons les mêmes mots hébreux qui,
depuis l’Exode, traversent tout l’Ancien Testament
pour qualifier la miséricorde :
fidélité de Dieu, bonté, tendresse, amour,
lent à la colère, grâce, pardon.
Tous ces mots correspondent aux deux mots hébreux
que nous traduisons par miséricorde.

Et voilà que dans l’Évangile d’aujourd’hui,
Jésus vient illustrer par une parabole cette Miséricorde divine.

Nous connaissons tous assez bien
cette parabole du Père miséricordieux et de ses deux fils.
Cette parabole est servie aux pharisiens et aux scribes
qui récriminaient contre Jésus qui faisait bon accueil aux pécheurs.
Ils lui reprochaient justement d’être l’ami des pécheurs.

Il y a deux parties dans cette parabole,
et tous les personnages qui interviennent
peuvent nous concerner et même s’appliquer à nous.
Je vais passer rapidement sur la première partie
qui est centrée sur l’enfant prodigue.
Nous connaissons l’histoire.
Le fils cadet demande à son père
la part d’héritage qui lui revient.
Il a besoin de sortir de la maison, d’aller au large,
de faire des expériences, de découvrir le monde.
Et le père partagea son avoir entre ses deux fils.
Le droit coutumier familial,
dont il est question dans le livre du Deutéronome,
nous permet de comprendre
que le jeune touchera le tiers de l’avoir du père
et que l’aîné en recevra les deux tiers.
Il n’a donc pas à se plaindre.

Et le fils cadet part à l’aventure.
La parabole dit que le fils cadet
dilapide son bien dans une vie de désordre.
L’aîné ira plus loin en parlant
d’une vie de débauche avec les prostituées.
Nous verrons qu’il exagère. Son péché n’est pas là.
Son péché est dans la distance
qu’il prend par rapport à son père,
dans la rupture qu’il opère
dans la communion qui l’unit à son père.

C’est bien ce que, symboliquement,
dit la parabole en affirmant
que le fils partit pour un pays lointain.
Il ne part pas en mission.
Il n’est pas envoyé.
Il brise la communion.
Il quitte son père, sa famille, sa communauté.
Il sera loin de son père, de sa famille,
de sa communauté, loin de lui-même.
Il vivra à l’extérieur de lui-même.
Il sera loin de ses sources, de ce qui l’a fait naître,
de ce qui le fait être comme fils, comme frère,
comme membre de la communauté.
Il n’a plus rien à manger.
Il n’a plus rien, il n’est plus rien.
Il est comme mort.

Et son père ne cesse de l’attendre.
On peut deviner que son père
n’a cessé de l’attendre depuis le jour où il a quitté la maison.
Nous entrons ici dans la deuxième partie de la parabole.
Son père l’aperçoit au loin.
Il le vit et fut pris aux entrailles. Miséricorde.
Il court vers lui, le prend dans ses bras, l’embrasse.
Déjà il lui restitue sa condition de fils.
Il demande à ses serviteurs
de lui apporter la plus belle robe,
l’anneau, des sandales qui sont tous
des signes de sa condition de fils, d’homme libre.
Et ce n’est pas tout.
Un festin se prépare pour signifier
la joie de cette nouvelle naissance du fils cadet.
Tous les mots, tous les gestes signifient la Miséricorde du Père.

Entre temps, un des serviteurs aura averti le fils aîné,
le fils fidèle, le fils qui est assuré
des deux tiers de l’héritage du père, de ce qui arrive.
Le fils aîné, le fidèle serviteur de son père,
reproche maintenant à son père
de ne pas lui avoir offert un chevreau pour fêter avec ses amis ;
il calomnie son frère :
ton fils que voilà qui a dilapidé ton bien avec des prostituées.
Et il accuse son père
de ne pas lui avoir manifesté aucune reconnaissant.

La miséricorde du père se manifeste aussi envers son fils aîné.
Il est sorti de la maison pour aller le chercher.
Il l’appelle, mon enfant, il est patient.
Tout ce qui est à moi est à toi, lui dira-t-il.
Il lui manifeste bonté, générosité.
Il lui faudra encore beaucoup de patience.
La parabole ne nous donne pas plus de détails.
Ce n’est pas le but de la parabole.
Elle avait pour but de révéler le visage miséricordieux du père ;
et jusqu’au côté maternel de Dieu
qui est pris aux entrailles et pardonne sans conditions.

Cette page d’Évangile ne s’adresse pas
qu’aux pharisiens et aux scribes.
Nous pouvons nous reconnaître
en chacun et même en l’un et l’autre
des personnages qui y figurent.
Et alors rendre grâce à Dieu pour sa Miséricorde
et nous réjouir avec Lui en prenant part nous aussi au banquet.
Et si par hasard nous nous reconnaissons dans le fils aîné,
pourquoi ne pas entrer avec lui dans la maison
et prendre part au banquet
nous réconciliant avec le père et avec son frère.
Peut-être y rencontrerons nous aussi une mère et une sœur… AMEN.