FMJ Mtl4e DIMANCHE DE L’AVENT – A
Frère Thomas
Is 7, 10-16 ; Ps 23 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
22 décembre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

L’Annonce faite à Joseph

Cette Année – qui est l’année A –
c’est l’Annonce faite par l’Ange à Joseph,
et non celle faite à Marie,
qui nous est donnée par la liturgie de l’Église,
en ce Quatrième dimanche de l’Avent.
Nous connaissons davantage l’Annonce faite à Marie,
l’Annonciation.
Elle est effectivement essentielle
pour comprendre le mystère de l’Incarnation fêté à Noël.

Cependant l’Annonce faite à Joseph a aussi son importance,
essentielle à la réalisation du mystère de l’Incarnation.
Je relèverai trois raisons à cela.

Tout d’abord Saint Matthieu nous dit
que Joseph était un homme juste.
La justice de Joseph se fait miséricorde,
elle préserve Marie de la lapidation,
et permet à Jésus de naître,
Lui qui sauve tous les humains de la condamnation
par sa miséricorde.

Ensuite le oui de Joseph doit s’ajouter au oui de Marie,
pour que Dieu puisse S’incarner dans une famille humaine,
et ainsi rejoindre toutes les familles,
et spécialement celles qui vivent le plus de difficultés.

Enfin par Joseph, Dieu fait homme est descendant de David.
Dieu Se fait Juif, au cœur de l’Histoire Sainte du peuple juif,
afin de rendre saintes les histoires de tous les humains du monde.

Joseph, à qui Marie avait été accordée en mariage,
était un homme juste.
Et pour cette raison – nous dit Saint Matthieu –
il ne voulait pas dénoncer Marie publiquement.
Qu’est-ce à dire ?
Voilà que Joseph découvre que celle qu’il aimait
était enceinte avant qu’ils aient habité ensemble.
Il devait beaucoup aimer celle
qui avait trouvé grâce devant Dieu !

Que se passait-il alors dans le cœur de Joseph ?
Un grand déchirement certainement :
entre son amour, son admiration pour Marie,
et sa représentation qu’elle pouvait l’avoir trompé,
ou qu’elle pouvait avoir été abusée.

Joseph était un homme juste.
Cela signifie qu’il avait à cœur d’observer la Loi de Moïse.
De plus Joseph était de la descendance du roi David,
issu de Bethléem en Judée ;
et il était un immigré à Nazareth, dans la Galilée des nations.
Son attachement à la justice qui vient de Dieu
n’en devait être que plus grand.

Mais quelle justice ?
La Loi de Moïse ordonne de lapider les femmes
(et aussi les hommes)
surpris en flagrant délit d’adultère.
En constatant que sa promise
se trouvait enceinte avant leur vie commune,
Joseph pouvait la dénoncer publiquement,
par fidélité à la Loi.
Marie aurait alors été lapidée,
et Jésus n’aurait alors pas été mis au monde.
Joseph aimait trop Marie pour la conduire là.

La justice de Joseph était empreinte de miséricorde.
Il était ainsi héritier d’Abraham,
qui avait intercédé pour Sodome et Gomorrhe ;
héritier de Moïse,
qui avait intercédé pour son peuple
après le péché du veau d’or.
Joseph était aussi le descendant de David,
à qui Dieu avait fait miséricorde
après son adultère avec Bethsabée et le meurtre de son mari.

Il n’y a pas de justice sans miséricorde
– disait le pape Jean-Paul II.
La justice a conduit Joseph à rentrer en lui-même,
et à décider de répudier Marie en secret.
Ainsi pouvait-elle être sauvée de la lapidation
si celui qui l’a rendue enceinte paie le prix
pour qu’elle devienne sa femme – selon la loi de Moïse.
Plus tard Jésus, sauvera une femme adultère de la lapidation
en renvoyant chacun de ses accusateurs à leur conscience.

L’Ange du Seigneur peut alors rassurer Joseph, en songe,
en lui disant que l’enfant en Marie
n’est pas le fruit d’un adultère,
mais qu’il vient de l’Esprit Saint.
Joseph peut alors prendre Marie chez lui,
comme son épouse.
Il peut alors donner à celui qui
aux yeux de son entourage
sera son fils, le nom de Jésus :
car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés,
de l’injustice, qui se présente souvent
sous les traits de la justice,
mais qui est toujours sans miséricorde, sans véritable amour.

Joseph dit oui à l’Incarnation du Fils de Dieu,
après que Marie ait dit oui à l’Annonciation.

Certains trouvent cette façon de Dieu de S’incarner incomplète.
Ils auraient préféré que le Fils de Dieu
naisse d’une union sexuelle entre un homme et une femme.
D’autres soupçonnent l’Église d’avoir inventé
l’histoire de la conception virginale de Jésus
par mépris de la sexualité humaine.

Cependant, par cette venue originale du Fils de Dieu sur la terre,
toutes les familles, toutes les personnes de la Terre,
quelle que soit leur état de vie, peuvent se sentir rejointes.

Les familles unies,
composées d’un père et d’une mère, avec des enfants,
puisque c’est ainsi que Joseph, Marie et Jésus
ont vécu des années durant.

Les mères seules avec leur enfant,
celles qui sont tentées de ne pas garder leur enfant,
puisque Marie – nous l’avons vu –
s’est retrouvée seule, avec le risque d’être lapidée,
après l’Annonciation.

Les hommes trompés par leur femme,
puisque Joseph a d’abord cru – nous l’avons vu –
que Marie l’avait trompé.

Les enfants conçus hors mariage,
car Jésus a été conçu en Marie
avant qu’elle ait habité avec Joseph.

Les enfants conçus par procréation artificielle,
car Jésus n’est pas né d’une union sexuelle
entre un homme et une femme.

Les familles recomposées,
car Joseph a accueilli chez lui Marie
avec un enfant dont il n’était pas le père géniteur.

Les personnes célibataires ou consacrées,
car Joseph et Marie, même en vivant ensemble,
ont dû vivre chacun une grande solitude.

Les personnes vivant en précarités, les migrants,
car Jésus est né dans la précarité d’une étable à Bethléem,
et dès son plus jeune âge,
ses parents ont dû fuir avec Lui en Égypte
à cause de la cruauté du roi Hérode.

Ainsi donc, nous le voyons, grâce au oui de Joseph,
venu s’ajouter à celui de Marie, toute l’humanité,
dans les méandres des diverses situations de vie,
peut se sentir rejointe par l’Incarnation de Jésus.

Ce qui est frappant aussi, c’est que la liturgie de l’Église,
dans la semaine qui précède Noël,
nous présente l’annonce à Joseph (le 18 décembre)
avant l’annonce à Marie (le 20 décembre).
Alors que chronologiquement l’Annonciation à Marie
a précédé l’Annonce à Joseph,
puisque Joseph découvre d’abord que Marie est enceinte.

La liturgie nous fait d’abord lire les textes
de l’Évangile selon Saint Matthieu
qui précèdent la naissance de Jésus
avant ceux de l’Évangile selon Saint Luc.
Matthieu commence par la généalogie de Jésus,
où nous voyons qu’il est, par Joseph, de la descendance de David.
Cela est important, car les prophètes de l’Ancien Testament
ont annoncé que le Messie serait de la descendance de David.
Ainsi Matthieu – qui s’adresse à des chrétiens issus du judaïsme –
veut montrer que Jésus est bien le Messie.
Et l’Annonce à Joseph, suivie du oui de Joseph
à sa paternité adoptive de Jésus,
est comme le oui du peuple d’Israël
à la venue du Messie en lui.

Ainsi nous, qui – pour la plupart d’entre nous –
ne sommes pas Juifs,
nous prenons conscience que Jésus est Juif,
enraciné dans l’Histoire de son peuple,
et dans le choix de son peuple par Dieu.
Si Dieu S’est fait homme,
Il ne S’est fait ni Américain, ni Européen,
ni Africain, ni Asiatique.
Dieu S’est fait Juif.
Il S’est incarné dans l’Histoire Sainte du peuple Juif.
Mais ceci afin d’élargir la bénédiction de Dieu à toute l’humanité.

La Bible que l’Église a fait sienne,
composée de l’Ancien et du Nouveau Testament,
est d’abord l’Histoire Sainte du peuple d’Israël.
Mais elle nous permet de reconnaître
l’Histoire sainte de chacun de nous.
Le passage de Dieu dans le peuple Juif
nous permet de reconnaître le passage de Dieu
dans chacune de nos vies,
dans tous les recoins de notre humanité.
Comme il est alors important que nous connaissions,
que nous conservions dans notre cœur
l’Histoire Sainte du peuple d’Israël, la Bible ;
afin qu’à partir d’elle
nous laissions Dieu faire de chacune de nos histoires
une histoire sainte !

© FMJ – Tous droits réservés.