FMJ Mtl3e DIMANCHE DE L’AVENT – C
Frère Thomas
So 3, 14-18 ; Is 12, Ph 4, 4-7 ; Lc 3, 10-18
16 décembre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La joie qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! (So 3,14)
Soyez toujours dans la joie du Seigneur (Ph 4,4).
La fête de Noël que nous allons fêter, au cœur de l’hiver,
comme chaque année, est une fête de la joie.
Mais de quelle joie s’agit-il ?

Il y a la joie de la rencontre de l’autre,
de la solidarité, de l’amitié, du partage fraternel :
une joie belle, forte, divine…
mais combien fragile sur cette terre !

Il y a ensuite la joie de la présence du Seigneur
parmi nous, en nous : la joie d’une solitude habitée,
qui peut nous faire traverser bien des épreuves.
Mais saurons-nous la garder toujours sur cette terre ?

Il y a enfin la joie de laisser la place au Seigneur,
celle qu’a vécue Jean Baptiste quand il s’est effacé
devant Celui qui est plus grand que lui.

Lors d’une messe que je présidais dans une école
avec les Lectures de ce dimanche,
je demandais aux enfants ce qui leur apportait la joie.
Pour tous, c’étaient les autres qui leur apportaient la joie :
la famille, les amis.

Il est vrai que la Fête de Noël,
même quand elle est dépouillée
de son contenu explicitement chrétien,
garde toujours un caractère de convivialité, de partage.

Combien, cependant, qui vivent dans la solitude,
peuvent se sentir dramatiquement exclus
de cet aspect des festivités !
Il n’est pas bon que l’homme soit seul (Gn 2,18)
– disait Dieu à la Création.
L’être humain a été créé homme et femme,
à l’image de Dieu, pour être un être de relation. (cf. Gn 1,27)
Si Dieu est amour, Dieu est famille, Père Fils et Saint Esprit,
Dieu est relation d’amour.
L’homme, l’être humain,
ne saurait donc trouver de joie plus profonde
qu’en étant un être de relation, de relation d’amour.

Mais, en raison du péché,
nos relations tournent souvent à l’inimitié, au conflit.
Il y a le paradoxe des grandes villes aujourd’hui
qui sont pourtant des lieux
où les humains sont rassemblés comme jamais,
et où il y a tant de solitudes dramatiques comme jamais.

À ceux et celles qui viennent à lui
pour le baptême de conversion (cf. Ac 19,4),
Jean Baptiste adresse une exhortation
à se tourner vers les autres,
dans une véritable relation d’amour :
pour le partage des biens,
pour le renoncement à la cupidité ou à la violence.

C’est là une première étape,
nécessaire pour purifier nos relations
de tout ce qui les dénature.
Mais nous avons soif
de beaucoup plus dans nos relations :
nous avons soif de profondeur, de vérité et d’éternité.

Le prophète Sophonie, lui,
appelle les habitants de Jérusalem
à pousser des cris de joie,
car le Seigneur est au milieu d’eux.

Dimanche prochain, nous entendrons l’Évangile de la Visitation,
lorsque Marie, portant le Fils de Dieu dans son sein,
ira porter sa joie à Élisabeth.
Pour nous chrétiens, Noël,
avant d’être la fête de la convivialité, du partage,
c’est la Fête de Dieu qui vient au cœur de notre humanité.

C’est là pour nous source d’une joie immense, indicible.
Dieu vient vivre dans une famille humaine,
pour faire entrer les humains,
pour nous faire entrer, dans sa famille :
pour faire de nous ses enfants bien-aimés.
Et nous vivons cet échange dimanche après dimanche,
jour après jour, en célébrant l’Eucharistie,
en méditant la Parole de Dieu et en adorant le Saint Sacrement.
Il nous faut savoir accueillir cette joie, la goûter.
C’est une joie qui ne peut se goûter
que dans le silence de chacun de nos cœurs.
C’est la joie de découvrir que chacune de nos solitudes
peut être habitée par Dieu qui vient au milieu de nous.

C’est Marie et Joseph qui nous enseignent
à accueillir cette joie.
C’est Jean Baptiste aussi qui nous l’enseigne,
lui qui est allé dans la solitude du désert de Juda
pour annoncer la venue prochaine du Messie.
Cette joie nous permet de traverser les déserts de solitude,
d’incompréhension, de souffrance de notre vie.
Cette joie purifie nos relations avec nos semblables,
car elle nous les fait découvrir comme frères et sœurs
dans le Christ, enfants du même Père.

Mais il y a encore plus…

« Le Seigneur ton Dieu est en toi
– dit le prophète Sophonie –
c’est Lui, le héros qui apporte le Salut ».
Lorsque le peuple se demandait
si Jean Baptiste était le Messie, il leur répondait :
« Il vient, Celui qui est plus puissant que moi. (…)
Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu » (Lc 3,16).
Et dans l’Évangile de Saint Jean, Jean Baptiste ajoute :
« c’est ma joie et elle est parfaite,
il faut que Lui grandisse et que moi je diminue » (Jn 3,29-30).
C’est la joie de laisser Dieu être Dieu,
de le laisser opérer son œuvre de Salut pour nous.
Cette joie ne nous rend pas passifs, ni insouciants
mais elle nous libère de toute inquiétude excessive :
« Ne soyez inquiets de rien – dit Saint Paul –
mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce
priez et suppliez pour faire connaître à Dieu
vos demandes » (Ph 4,6).

La joie des rencontres, des relations, est bonne…
mais combien fragile.
La joie de savoir le Seigneur au milieu de nous est profonde…
mais encore vulnérable à nos doutes.
La joie de laisser toute sa place à Dieu est parfaite,
car rien ni personne ne peut nous la ravir.
Si nous ne pouvons pas grand-chose pour sauver le monde,
Dieu, Lui, en est capable, Lui qui, en Jésus-Christ,
a traversé l’épaisseur de notre humanité et même notre mort,
ne saurait être arrêté par aucune de nos ténèbres.
Plus encore :
« Il aura en toi sa joie et son allégresse,
Il te renouvellera par son amour;
Il dansera pour toi avec des cris de joie » (So 3,17).

Que le Seigneur nous fasse grandir
dans la joie des rencontres, de l’amitié, de la fraternité.
Qu’Il nous ouvre à la joie de sa Présence
au milieu de nous, au cœur de notre solitude.
Que nous nous ouvrions à la joie
de la puissance de son Esprit Saint à l’œuvre dans le monde.
« Et la Paix de Dieu,
qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer,
gardera votre cœur et votre intelligence
dans le Christ Jésus » (Ph 4,7).

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