FMJ MtlLA SAINTE TRINITÉ – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ex 34, 4-6.8-9 ; Ct Dn 3 ; 2 Co 13, 11-13 ; Jn 3, 16-18
11 juin 2017
Maison de prière, Mont-Saint-Hilaire

Dieu ne S’est pas refermé sur Lui-même

Il y a quelques jours nous célébrions en famille
les 90 ans de maman.
Le soir, nous avons conclu la journée en méditant le Psaume 90.
Chacun redisait un mot ou un verset
de ce Psaume qui l’avait rejoint.
Soudain, deux voix d’enfants se font entendre :
celle d’Augustin, 7 ans et de Victor, 5 ans.
Ils chantaient avec une voix quasi-angélique :
« L’amour de Dieu est si merveilleux,
l’amour de Dieu est si merveilleux,
oh, l’amour de Dieu »…

Ce sont les enfants qui comprennent… et qui chantent.
Ils comprennent avec leur cœur, la hauteur, la profondeur,
la largeur de l’amour de Dieu (Éph 3,18) ;
un amour merveilleux,
un amour que nous ne savons pas bien décrire.
Alors laissons-nous prendre par la main par les textes de ce jour
pour découvrir un petit quelque chose de cet amour merveilleux.

C’est Moïse qui le premier nous rejoint ce matin.
Il nous invite à faire comme lui : à tailler deux tables de pierre.
C’est un geste fort, parce qu’il y a peu de temps,
Moïse a brisé les deux tables écrites de la main de Dieu ;
il les a brisées en mille morceaux tellement il était indigné,
déçu, choqué devant l’infidélité du cœur de son peuple,
grand-prêtre en tête.
Il était scandalisé devant le péché du peuple élu.
Un peuple choisi, choyé, qui avait bénéficié
de tant de signes de la présence et de la bonté de Dieu
et qui s’était mis à danser devant un veau.

Comme nous comprenons Moïse
en pensant à nos propres infidélités et à celles des autres.
Et pourtant, Moïse croit que l’amour de Dieu
ne s’est pas détourné de ce peuple arrogant et infidèle.
Il consent donc à tailler deux nouvelles pierres
et à partir à la rencontre de Dieu.

Nous aussi, ce matin, nous montons vers Dieu
en descendant au profond de nos cœurs
pour que Dieu puisse inscrire en nous sa Loi d’amour,
Son double et unique commandement qui est d’aimer,
et qui résume les 10 commandements
qui ont gardé toute leur pertinence.

Nous l’entendons nous dire : « Miséricorde,
Miséricorde − car tel est le Nom de Dieu −
Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère,
plein d’amour et de vérité
qui reste fidèle à des milliers de générations,
qui supporte la faute, la révolte et le péché,
mais sans rien laisser passer » (Ex 34, 6-7).

L’amour ne supprime pas la justice.
L’amour de Dieu passe par le chemin de la justice
pour déboucher en Dieu.

Non, Dieu ne S’est pas refermé sur Lui-même
dans une colère indignée.
Son Cœur est éternellement ouvert pour embrasser
quiconque revient à Lui avant l’heure de la mort.

De cela, Paul en a l’expérience lui aussi.
Il a connu l’Amour miséricordieux
du Dieu qu’il pensait glorifier en mettant à mort ses enfants,
en mettant à mort ceux qui proclamaient la gratuité de son Amour
manifesté dans la Croix glorieuse de Jésus.
Et aujourd’hui ce même Paul nous dit :
« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ,
l’Amour de Dieu et la communion du Saint Esprit
soient avec vous tous » (2 Co 13,13).

Quelle audace de la part de Paul.
Il a permis à l’Esprit-Saint de déconstruire en lui
l’idée d’un Dieu monolithique.
De fait, il est beaucoup plus rassurant de croire
en un Dieu « bloc », en un Dieu de puissance compact,
un Dieu qui ressemble aux puissants de la terre
assis sur leur trône de marbre ou d’or,
que de croire en un Dieu unique et trois fois saint
qui est Père, Fils et Esprit Saint.
Non pas comme trois modalités d’un même Être Suprême,
mais comme trois Personnes
qui vivent un continuel échange d’Amour
où chacune Se donne amoureusement à l’autre.

Paul a fait le saut, non pas en renonçant à sa foi juive de pharisien,
mais en la menant jusqu’au bout…
« Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ,
l’Amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit
soient avec vous tous » (2 Co 13,14).

Tu veux vivre pleinement ?
Tu as soif de vie, de bonheur de plénitude ?
Tu as soif de permettre aux autres
d’être pleins de vie et de bonheur ?
Tu as soif d’aimer et de te laisser aimer ?
Alors, te dit Paul, il te faut plonger…

Laisse la « charis », la grâce de Jésus, du Fils de Dieu,
pénétrer au plus profond de toi.
Ne te laisse pas absorber par une solitude
malheureuse et dépressive comme si tu étais seul au fond de toi,
seul face à un monde intérieur et extérieur hostile.
Jésus est là, sa grâce est là,
grâce qui est victoire sur toutes les tempêtes du mal ;
grâce qui est liberté intérieure pour aimer,
pour vivre l’amitié des enfants de Dieu,
pour donner ta vie pour que les plus petits, les plus pauvres
trouvent le chemin du bonheur et du Ciel.

Laisse l’« agapè » du Père t’envelopper.
Vivre en orphelin de Dieu, ce n’est pas vivre en vérité…
Tu es aimé du Père qui est allé jusqu’à te donner son Fils unique
pour que tu t’accroches à Lui par la foi
et que tu sois sauvé du péché
qui t’avait définitivement coupé du Père.
Aujourd’hui, tu peux te désarmer, céder à l’Amour du Père.
Un Amour qui n’a rien à voir avec des mérites.
Un amour qui te met debout et t’engage spontanément
à y répondre par une vie convertie et joyeuse.

Laisse la « koinonia », la communion, de l’Esprit Saint
te déborder, te déranger, t’ouvrir.
L’Amour du Père et du Fils veut te traverser,
Il veut embarquer ta vie sur des chemins de communion
que tu n’as jamais encore parcourus.
Il est en personne l’Amour chaste
qui transforme la vie en mission,
qui fait de la vie un grand acte d’amour, une grande perte de soi
qui nous fait devenir qui nous sommes en vérité.

*

Tous nous avons été baptisés
non pas au nom du Père et au nom du Fils
et au nom du Saint Esprit,
mais « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »,
et il faut en vivre.

Je pense à Saint Augustin qui, se voyant incapable
de mettre le mystère de Dieu dans un contenant
comme on met de l’eau dans un verre,
comprit qu’il fallait non pas remplir le verre d’eau,
mais se jeter dans l’eau, plonger, perdre pied.

Pour découvrir un peu le mystère de la Trinité,
il faut y perdre pied.
On ne peut aimer et dominer.
Il faut perdre pied pour aimer.
Et plus nous aimons, plus nous trouvons la force
de perdre pied, de perdre le contrôle,
car c’est en aimant qu’on entre dans la Trinité.

L’icône de la Trinité nous invite à une table.
La table est ouverte et t’attend pour communier dans l’amour.
Mais sur la table, il y a le visage de l’Agneau immolé.
Nous ne pouvons entrer dans cette danse trinitaire
sans perdre notre vie par amour
comme l’Agneau l’a fait, et avec l’Agneau.
C’est pour cela que nous célébrons l’Eucharistie :
pour communier à la Pâques de Jésus,
pour perdre notre vie afin d’entrer en Dieu.

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