FMJ MtlCÉLÉBRATION DE LA PASSION ET DE LA CROIX
Frère Antoine-Emmanuel
Is 52, 13-53, 12 ; Ps 30 ; He 4, 14-5, 9 ; Jn 18,1 – 19,37
14 Avril 2017
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La source de la miséricorde jaillit aujourd’hui.

Je voudrais commencer par vous lire le message
que nous adresse aujourd’hui Bassam.
Bassam est un syrien de Montréal, orthodoxe,
qui a découvert ici la vie monastique et qui a choisi,
il y a quelques mois, de partir en Syrie,
dans sa terre d’origine, pour y vivre une vie de prière, une vie monastique :


De la Syrie, de cette terre qui réclame la vie des Chrétiens à tous les jours ;
de Saidnaya, le village qui a été visité par les apôtres Pierre, Paul et Thomas,
j’envoie mes salutations à mes frères et sœurs des Fraternités de Jérusalem
et à tous les fidèles catholiques du Sanctuaire.
Je vous dit : s’il vous plait, priez pour nous les chrétiens de la Syrie,
portez avec nous la Croix du Christ.
Cette année (catholiques et orthodoxes) ensemble nous marchons sur le Chemin de Croix, ensemble nous vivons la semaine de la passion,
ensemble nous allons célébrer la résurrection du Christ,
et ensemble nous sommes la famille du Christ.
Les moines du monastère saint Éphrem le syriaque et moi,
nous vous souhaitons un bon vendredi saint – Amen –

Bassam

« Portez avec nous la croix du Christ »
C’est un chrétien de Syrie, terre martyre, qui nous invite
à nous tourner vers la Croix.
Mais, si la violence règne en Syrie, et elle règne…
Pourquoi alors aller vers cette autre violence qu’est la Croix?
Si la guerre, la troisième guerre mondiale, est devenue notre quotidien,
Pourquoi aller au calvaire?
La violence dont nous sommes les témoins ne nous suffit-elle pas?
N’y a-t-il pas déjà assez de violence,
d’inquiétudes, d’angoisses dans nos cœurs
Pour que nous nous précipitions
vers la violence innomable de la Passion de Jésus?
N’ont-ils pas raison ceux qui disent que le crucifix
est un symbole chargé de violence
Et qu’il faut nous en débarrasser?
Oui… le crucifix est un symbole chargé de violence :
chargé de toutes nos violences.
C’est ce que nous avons entendu dans la première lecture :
« Le Seigneur a fait retomber sur lui la perversité de nous tous. » (Is 53, 6)
À Gethsémani, puis sur la Croix,
Jésus a pris sur lui le poids infini du péché du monde.
« Il a été déshonoré à cause de nos révoltes,
broyé à cause de nos perversités. » (Is 53, 5)
Devant le mal qui ronge nos cœurs,
devant le mal qui détruit l’humanité et même la création,
il n’y a pas d’autres issue, que celle-ci.
Il fallait que Dieu descende dans nos plus obscures ténèbres.
Il fallait qu’il les fasse siennes.
Il fallait qu’il devienne péché pour nous.
Afin que nous échappions aux griffes de Satan.
Afin que soyons dégagés de l’étau de violence
qui enserre nos âmes.
C’est parce que nous sommes pauvres que nous recourons à la Croix.
C’est parce que nous n’en pouvons plus que nous accourons au calvaire.
Parce que nous sommes tentés.
Parce que nous tombons.
Parce que notre culture nous embarque dans une logique de mort,
parce qu’elle préfère l’Enfer à la Vie.

Il n’y a que Jésus défiguré sur la Croix
qui puisse nous rendre notre dignité.
Il n’y a que lui qui ouvre le chemin de la vie éternelle,
qui mène à son accomplissement,
le projet d’amour infini du Père :
Que nous vivions éternellement dans l’amitié divine :
À Jésus crucifié nous pouvons tout remettre de nos poids,
de nos fardeaux, de nos angoisses.
Tout ce qui nous fait honte,
tout ce qui nous épuise… nous le lui remettons.
Et « dans ses plaies » nous trouvons « la guérison ». (Is 53, 5)
Tout dans la Passion de Jésus est source de salut. Tout…

Je prends un simple exemple.
Quand arrivé au calvaire, Jésus est dénudé, profondément humilié,
exposé nu, avant, nous dit une tradition iconographique,
d’être revêtu d’un châle que portait Marie;
quand il est mis à nu, lui,
la pureté même, exposé aux regards de la foule,
il prend sur lui tous nos péchés d’impureté,
il expire tous nos manques de pudeur et de chasteté,
tous les détournements de la vie sexuelle de notre temps, de nos vies.
Chaque moment de la Passion est un geste d’amour rédempteur.
Chaque violence subie par Jésus est un acte de miséricorde infini.
C’est aussi vrai de son ultime épreuve,
la plus terrible, la plus déchirante :
le sentiment envahissant et écrasant
d’être totalement abandonné par le Père.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
C’est pour nous, c’est pour toi, pour moi
que Jésus a plongé dans cet abîme de souffrance
pour nous guérir de toutes nos formes d’athéisme.
Jésus a voulu offrir le salut
y compris à notre culture modelée par la franc-maçonnerie,
puis dans une arrogance incroyable fait asseoir l’homme à la place de Dieu.
Une arrogance démesurée qui est la cause première de la guerre .
Cela, Jésus a voulu le guérir,
en prendre sur lui le venin déicide et mortifère …
Mais la question est ici celle de l’accueil
de ce torrent de grâce infini…

Nous sommes quelques centaines aujourd’hui ici.
Mais où sont les autres?
Où sont ceux qui comme nous et peut-être plus que nous,
ont besoin de cette miséricorde infinie qui jaillit de la Croix?
Vont-ils accueillir la rédemption?
Et nous-mêmes laisserons-nous tout ce don d’amour nous envahir,
nous pacifier, nous guérir, nous sauver?
Combien d’âmes se perdent
alors que le salut est donné dans l’infinie tendresse de Dieu…
C’est cela plus que tout qui a torturé l’âme de Jésus.
Et c’est à cause de ce drame que Jésus nous a confié à Marie.
Pour que l’humanité soit sauvée,
il fallait un nouvel Adam et c’est le Christ.
Et il fallait une nouvelle Ève, et c’est Marie.
Marie Co-rédemptrice aux côtés
de celui qui est son rédempteur et notre rédempteur…
Afin que la grâce du salut ne coule pas en vain
sur les cœurs imperméabilisés par l’arrogance du démon.
Tout est accompli par Jésus, unique rédempteur.
Mais tout nous vient par Marie et par l’Église.
par Marie et par tous ceux et celles qui s’offrent,
qui offrent leur vie et leur souffrance à ce mystère de Co-rédemption.
Parce que Dieu est trinité,
parce que Dieu est amour,
il ne pouvait nous sauver sans nous embarquer dans cette aventure :
Nous sommes, avec Marie, le peuple de la Co-rédemption.
C’est cela l’Église.
Le prophète Isaïe nous a dit tout à l’heure quelque chose d’incroyable
« Si tu fais de la vie un sacrifice d’expiation, lui il verra une descendance. »
Si toi, tu offres au Père le sacrifice de Jésus,
si tu en es le prêtre, alors des âmes seront sauvées…
Nous avons un pouvoir énorme.
Le pouvoir de nous unir à la Passion de Jésus pour sauver des âmes.
Que fais-tu de ce pouvoir ?
Que fais-tu de cette mission ?

Il y a des âmes ici-bas et au purgatoire qui attendent ta prière…
La source de la miséricorde jaillit aujourd’hui.
Du cœur du Christ jaillit une source de vie :
l’eau et le sang;
comme des diamants d’amour et de tendresse…
et c’est à nous de les recueillir
pour les appliquer aux âmes défaillantes ou éteintes…
La grande misère de notre temps, disait frère Pierre-Marie,
ce sont les « âmes mortes »…
Mais de la Croix jaillit la source de la Vie.
Nous entrons aujourd’hui dans la neuvaine de la divine miséricorde :
neuf jours qui englobent le vendredi saint, le samedi saint et l’Octave de Pâques…
Neuf jours pour répandre les eaux vives et le sang de la miséricorde
sur les âmes asséchées…

*

Oui la Croix est le grand buisson ardent de la miséricorde divine…
Elle est le lieu saint d’où jaillit pour nous le feu de l’amour,
le feu de l’esprit.
« Jésus est mort pour donner l’Esprit » écrivait Blaise Pascal.
Et du visage défiguré du crucifié,
de sa bouche martyrisée,
vient sur nous le souffle de l’esprit saint.
« Inclinant la tête, il remit l’Esprit. » (Jn 19, 30)
C’est comme une immense colombe
qui plane sur nous.
Une nouvelle effusion de l’Esprit
qui nous fera tenir debout au temps de la persécution.
Qui fera de nous tous ensembles des témoins du plus grand amour.

« Voici le jour du salut.
Voici le jour de ma gloire.
C’est pour cette heure que je suis venu,
Prosterne-toi en ma présence,
devant l’amour humilié qui vous sauve sur l’Autel de la Croix. »

© FMJ – Tous droits réservés