FMJ MtlMercredi, 1ère Semaine de l’Avent – A
Bx Charles de Jésus, ermite et missionnaire au Sahara
Frère Antoine-Emmanuel
Gal 3, 26-29 ; Ps 39 ; Jn 15, 9-17
1 décembre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Fr Charles, que nous dirais-tu ?

Permettez-moi de rêver un peu…
Mon rêve, ou plutôt le fruit de mon imagination,
c’est une visite de Charles de Foucauld !

Je le vois bien venir parmi nous
avec sa bure blanche toute usée
mais ornée du cœur de Jésus et de la croix ;
il s’assoit au milieu de nous très simplement,
si possible par terre,
et nous l’écoutons.
Ou plutôt nous le regardons,
nous regardons son visage travaillé, creusé,
par l’ascèse et le soleil,
par la fatigue et par l’âge.
Et son regard !
Ce regard empreint d’une très grande douceur
et qui regarde plus loin que nous,
beaucoup plus loin,
avec une lumière et une simplicité étonnantes.

Et que nous dirait-il,
à nous qui nous réclamons de son héritage spirituel ?
« Père, dis nous une parole ! »

*

Je crois qu’il commencerait par nous parler de Jésus.
Avant de nous donner le moindre conseil,
il nous parlerait longuement de Jésus ;
comme Jésus parlait du Père.

Il ne nous parlerait pas de Jésus comme en parle un érudit,
il nous en parle comme d’un ami, d’un frère,
d’un compagnon de chaque moment.
« Il est l’Époux toujours présent, toujours aimant,
aimant tellement plus que ne peuvent nos cœurs,
et tout puissant ».
Époux et tout puissant ;
bien aimé frère et Seigneur…

Ce qu’il dit de Jésus et la manière dont il en parle
révèlent que Jésus est tout pour lui.
On dirait qu’il respire Jésus.

Et il s’émeut facilement :
« Demandez pour moi (un) amour ardent, généreux, passionné,
qui fait aimer Jésus par dessus tout.
Je ne demande pas de sentir cet amour,
ni de sentir que Jésus m’aime,
pourvu que moi je l’aime de toute mon âme,
passionnément et toujours. »

En écoutant frère Charles,
nous commencerions à nous demander
si l’amitié que nous cherchons
depuis des années ou des dizaines d’années,
n’est pas justement cette amitié là, avec Jésus.

Peut-être frère Charles nous interpellerait-il,
en voyant comment nous vivons,
nous trouvant bien dispersés, bien éparpillés,
et il nous inviterait à nous recentrer sur Jésus,
à remettre Jésus au centre de notre amour, de notre désir.
Et cela tout particulièrement par l’adoration eucharistique,
sans y mesurer notre temps.

Et là, il nous partagerait sa prière :
« Que votre volonté se fasse en moi, Cœur de Jésus ».

Et il conclurait :
« Je vois si bien que Jésus veut de nous que nous l’aimions,
que nous imitions sa vie,
que nous le laissions vivre en nous,
continuer en nous Sa vie ».

*

En conséquence, le deuxième trait de son enseignement
serait de nous appeler
à prendre plus de temps aux pieds de Jésus
pour nous perdre, nous abîmer, nous noyer,
dans la contemplation de Jésus, l’adoration, l’amour.
Il nous confierait ce qu’il écrivit sur son cahier à Nazareth :
« Jésus, faites-moi vous regarder sans fin,
les yeux dans les yeux,
la main dans votre main,
la tête sur vos genoux… ».
Il nous rappellerait à nous, moines et moniales,
que notre vie est essentiellement donnée à la contemplation.
En l’écoutant, nous nous interrogerions
sur notre fidélité à l’oraison, à l’adoration et à la lectio divina.

Mais inséparablement, frère Charles nous dirait :
« Reste toujours disponibles aux appels de la charité. »
Il nous dissuaderait de nous cramponner à des règles
si cela nous détourne du primat de la charité.
Contemplatifs d’abord,
mais toujours disponibles quand la charité l’exige.

Nous nous rappellerions alors du témoignage d’un chef touareg
après l’assassinat de frère Charles :
« Le Marabout ne nous faisait jamais attendre ».

Il était donné, franchement donné à la prière,
mais la porte était toujours ouverte.

*

En troisième lieu,
il nous raconterait combien il était passionné pour les âmes
et sans doute nous trouverait-il bien tièdes.
Il nous redirait ces mots inscrits sur son cahier en juin 1902 :
« Imiter Jésus en faisant du salut des hommes
tellement l’œuvre de notre vie,
que ce mot ‘Jésus-Sauveur’ exprime parfaitement
ce que nous sommes.
(…) Pour cela être tout à tous
avec un unique désir au cœur :
celui de donner aux âmes Jésus ».
Il serait d’ailleurs bien à l’aise avec notre présence
dans un milieu qui ignore tant Jésus.
C’est là qu’il se sentait appelé lui aussi…

Il nous renouvellerait dans notre appel missionnaire
essentiellement par la présence en milieu incroyant,
par une prière rédemptrice, une adoration rédemptrice,
par notre offrande pour le salut de tous.
C’est là qu’il verrait l’essentiel de notre mission pour ce monde.

*

Enfin je crois qu’il nous interpellerait sur la pauvreté.
Il nous raconterait la simplicité de sa cabane à Nazareth
ou de la frégate à Tamanrasset.
Il nous donnerait le goût de nous déposséder
de bien des choses dites utiles mais qui nous pèsent.
« Le précepte général qui s’applique
à tous ceux qui veulent suivre Jésus, dans tous les temps,
c’est le précepte d’une grande pauvreté,
précepte dont notre Seigneur a toujours donné l’exemple,
vivant toujours et partout très pauvrement
de son travail, comme un pauvre ouvrier, dans sa vie cachée,
des aumônes des fidèles, dans la vie publique (…),
n’ayant que le nécessaire pour vivre. »

*

Et comment conclurait-il ?
En nous rappelant encore la charité :
« Pour arriver à l’amour de Dieu,
pratiquez l’amour des hommes.
En tout humain, voyez un enfant de Dieu,
un frère de Jésus pour lequel il est mort,
une âme à sauver…
Rien ne conduit mieux à l’amour de Dieu
que la charité envers ses enfants en vue de Lui. »

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