FMJ MtlNATIVITÉ DU SEIGNEUR – C (Jour)
Frère Thomas
Is 52, 7-10 ; Ps 97 ; Hé 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18
25 décembre 2015
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Le Verbe créateur est sous nos yeux

S’il y a l’événement que nous célébrons à Noël
(la naissance de Jésus à Bethléem,
le chant des anges dans le ciel et l’adoration des bergers),
il y a aussi toute la portée théologique
et philosophique de cet événement.
En nous faisant entendre le prologue
de l’Évangile selon Saint Jean,
où il est question du Verbe par qui le monde a été fait,
la liturgie de ce jour de Noël
ouvre notre horizon à une dimension universelle.

Qu’est-ce donc que le Verbe dont parle l’évangéliste saint Jean ?
La traduction de la liturgie ajoute
« La Parole de Dieu » après « le Verbe ».
Mais dans le texte grec d’origine,
il n’est fait mention que du mot « Logos »
que l’on traduit en français par « Verbe ».
Le « Logos » était pour les philosophes grecs anciens
le principe créateur de l’univers.
Ces philosophes étaient à la recherche
de ce principe créateur par leur raison.
Ils se posaient les questions essentielles
par rapport à l’humanité :
« Qui sommes-nous ? »
« D’où venons-nous ? »
« Où allons-nous ? »

Saint Jean identifie d’emblée le Logos avec le Fils,
la deuxième Personne de la Trinité,
qui a pris chair de la Vierge Marie en Jésus,
en un lieu précis de notre Terre
et en un temps précis de notre Histoire.
Et saint Jean a cette affirmation inouïe,
inconcevable pour les philosophes grecs :
« Le Verbe S’est fait chair et Il a habité parmi nous » (Jn 1,14).
C’est une affirmation de foi que saint Jean fait là.
Il explicite cela dans sa première épître :
« Ce qui était dès le commencement,
ce que nous avons entendu,
ce que nous avons vu de nos yeux,
ce que nous avons contemplé,
ce que nos mains ont touché du Verbe de Dieu (…)
nous vous l’annonçons » (1 Jn 1,1).

Lorsque Jean écrit cela, il parle de son expérience de Jésus
quand il L’a connu durant ses années de vie publique.
D’ailleurs l’Évangile selon saint Jean
ne parle pas de l’enfance de Jésus.
C’est la liturgie de ce jour de Noël qui nous invite à faire,
nous, hommes et femmes de notre temps,
le lien entre l’événement de la naissance de Jésus
et le Logos, le Verbe.
Nous sommes ainsi invités par la liturgie
à faire un saut dans la foi,
tout comme l’a fait saint Jean en son temps.

Un discrédit pèse de nos jours sur la foi,
surtout aux 18e, 19e et au 20e siècle,
depuis qu’elle a été séparée de la raison
par bien des penseurs influents.
On soupçonne la foi d’être subjectiviste.
On lui reproche d’être source de désaccords entre les personnes,
étant invérifiable de façon objective.
Certains disent que la foi est une béquille
ou un soutien psychologique dans le malheur.
Dans cette perspective, l’événement de la naissance de Jésus
se trouve relativisé, relégué au folklore des récits
plus ou moins merveilleux des diverses cultures de notre monde :
il perd son caractère unique et transcendant.

Mais nous pouvons constater aussi
que lorsque la foi est ainsi mise de côté,
la recherche du sens de la vie
est également en grande souffrance.
Une perte générale des repères survient alors,
car les humains ne savent plus ni qui ils sont,
ni d’où ils viennent, ni où ils vont.

Si le Verbe S’est fait chair
et qu’Il a demeuré parmi nous, (cf. Jn 1,1 4),
regardons ce qu’est ce Verbe, ce Logos.
Il est auprès de Dieu, Il est Dieu (cf. Jn 1,1) !
Par Lui, tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait
ne s’est fait sans Lui.
En Lui était la Vie,
et la Vie était la Lumière des hommes (Jn 1, 3-4).

Ainsi, nous pouvons reconnaître dans le Verbe, le Logos,
ce vers quoi tendent – parfois sans le savoir –
les sciences de la physique et de la matière,
les sciences de la nature et de la vie et les sciences humaines.
La lettre aux Hébreux nous parle du Fils,
reflet resplendissant de la gloire du Père (…)
qui porte toutes choses par sa parole puissante (Hé 1, 3).
Le psaume 97 annonce le Seigneur
qui a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations (v. 2).
Et le prophète Isaïe :
Le Seigneur a montré la force divine de son bras
aux yeux de toutes les nations.
Et, d’un bout de la terre à l’autre,
elles verront le salut de notre Dieu (Is 52,10).
Le caractère cosmique et universel
des textes bibliques de ce jour est frappant !
Et quand nous savons que depuis près de 2000 ans
ce Salut était annoncé au sein du peuple d’Israël,
la dimension de la durée dans le temps vient s’y ajouter.

Ainsi, le message de Noël proclame,
à qui veut bien l’entendre,
en tout lieux et en tout temps :
ce que tu cherches au plus profond de ton cœur,
par de-là toutes tes recherches partielles
de satisfaction, de bonheur, de paix et d’harmonie,
voilà que cela t’est donné dans cet Enfant né à Bethléem,
en l’an 27 de l’empereur romain Auguste.

Quelle prétention ! Quelle folie !
Quel blasphème même
objectent bien des humains sur la Terre.
Comment ce qu’il y a de plus universel
peut-il se trouver dans ce qu’il y a de particulier ?

Et pourtant … cela est déjà étonnant que partout sur la Terre,
et en tout temps, les humains aient cherché cet universel,
ces traces de Dieu en leur vie,
ce Logos de Dieu, ce Verbe de Dieu.
Ils le cherchent dans leurs diverses religions,
ils le cherchent dans leurs valeurs
(spécialement dans la paix et l’amour).
Ils le cherchent dans leur essai
de comprendre les lois de ce monde.
Et curieusement, ils arrivent à comprendre
les lois de ce monde par leur intelligence.
Tel Newton par exemple qui arriva à comprendre
que la même loi qui a fait tomber une pomme sur sa tête,
fait tourner les planètes autour du soleil.
C’est donc que l’homme parle
le même langage que le Verbe créateur.
En effet, l’homme a été créé à l’image de Dieu.
Ainsi, il n’est que logique que le Verbe se fasse humain.

Ainsi nous avons le Principe de l’univers sous nos yeux,
à la portée du plus simple d’entre nous.
Cela n’enlève rien à la pertinence
des recherches scientifiques, éthiques ou théologiques.
Mais cela nous encourage à continuer
quand nous nous décourageons.
Le Mystère du Verbe fait chair
est l’avenir de notre humanité
qui cherche comment sauvegarder la planète,
qui cherche comment assurer la coexistence
entre les diverses cultures et religions,
qui cherche comment partager équitablement les richesses,
non pour que tous les humains deviennent chrétiens,
mais pour que tous les humains aient accès à ce Mystère.

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