FMJ MtlVendredi, 2e Semaine de l’Avent – C
Frère Antoine-Emmanuel
Is 48, 17-19 ; Ps 1 ; Mt 11, 16-19
11 décembre 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ils n’entendaient plus les pas de Dieu

Est-il possible que des gamins ne dansent pas
lorsqu’on leur joue de la flûte !

Est-il possible que des gamins
ne se lamentent pas
lorsqu’on leur chante des chants de deuil ?

C’est qu’ils ont le cœur ailleurs.
Ils sont trop occupés.
Ils ont perdu leur capacité toute enfantine
de s’émerveiller, de s’émouvoir, d’accueillir l’inattendu.

Pourquoi les contemporains
de ce grand ascète qu’était Jean-Baptiste
l’ont-ils traité de démon ?

Parce qu’ils avaient le cœur ailleurs.
Ils avaient perdu la capacité d’accueillir l’inattendu de Dieu.

Ils avaient le cœur dans tout ce qu’ils faisaient pour Dieu.
Et ils faisaient beaucoup pour Dieu.
Ils étaient tellement préoccupés de leurs œuvres pour Dieu
qu’ils étaient devenus insensibles à la venue de Dieu.

Ils étaient tellement pieux
qu’ils n’entendaient plus les pas de Dieu
qui venaient les appeler à la conversion ou à la danse.

Voilà ce qui motivait
le cri souffrant de Dieu relayé par Isaïe :
« Si tu avais été attentif à mes commandements,
ta paix serait comme un fleuve (Is 48,18) ».

C’est un cri de Dieu qui traverse les générations
puisque le psalmiste aussi nous le rapporte :
« Ah si mon peuple m’écoutait (…)
je l’aurais nourri de la fleur du froment ! » (Ps 81(80), 14..17).
C’est encore aujourd’hui le cri de Dieu,
et nous pouvons ce soir l’entendre
résonner dans notre cœur
avec le même écho
du premier cri de Dieu : « Adam où est-tu ? (cf. Gn 3,9) ».

Ah … si tu m’écoutais !

Frères et sœurs, ce cri prend en notre temps
une plus grande intensité.
Nous sommes dans une culture – occidentale –
où nous sommes capables de tout fabriquer.

Les européens viennent de réparer le cyclotron géant
conçu pour observer le boson,
une particule que l’on n’a jamais vue,
mais à laquelle les scientifiques croient.
Et les américains s’apprêtent
à lancer dans l’espace un téléobjectif
pour observer tout ce qui se meut dans l’espace.

Et beaucoup plus proche de notre quotidien,
nous fabriquons et maîtrisons tant de choses.
Et quand nous ne fabriquons pas dans le réel,
nous le faisons dans le virtuel.

Tout cela pour une part est magnifique :
parce que nous exerçons
la royauté de l’humanité sur la création.
Mais il y a un danger :
celui de vouloir tout fabriquer,
y compris l’expérience de Dieu.

Nous « faisons » des prières ;
nous fabriquons des décors ;
nous montons des célébrations ;
nous construisons des crèches ;
nous fabriquons une ambiance de Noël ;
nous créons, nous suscitons, nous fabriquons,
nous parlons, nous prêchons…
Et cela peut aller jusque dans la vie spirituelle elle-même
où nous parlons beaucoup avec nous-mêmes,
où nous nous façonnons un dieu bavard.

Frères et sœurs,
l’Avent est un moment très privilégié
pour prendre conscience de toute cette activité
et pour consentir à un certain vide,
qui ne va pas sans un sentiment de peur voir d’échec
comme une maison dont on décroche les tableaux,
où l’on fait de la place.

Jean-Baptiste nous invite
à préparer le chemin pour le Seigneur.
Il ne nous invite pas à mettre en scène sa venue.
Car c’est le Seigneur Lui-même qui vient.
Et je crois profondément qu’il vient,
qu’il vient en personne.
Pas forcément de manière sensible,
mais certainement de manière divine, réelle, puissante.

Celui qui vient est l’« au-delà de tout ».
Comment L’appeler d’un autre nom?
Il nous demande de lui faire de la place.

Si tu m’écoutes, si tu m’accueilles
je te donnerai la paix comme un fleuve,
et je te nourrirai de la fleur du froment !

« Que le Seigneur creuse donc en ton être
une attente et un appel
orientant ta vie à recevoir
et à garder la Parole du Père qui est son Fils
dans la joie de l’Esprit » (Livre de Vie de Jérusalem n° 31).

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