FMJ MtlFête des martyrs canadiens  
Frère Pierre-Benoît
Sg 3,1-9 ; Ps 123 ; Jn 12,24-26
26 septembre 2024
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

 
À la suite de témoins eucharistiques

Qu’avez-vous à nous dire, chers devanciers dans la foi? Quel témoignage eucharistique vos vies nous offrent-elles, chers Jean de Brébeuf, Isaac Jogues, Charles Garnier, Gabriel Lalemant et vos compagnons, chers consacrés et laïcs qui nous précédez dans la mission sur cette terre?

Quel message d’espérance la Parole que vous incarnez a-t-elle à nous dire aujourd’hui, à dire à nos propres vies, nous, famille des Fraternités de Jérusalem, en ce Sanctuaire du Saint-Sacrement, qui célébrons aujourd’hui nos petits «20 ans»? Vingt ans d’accueil, à Montréal, au Québec, au Canada…

Chers frères et sœurs, en ce jour de Fête, la Parole de Dieu, la vie de ces Saints Martyrs et la liturgie ont une grâce à nous révéler pour chacune et pour chacun. Grâce personnelle pour chacune et pour chacun qui donne sa vie pour l’annonce de la Bonne Nouvelle; grâce communautaire également pour continuer à marcher ensemble en pèlerins d’espérance. C’est une parole de foi, un témoignage eucharistique, un message d’espérance qui est livré à notre liberté ce soir dans la Foi.
Alors suivons simplement la Parole de Dieu qui nous est offerte: «Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.» (Jn 12, 24). Paradoxe de l’Évangile de la Vie! «Amen, amen, je vous le dis» (Jn 12, 24), affirme l’Écriture… Qui nous parle? C’est le Témoin fidèle (cf. Ap 1, 5). Le Témoin fidèle, Jésus Christ crucifié, mort, ressuscité. La Foi nous ouvre à la Vie — avec un grand «V» — et cette Vie nous ouvre à autrui — avec un grand «F», un grand «S» comme autrui, le Frère, la Sœur avec qui nous sommes appelés à être pèlerins d’espérance.

Quel était donc votre secret, chers Jean de Brébeuf, Isaac Jogues, Charles Garnier, Gabriel Lalemant? C’est que vous étiez tout donnés, tout donnés à Celui qui a donné sa vie pour nous tous… Pour de là partir plus loin, par delà les océans, par delà les vicissitudes, annoncer avec courage: «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» (Rm 8, 31b). Frères et sœurs, si Dieu a livré son propre Fils pour nous tous, comment pourrait-il, avec Lui, ne pas nous donner tout? (cf. Rm 8, 32) — c’est-à-dire sa Vie et notre vie? Avec ce Jésus ressuscité qui intercède pour nous, la question nous est alors renvoyée: quelle alliance allons-nous faire pour vivre de sa Vie? Jusqu’à quel point allons-nous oser nous donner à Lui, lui qui se donne à nous en chaque eucharistie?

Et dans cette Église de la croix et de la résurrection, quelle alliance allons-nous faire, frères et sœurs, en fraternité ensemble, pour continuer à marcher ensemble? Mourir à soi-même pour ensemble porter du fruit, en fraternité. Qui aime sa propre vie individuelle la perd; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la Vie éternelle (cf. Jn 12, 25) — Vie éternelle qui fleurit déjà dans l’aujourd’hui de l’Église.

Voilà le témoignage eucharistique: notre vie n’est plus à nous-mêmes, mais à Celui qui est ressuscité pour nous (cf. 2 Co 5, 15). Ainsi, comme disait Jean de Brébeuf, il s’agit de nouer une étroite amitié avec la miséricorde divine qui se donne à nous jour après jour et pouvoir, par grâce de Dieu, vivre comme Jean de Brébeuf, cette «Prière eucharistique» qu’il a laissée en testament en écrivant:

J’ai remercié Dieu, je me suis offert et j’ai dit: «Fais de moi, Seigneur, un homme selon ton Cœur. À l’avenir, rien ne me séparera de ton Amour».

Cette offrande eucharistique à Dieu du missionnaire est inséparable de l’amour d’offrande — missionnaire là encore — à autrui. Amour de Dieu et amour du prochain se nouent.

Pensons ici à cet épisode bien connu: en 1642, on capture Isaac Jogues, on le soumet à des tourments, on va même jusqu’à lui couper des doigts pour soi-disant l’empêcher de célébrer l’eucharistie. Puis il rentre en Europe en convalescence, il obtient de Urbain VIII l’autorisation de continuer à célébrer le sacrifice eucharistique. Et que fait-il deux ans plus tard? En 1644, de nouveau dans le bateau, il est de retour ici, sur la terre de la mission, pour annoncer l’Amour du Christ à ses frères et sœurs à qui il a donné sa vie… À cause d’une Croix, il revient et deux ans plus tard il offre en plénitude sa vie, étant tué en 1646.

La parole de foi, le témoignage eucharistique — offert notamment par ces saints Martyrs du Canada et par tant d’autres martyrs aujourd’hui dans notre monde —, voilà de quoi nous parle cette Fête, voilà finalement ce qui nous ouvre à un message d’espérance: «Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive» (Jn 12, 26) —, qu’il me suive jusqu’en vie éternelle.

Frères et sœurs, soyons aujourd’hui à notre tour par la grâce de Dieu des pèlerins d’espérance. Et quelle est notre espérance? C’est que notre vie d’ici-bas résonne avec la Vie d’après. Notre vie d’ici, avec ses croix, trouve son aimant par l’Eucharistie dans la vie bienheureuse de la Béatitude que nous chanterons tout à l’heure, à la fin de cette liturgie. Soyons pèlerins d’espérance dans ce monde qui a besoin de paix, d’amour, de vérité, de pardon et de miséricorde.

À l’intercession de saint Isaac Jogues et de ses compagnons, prions pour la paix entre les nations. Ces martyrs du Canada vivaient dans un temps de tensions avec et entre les nations autochtones. Prions aujourd’hui pour la paix sur notre terre en Amérique du Nord entre les différentes personnes. Prions pour la paix dans notre monde, pour la paix entre les différentes nations par la grâce eucharistique du Prince de Paix (cf. Is 9, 5) qui livre pour nous par amour sa vie chaque jour.

À la mesure de ce que notre liberté personnelle nous engage à vivre aujourd’hui, osons offrir avec foi notre vie dans l’élan eucharistique de nos devanciers qui nous parlent en ce jour. Devenons toujours davantage ces pèlerins d’espérance… en un mot, devenons par grâce des témoins eucharistiques pour aujourd’hui. Amen.