FMJ MtlJEUDI, OCTAVE DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR – A
Frère Antoine-Emmanuel
1 Jn 2, 12-17 ; Ps 95 ; Lc 2, 36-40
30 décembre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Éloge de la patience

Au chapitre 52 du livre d’Isaïe,
le prophète parle de guetteurs portés sur les murs de Jérusalem,
et il les entrevoit qui élèvent la voix
et ensemble poussent des cris de joie (cf. Is 52,8).
Pourquoi ?
Parce qu’ils ont vu de leurs propres yeux
le Seigneur qui revient à Sion (id.).

Et le prophète de poursuivre :
Ensemble, poussez des cris de joie, ruines de Jérusalem !
Car le Seigneur a consolé son peuple,
il a racheté Jérusalem (v. 9).

Frères et sœurs, qui sont Syméon et Anne ?
Ils sont bien de ces guetteurs de Dieu.
Voilà un homme et une femme qui sont restés en éveil ;
ils sont demeurés patients,
attendant la venue de Dieu,
attendant la délivrance de Jérusalem.

L’impatience nous pousse souvent
à chercher le salut ailleurs qu’en Dieu,
pour trouver immédiatement la consolation et la délivrance
de tout ce qui nous opprime
ou nous accable intérieurement ou extérieurement.

L’impatience nous jette dans les bras de la tristesse
parce qu’elle nous fait chercher le salut
dans ce qui finalement pille et dévaste notre liberté.

Le vieil âge de Syméon qui persévère dans l’attente du Messie,
les quatre-vingt-quatre ans d’Anne avec son long veuvage
qui n’ont pas éteint en elle le désir,
voilà qui nous appellent à patienter,
à guetter le Salut,
à ne pas mettre dans le monde,
dans ce qui est dans le monde (cf. 1 Jn 2,15)
l’attente, le désir, l’amour qui revient à Dieu seul.

Syméon et Anne sont des guetteurs
et aujourd’hui, dans le Temple, ils élèvent la voix
et poussent des cris de joie
parce qu’ils voient de leurs propres yeux
le Seigneur qui revient à Sion.

Anne, en particulier, voit dans cet enfant
la délivrance de Jérusalem annoncée par Isaïe.
Son attente, sa patience, ont été couronnés
par la Sainte Rencontre.
Et la voici qui éclate de joie
et se met à louer Dieu à pleine voix
et à parler de l’Enfant à tous ceux qui attendent,
qui attendent la délivrance de Jérusalem (cf. Lc 2,38).

Mais, Anne ne s’est-elle pas trompée ?
Elle parle de délivrance de la cité sainte
qui, de fait, est sous domination étrangère.
Mais où sont les armées qui vont expulser les romains ?
Où sont les chars et les chevaux,
les épées et les glaives ?

L’Évangile ne nous parle que d’un Enfant nouveau-né
présenté au Temple par ses parents,
puis qui grandit et se fortifie (cf. Lc 2,40)
dans la vie très ordinaire d’un village perdu de la lointaine Galilée.

Mais Anne ne s’est pas trompée.
Le salut de Dieu, le salut véritable
que l’impatience ignore,
il grandit et murit dans le quotidien.
Dieu nous sauve de l’intérieur.
Sa puissance n’est pas celle des armées
qui assaillent de l’extérieur :
elle est celle de l’amour qui, de l’intérieur,
nous travaille, nous libère, nous transforme.

Le Royaume de Dieu est semblable à une graine de moutarde
qu’un homme prend et sème dans son champ (Mt 13,31).
Il est semblable à un Enfant semé par le Père du Ciel
dans le sein d’une Mère,
dans le quotidien d’une famille,
dans l’ordinaire d’un village.
Non. Il n’est pas « semblable » à cet enfant :
il est cet enfant !

Noël, c’est l’entrée renouvelée de Dieu dans notre quotidien
qui émerveille ceux qui ont eu la patience de Dieu.
Noël c’est Dieu dans le métro,
Dieu dans la rue,
Dieu sous les ponts,
Dieu dans les studios et les maisons,
les cuisines et les bureaux,
les chapelles et les hôpitaux.

Il est là.
Il s’est faufilé dans l’ordinaire pour y être avec nous.

La délivrance de Jérusalem
c’est-à-dire l’avènement de la cité espérée,
de la cité de la communion et de la joie,
elle commence aujourd’hui quand
dans notre cœur lourd ou léger,
lumineux ou assombri,
nous laissons entrer l’enfant.

La patience voit venir l’Enfant et se met,
comme Anne, à louer Dieu,
et à parler de l’Enfant à tous ceux qui attendent

Anne, Sainte Anne du Temple,
Sainte Anne la liturge
fidèle au jeûne et à la prière,
apprends-nous à attendre,
et apprends-nous à parler de l’Enfant
à tous ceux vers qui le Seigneur nous envoie.
Amen.

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