FMJ MtlJeudi, 11e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Thomas
Si 48, 1-14 ; Ps 96 ; Mt 6, 7-15
19 juin 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

« Vous donc, priez ainsi : Notre Père »

Depuis lundi de la semaine dernière,
nous sommes revenus
dans le temps liturgique dit ordinaire.
Durant la semaine, la liturgie nous offre
la lecture continue de l’évangile de Saint Matthieu,
à partir du chapitre 5.
C’est ce qu’on appelle
le discours de Jésus sur la montagne.
Jésus y reprend des éléments de la Loi de Moïse,
des éléments de la pratique religieuse du peuple juif,
pour leur donner un sens nouveau.
Une des phrases clef de Jésus
pour comprendre le discours sur la montagne est :
« Je ne suis pas venu abolir la Loi et les Prophètes,
Je suis venu les accomplir. » (Mt 5,17)
Autrement dit :
Vous pratiquez la religion et c’est bien,
mais alors ne la pratiquez pas à moitié,
car sinon vous agissez en fait
comme si Dieu n’existait pas.

Hier, Jésus nous mettait en garde contre le danger
de pratiquer l’aumône, la prière ou le jeûne, pour nous
– pour nous faire remarquer et admirer des autres –
et non pour les pauvres, ni pour Dieu.

Aujourd’hui Jésus nous met en garde contre une prière
qui serait du rabâchage.
Qu’est-ce à dire ?
Un exemple éloquent de ce rabâchage
se trouve dans la prière des prêtres de Baal,
au sacrifice du Mont Carmel,
face à la prière du prophète Élie.
Nous aurions entendu ce passage
le mercredi de la semaine dernière,
s’il n’y avait pas eu la fête de Saint Barnabé.
Vous pourrez le retrouver dans vos Bibles,
au chapitre 18 du Premier livre des Rois.

Ils ne cessent d’invoquer le nom de Baal durant la journée,
allant jusqu’à se taillader avec des épées,
afin d’obtenir que les taureaux du sacrifice prennent feu.
Leur prière se limite à dire
« Ô Baal, réponds-nous. » (1 R 18,26)

Le prophète Élie, lui, ne prie qu’une fois,
mais d’une façon significative !
« YWWH, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël,
qu’on sache aujourd’hui que tu es Dieu en Israël,
que je suis ton serviteur et que c’est par ton ordre
que j’ai accompli toutes ces choses. » (36)
Et il est exaucé sur le champ,
les deux taureaux prennent feu.

Quelle différence notable entre ces deux prières ?

C’est que la première prière
– celle des prêtres de Baal – est impersonnelle.
Elle tient davantage de la magie
que d’une demande adressée
à quelqu’un qui compte pour moi.
De plus, ils en viennent à ne pas respecter leurs corps
en se tailladant, s’imaginant ainsi
rendre leur prière plus efficace.

Voilà donc une prière de rabâchage :
ils s’imaginent qu’à force de paroles
(et de démonstrations), ils seront exaucés.

Élie, lui, sait à qui il s’adresse en priant.
Il s’adresse au Dieu d’Israël,
qu’une bonne partie du peuple avait abandonné
pour se tourner vers les Baals.
Et l’objet de sa prière est que le peuple reconnaisse
que c’est YWWH qui est Dieu, et non Baal.

*

Quelle est ma prière ?
Si je n’ai en vue, dans ma prière,
qu’un désir précis, qu’une demande précise,
je risque de perdre de vue
Celui à qui ma prière s’adresse.
De plus je risque de me décourager
si le résultat attendu ne vient pas comme je le pense.
Comme les prêtres de Baal devaient être découragés
après avoir passé la journée à invoquer le nom de Baal
pour mettre le feu aux taureaux, sans aucun résultat !

J’ai souvent reçu des confidences de personnes
disant se décourager de prier
– même de perdre la foi – parce que l’emploi,
ou la solution d’un problème administratif,
ou encore la comblance d’un vide affectif,
qu’ils demandaient pourtant
avec persévérance dans leur prière,
ne venaient pas.

Mais quelle image de Dieu je développe alors ?
Il devient Celui qui pourra
résoudre mes problèmes existentiels.
Et si mes problèmes ne sont pas résolus,
alors j’arrête de Le prier ;
j’essaie autre chose que la prière
pour résoudre mes problèmes !
À cela Jésus nous répond :
« Votre Père sait de quoi vous avez besoin
avant même que vous l’ayez demandé. » (Mt 6,8)

Ai-je pris la peine de chercher à connaître
Celui que je prie,
avant de Lui adresser des demandes ?
Comme Élie qui connaissait le Dieu d’Israël
avant de Le prier ?

Jésus nous révèle que Dieu est notre Père.
Il prend soin de nous,
de notre subsistance sur cette Terre,
de la paix dans nos relations
– si toutefois nous y mettons de notre côté
de la bonne volonté –
et de notre bien.
C’est là le sens de la prière du Notre Père
que Jésus nous apprend.

Puis Jésus nous révèle
qu’Il veut faire de nous ses amis ;
et aussi que l’Esprit Saint
est notre Défenseur, notre Consolateur.
Les saints et les saintes sont
nos frères et nos sœurs en humanité
qui nous ont précédés dans le Ciel
– en tête desquels se trouve la Vierge Marie –
sont nos intercesseurs.
Ils prient Dieu pour nous.

Alors, quelle sera notre prière ?
Une tension continuelle
pour obtenir tel ou tel avantage,
telle ou telle consolation
d’où Dieu finalement sera absent ?
Ou bien une quête,
avec toute notre sensibilité,
avec toute notre culture,
avec toute notre volonté,
du visage de Dieu tel qu’Il est ?

Alors, comme le prophète Élie,
nous pourrons demander à Dieu
des choses audacieuses et nous serons exaucés !

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