FMJ MtlNATIVITÉ DU SEIGNEUR (nuit) – C
Frère Benoît
Is 9, 1-6 ; Ps 95 ; Ti 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
24 décembre 2009
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Dieu infiniment bienheureux

Chers frères et sœurs,
Dieu est heureux !
Nous ne pouvons même pas nous imaginer
à quel point Dieu est dans la joie.
Aujourd’hui et pour toute l’éternité !
Sa joie est immense
et se déploie à travers tout, silencieusement,
comme à travers la neige qui tombe dans le nord du pays,
bruyamment aussi dans les effondrements des étoiles
dont nous n’aurons jamais connaissance.
Il est heureux en Lui-même,
heureux dans ses anges,
heureux infiniment et parfaitement en tout,
même en nous et dans le néant.

En fait, cela n’est pas difficile à comprendre
du moment où Dieu est Dieu, Dieu – vraiment !
Il ne peut être qu’heureux, car il est la Vie éternelle.

Ce qui est plus difficile à comprendre,
c’est comment cela se fait.
Que nous, nous n’en sachions presque rien.
Dans l’Ancien Testament,
les Hébreux se posent cette question :
Comment Dieu va-t-il se faire proche de nous ?
De quelle manière va-t-il nous visiter ?
Tandis que les Grecs avaient un autre souci :
est-ce que Dieu, un vrai Dieu, peut se faire proche de nous ?
Est-ce que ce n’est pas absurde, contre toute logique
que Dieu se penche sur nous ?
Au Moyen-âge la question était bien sûr déjà toute autre.
Saint Anselme se demande :
Pourquoi Dieu s’est-Il fait homme ?
Était-ce vraiment nécessaire ?
Ne suffisait-il pas que Dieu dise un seul ordre
et tout serait réglé, sauvé ?
Plus proche de nous, Martin Luther
renverse un peu les perspectives et se demande :
qu’est-ce que cela m’importe que Dieu se soit fait homme ?
Qu’est-ce que cela signifie pour moi personnellement ?
Mais aujourd’hui, une question
qui revient régulièrement me semble-t-il est :
s’il y a un Dieu, a-t-il oublié que l’homme existe ?

Nous ne nous demandons plus tellement
qu’est-ce que Dieu peut ou ne peut pas faire,
mais est-ce que l’homme Lui importe vraiment.
À quoi Dieu pense-t-il en nous regardant ?
Si Tu existes, qu’est-ce que Tu fais ?
Nous aimerions tellement
que Dieu vienne dans notre misère,
qu’il nous sauve, enfin !

Et Lui, infiniment bienheureux en Lui-même nous exauce,
mais Il nous envoie un Sauveur si petit et si faible.
Il faut le chercher à travers les signes, si surprenants,
que sont les couches d’un nouveau-né,
couché dans une mangeoire,
alors que les bergers sont dans leurs champs
avec tous leurs troupeaux
enveloppés, eux, de la Lumière divine !
Un ange leur parle
puis une troupe céleste innombrable
et plus brillante que les étoiles
chante devant eux.

Mais, l’annonce glorieuse des anges
n’est pas un signe suffisant.
Ils doivent aller à travers la nuit noire,
chercher un autre signe, Le signe :
« Vous trouverez un nouveau-né
emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2,12) .
C’est quoi ce signe ?!

Eh bien ! chers frères et sœurs,
voilà Le signe d’un Dieu heureux.
Heureux vraiment, car avec nous.
Heureux avec nous, Emmanuel, Dieu avec nous,
mais heureux aussi comme nous !
Tout prend sens là à la crèche.
Il est avec nous, silencieux, sans défense, innocent,
un enfant livré à notre histoire.
Avec nous, avec les innocents, avec les sans défense…

Il y a là quelque chose de bouleversant,
au milieu de la plus grande pauvreté,
sa seule richesse, sa joie, sa béatitude,
c’est sa mère et son père
sentis à travers son corps humain tout frêle.

Son bonheur infini,
Dieu le sent pour la première fois dans un corps humain,
serré contre le corps de sa mère !
Cet enfant en avait tellement besoin
depuis l’accouchement !
Voilà sa richesse !
D’être avec nous.
Et non seulement objectivement d’être là
mais aussi subjectivement :
d’être pris dans les bras d’une humaine,
d’être allaité, d’être choyé :
il faut être attentif à Lui !

Dieu était toujours avec nous,
étant Dieu par qui et en qui tout existe.
Mais là, il n’est pas avec nous sans être nous,
juste dans nos ciels,
mais il est avec nous
jusqu’à faire l’expérience de sentir
dans chaque fibre de son corps l’amour d’une mère.

Marie est certes la meilleure mère du monde,
pourtant elle ne pourra pas empêcher,
comme toute mère,
que l’enfant ressente aussi la solitude,
le froid, la faim, l’angoisse d’être homme
sans savoir c’est quoi précisément.

Mais aujourd’hui, Dieu Lui-même
goûte à ses propres promesses
exprimées par le prophète Isaïe :
« Tu seras nourri et rassasiés
du lait de mes consolations,
tu puiseras avec délice
à l’abondance de ma gloire.
Je dirigerai vers toi la paix
comme un fleuve,
et la gloire des nations
comme un torrent qui déborde.
Tu seras comme un nourrisson
que l’on porte sur son bras,
que l’on caresse sur ses genoux.
De même qu’une mère console son enfant,
moi-même je te consolerai.
Ton cœur se réjouira,
tes membres, comme l’herbe nouvelle,
seront rajeunis. (cf Is 66,11-14)

*

Comment alors Dieu infiniment parfait
et bienheureux en Lui-même
peut-il se faire proche de nous ?
Est-ce possible pour lui
de se lier pour toujours à la faiblesse du corps ?
Pourquoi ferait-il cela ?
En quoi cela me concerne-t-il et finalement,
est-ce que cela vient donner sens à ma vie ?

Oui Seigneur, c’est sûr
que nous n’avons pas une réponse toute faite
aux souffrances qui accablent encore le monde
et chacun d’entre nous.
Toi non plus d’ailleurs
car tu ne sais pas encore parler.

Cependant tu es là,
la grâce de Dieu manifestée
pour le Salut de tous les hommes,
Tu es notre Sauveur,
heureux d’être heureux de notre joie.
C’est un signe que tu nous donnes :
que nous ne devons pas chercher ta gloire
seulement dans ce qui est manifestement glorieux,
mais aussi dans ce qui ne l’est pas apparemment.
Et puisque notre bonheur tu l’as accepté,
accepte nous aussi dans ton bonheur.
Tu n’es pas venu seulement pour partager notre vie,
mais pour nous donner en héritage la tienne,
celle de tous les enfants de Dieu. Amen.

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