FMJ MtlJeudi après les Cendres – B
Frère Thomas
Dt 30, 15-20 ; Ps 1 ; Lc 9, 22-25
19 février 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Décider de vivre le Carême par amour pour Jésus

Nous voilà depuis hier dans le Carême.
C’est un temps liturgique qui arrive sans crier gare !
Il n’y a pas si longtemps encore,
nous célébrions la Présentation du Seigneur,
la Fête de la vie consacrée dans le prolongement de Noël.
L’année liturgique avait bien démarré,
avec le temps de l’Avent, le temps de Noël,
les premières semaines du temps ordinaire
– nous étions rendus à la sixième –
et voilà que le Mercredi des Cendres arrive,
comme une cassure,
qui inaugure le cycle du Carême,
Pâques et le temps pascal.

La liturgie de l’Église nous avait bien lancés
dans la vie publique de Jésus,
avec la lecture suivie de l’évangile selon saint Marc,
les dimanches et en semaine.

Voilà que soudain les ornements liturgiques passent au violet,
les chants et les prières parlent de conversion, de pénitence.
Les textes bibliques parlent de jeûne, de prière,
d’aumône, de réconciliation hier…
et aujourd’hui ils parlent de choisir la vie,
ainsi que de la mort et de la résurrection de Jésus.

Je ne sais pas comment vous vivez cela,
mais moi, chaque année,
je trouve que le passage est un peu brutal.
Et pour les disciples, il y a près de 2000 ans,
l’arrestation, la condamnation et la mise à mort
de leur Maître Jésus n’a-t-elle pas été brutale ?

La liturgie de l’Église nous fait en quelque sorte
revivre la brutalité de la mort de Jésus.
Et il n’y a pas seulement la mort de Jésus.
Il y a aussi toutes les morts, les souffrances,
les injustices de ce monde
avec lesquelles Jésus Se solidarise par sa mort.

Le pape François, dans sa lettre pour le Carême de cette année,
met en garde contre la mondialisation de l’indifférence
devant les souffrances d’autrui.

Ainsi, l’irruption du Carême
dans le cycle de l’année liturgique,
vient chaque année nous réveiller,
nous rappeler avec vigueur :
« Le Christ est mort pour toi,
Il est mort par amour pour tous ceux et celles
qui souffrent dans le monde. »
Et il est significatif à cet égard que la date de Pâques
– donc aussi la date du début du Carême –
changent chaque année.
Cela nous maintient en éveil,
car on ne sait jamais très bien à l’avance
quand cela commence.

Cela pourrait avoir un caractère austère, frustrant
et peut-être vivons-nous parfois ainsi le Carême.
Mais si nous le voulons,
nous pouvons choisir et décider de le vivre
comme un temps où chacun, chacune,
nous renouvelons et approfondissons
notre relation au Christ et aux humains
d’une façon personnalisée qui nous est propre.

Quelle chance nous est donnée ainsi !
Et toute la liturgie nous y invite !
Hier, l’Évangile nous appelait à faire l’aumône,
à prier, à jeûner … en secret.
Je peux réagir de deux façons à cela :
Je peux me dire « Mon Dieu,
voilà d’autres choses difficiles que je dois faire.
J’ai déjà suffisamment de soucis comme çà ! »
Dans ce cas, je n’aimerai pas le Carême
et je chercherai plus ou moins consciemment à le fuir.

Ou alors, je peux me dire :
« Voilà que Jésus et l’Église
en appellent à ma créativité pour partager,
pour renouveler ma relation avec Dieu
et pour me retrouver moi-même
en renonçant à ce qui m’alourdit ! »

Le faire en secret !
Mais cela devrait emballer les êtres
épris de liberté et d’autonomie que tous nous sommes !
Et comme la plupart des gens qui nous entourent
ne sont pas bien conscients
que nous sommes entrés en Carême,
ils ne vont pas interférer
dans nos décisions pour vivre le Carême.
Et si telle ou telle attitude de notre part les questionne,
nous pourrons leur en donner notre véritable motivation :
pas pour nous conformer à une règle,
mais une décision libre pour davantage aimer.

De fait, beaucoup de gens vivent ainsi le Carême,
ou désirent le vivre ainsi,
si nous considérons le nombre des fidèles
qui chaque année viennent célébrer le Mercredi des Cendres
pour marquer l’entrée en Carême !

Les lectures de ce jour vont dans le même sens
et nous stimulent encore plus.
« Choisis donc la vie ! »
Je n’observe pas les commandements de Dieu
pour me soumettre à une loi (aussi bonne soit-elle).
Je les observe parce que je choisis de vivre pleinement.
C’est là la différence entre la loi de Dieu
et les lois et règlements des humains.
Ces derniers régulent simplement
les relations entre les humains,
alors que la loi de Dieu donne la vie, la vie en plénitude !

Et Jésus nous donne aujourd’hui le sens du Carême.
Ce n’est pas d’abord une ascèse,
un exercice pour notre santé spirituelle.
Le Carême, ce n’est pas le Ramadan des musulmans.
Ce n’est pas non plus un exercice de maîtrise de soi
comme nous pouvons en trouver par exemple
dans le yoga ou le bouddhisme.

Le Carême, c’est une marche avec Jésus
qui monte à Jérusalem pour y être crucifié et pour y ressusciter.

Le Carême, c’est d’abord un visage
avant d’être une pratique.
Et lorsque Jésus dit « qui veut sauver sa vie la perdra »,
le bouddhisme pourrait acquiescer à une telle affirmation.
Mais quand Il ajoute :
« Celui qui perdra sa vie pour Moi la sauvera »,
là c’est quelque chose d’original
qui type notre foi chrétienne !

Puissions-nous donc goûter la joie
de vivre ce Carême comme une marche avec Jésus,
que nous aurons décidé de vivre
avec notre créativité
pour véritablement choisir la vie !

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